Chapitre 15

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« Voilà. Celle-là, elle est pour toi ma chérie. » L'homme aux pattes d'oies près des yeux met la petite bague au doigt légèrement potelé de sa fille de six ans.

« Elle grandira en même temps que toi et te protégeras, quoi que tu fasses. » Il sourit et soulève l'enfant pour la poser sur sa table de travail. Elle le serre dans ses bras.

« Merci papa.

-De rien Elizabeth. » Elle sourit à son tour, avec le peu de dents de lait qu'il lui reste encore dans la bouche.

1951

« Pour toi. » Etan lui tend un petit paquet.

« Merci binoclard.

-De rien Elizabeth. » Elle le serre dans ses bras. Au dessus d'eux, le ciel sombre pointe un probable évènement qui ne plaira à personne. Elizabeth tente de le rassurer d'une voix douce :

« Ne t'en fais pas, cette famille va bien prendre soin de toi. Alors arrête de pleurer, d'accord ? » Il hoche la tête mais fait croise ensuite les bras, avec toute la détermination qu'un enfant de cet âge peut avoir.

« Je ne pars pas tant que tu ne l'auras pas ouvert...

-Allez viens. » Un jeune homme le prend dans ses bras et l'installe dans l'auto, malgré les hurlements de l'enfant :

« Elizabeth ! Elizabeth !

-Au revoir Etan. » Les yeux embués de larmes, elle se retourne et s'éloigne.

« Elizabeth ! » L'Horlogère au cœur brisé ne lui adresse plus un regard et ne voit pas, la petite clef dans la main du garçon de douze ans.

2018

Durant tout le trajet, Elizabeth garde les yeux fixés sur le petit oiseau en métal. Elle les ferme une seconde :

« Elizabeth ! Elizabeth ! Je t'en prie, Elizabeth ! »

Elle les rouvre en un éclair. Pourquoi faut-il que ses souvenirs la hantent aussi souvent ?

« Dites... » A l'arrière, Marilyn demande :

« Vous vouliez dire quoi quand vous dites que vous avez volé vingt ans ? » Elizabeth soupire longuement, le regard tourné vers la fenêtre de la voiture.

« Quand Catherina absorbe l'énergie de quelqu'un, en réalité, elle absorbe les années qui n'ont pas encore été vécues par cette personne. C'est pour ça qu'elle rajeunit. C'est pour ça qu'elle est puissante. Elle se nourrit du future que ses victimes n'ont pas eu le temps de vivre.

-Et vous alors ?

-Moi c'est le contraire. Je peux prendre toutes les années qui ont été vécues, mais pas celles qui ne l'on pas encore étés.» L'apprentie ne pose plus de question. Les révélations de maître lui ont bien assez donné de matière à réfléchir.

L'HorlogèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant