Aujourd'hui
La porte s'ouvre sur un vieil homme, dont les yeux incroyablement éclatants pour des iris marron semblent vivre.
« Peter ? Que fais-tu ici ? » Harry le dévisage, puis sourit. Il le serre dans ses bras et demande :
« Qui t'accompagne ?
-Je te présente Marilyn, elle est là parce qu'Elizabeth a tenu à ce qu'elle vienne avec nous.
-Lizzie est ici ?
-Bonjour Harry. » Sa voix douce s'élève et le vieil homme se fige. Ils se regardent et il s'avance. Puis, il pose sa main sur sa joue abîmée délicatement. Etonnamment, elle le laisse faire, les lèvres imperceptiblement courbées vers le haut.
« Catherina ? » Elle soupire et retire sa main, un sourire léger sur les lèvres.
« Marilyn est mon élève, je lui apprends la magie ancestrale. » Elle reprend plus bas :
« Catherina a pas mal prit aussi, ne t'en fais pas pour ça. On peut entrer ?
-Bien sûr. » Il les laisse passer la porte et s'installer dans le salon. Un verre de whisky, deux cafés et une tasse de thé sont posés sur la table et deux enfants apportent une boite à tabac.
« Tu fumes toujours ? » Elizabeth hausse les épaules.
« Bien sûr. Par contre, toi tu finiras avec un cancer. T'as songé à tes gosses ?
-Oui, ne t'en fais pas, j'ai une santé de fer.
-Marilyn. » Appelle-t-elle.
« Oui ? » L'intéressée regarde son professeur. Elizabeth remarque qu'elle toujours dans le regard cette lueur qui ne demande qu'à savoir.
« Allume ma pipe s'il-te-plait. Concentres-toi. » Elle ouvre la bouche mais encore une fois, l'autre sorcière la coupe :
« Non. Sans formule. » La jeune fille ferme les yeux, se concentre, sans succès. Elle s'exclame :
« Mais j'y arrive pas !
-Tu es sûre de toi ? » Marilyn fronce les sourcils.
« Regarde. » Elle pointe quelque chose du menton et l'apprentie se retourne. Elle n'a peut-être pas allumé la pipe, mais le feu a très bien prit dans l'âtre de la cheminée.
« Tout est une question de précision. » Commente l'Horlogère, debout, les mains dans les poches, de la brume opaque sortant de l'instrument à fumer en bois.
« Tu vas venir avec moi prendre certains trucs dans la grange. Si vous avez encore des choses à vous dire, faites-le, nous serons partis avant la nuit.
-Déjà ? » S'étonne Harry.
« J'ai peut-être retardé Catherina, mais elle va revenir. Et ce jour-là, il faut que je sois là. » Elle sort de la maison, suivie par la jeune fille pour entrer dans le grand bâtiment en bois décrépi.
« Tout se passe bien avec elle ? » Demande Harry. Peter hoche la tête.
« Bien sûr. Elle est assez froide au début, mais on s'y habitue. Je me doute bien que ça cache quelque chose en dessous. » L'homme rit.
« Je t'ai trop bien élevé, Peter. A une époque, elle passait son temps à sourire. Le premier enfant que j'ai eu sous ma garde, c'est sa petite Charlie, Charlotte. Je venais d'emménager au Canada. Elle me l'avait laissée pour la protéger de Catherina et lui éviter les déménagements fréquents. Elle voulait le meilleur pour cette enfant. C'était tout pour elle. » Peter fronce les sourcils. Il ne savait pas qu'Elizabeth avait une fille. Et cela lui semble plus invraisemblable que de savoir qu'elle a déjà réellement sourit.
« Mais... qu'est-il arrivé à Charlotte ?
-Aujourd'hui, elle vit dans la maison où elles vivaient ensembles avant de venir ici. Ecoutes, il y a longtemps, Lizzie m'a repoussé parce que... c'est une personne compliquée. Ce jour-là, j'étais très attaché à elle, et elle m'a beaucoup blessé, même si elle ne le voulait pas.
-Tu étais amoureux d'elle.
-Oui. » Répond-il rêveur. Il reprend :
« Ce que je veux dire, c'est que tu peux t'attacher à elle, mais évite de faire mon erreur. Elle souffre énormément, même si elle ne le montre pas. Et son seul moyen de défense, c'est de n'aimer rien, ni personne. Quitte à blesser en retour » Le jeune homme hoche la tête. Oui, il commence à le comprendre maintenant.
Dans la grange, Marilyn ouvre de grands yeux en voyant tout le bric-à-brac disposé sur les tables et établis. Recouverts de poussières, les anciens jouets d'Elizabeth sont pourtant exactement à la place où elle les avait laissés, cinquante ans plutôt.
« Ce sont toutes des horloges. Si tout est encore à sa place, ça va être très simple de retrouver ce que je cherche. » A une époque, elle avait passé des heures dans cet endroit pour travailler, créer toutes sortes de choses impossibles de la petite pendule à coucou à la projection plafonnière en plusieurs dimensions d'une horloge. Mais un an plus tard, elle avait dû partir, pour protéger le peu de famille qui lui restait. Dans le fond de la pièce immense, elle déplace de grandes planches pour découvrir une gigantesque horloge de la taille d'une porte avec un pendule, vieille de deux-cent-ans.
« C'est magnifique. » L'Horlogère hoche la tête.
« Oui, ça elle l'est. Tu sais, c'est un cadeau.
-De qui ?
-De mon mari. Alexandre. Pour l'emmener, il avait fallut que je trouve un Voyageur. J'avais mit trois jours. » Marylin fronce les sourcils.
« Un Voyageur ?
-Une personne capable de se téléporter entre les mondes. Certains peuvent se dématérialiser, d'autres emporter des objets. Enfin, des êtres rares que tu reconnaîtras à leurs yeux mauves. » Nostalgique, elle passe la main sur les moulures du bois.
« Allons-y. » Décrète-elle finalement. Sans plus attendre, elle ouvre la porte en verre de l'horloge et passe entre le bois et le pendule, pour arriver, sans surprise, dans son atelier.

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L'Horlogère
ParanormalDepuis longtemps, elle veille à l'équilibre du monde, guerre après guerre, horloge après horloge, sans jamais se défaire de sa bague, ni de son passé. Mais au fond, qui est réellement Elizabeth Albert? Si vous avez joué avec le temps, sachez qu'il e...