Chapitre 20

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Aujourd'hui.

La pluie caresse les carreaux de la chambre et la jeune femme l'écoute, allongée sur le dos, les yeux détaillant le plafond. Assise sur un siège confortable, Marylin lit. Debout devant la fenêtre et le regard perdu dans la nuit, lui attend de tomber de fatigue.

« Peter ? » Il se retourne vers elle. La brune se redresse pour poursuivre calmement :

« Vous devriez aller dormir. Toi aussi.

-Vous connaissant, vous n'allez pas fermer l'œil de la nuit. Comment voulez-vous que je dorme dans ses conditions ? » Demande-t-il, le sourire aux lèvres. Sans grandes convictions, Elizabeth se lève pour être à sa hauteur.

« De toute façon, pour parfaire l'éducation de ma jeune apprentie... » Commence-t-elle.

« Il faut qu'elle puisse apprendre, et tout refus de repos venant de vous, sera considéré comme une signature prouvant que vous êtes officiellement son cobaye. Jusqu'à la fin de sa formation, j'entends. » La concernée regarde la scène, amusée, tandis qu'ils ne lui accordent pas une once d'attention. Se sentant de trop, elle s'éclipse :

« Je vais me coucher. » Annonce-t-elle en serrant son livre contre elle. Ils la regardent partir.

« Je reste ici. » Déclare Peter. A sa plus grande surprise, elle répond :

« D'accord. Je vous en prie. » Trop épuisée pour se battre, elle retire ses chaussures, ses chaussettes, entre dans la salle de bain, pour en ressortir en chemise, lui arrivant au-dessus du genou. Elle s'allonge sous les draps et lance :

« Vous serrez le cobaye de Marylin pour lancer le sort du sommeil. » Il grogne, et en quelques minutes, il se retrouve allongé à côté d'elle, dans le noir. Le silence pèse quelques minutes.

« Je suis désolée. C'est de ma faute s'il est mort, s'ils sont tous morts...

-Non. C'est de sa faute à elle. » Rétorque-t-il avec une colère lasse.

« On ne peut pas toujours rejeter la faute sur le dos des autres.

-Peut-être. Mais, parfois, il faut savoir se rendre compte qu'on y est pour rien.

-Je sais. Mais là... c'est différent... C'est ma sœur.

-Justement. C'est votre grande sœur. Ce n'est pas à vous de la protéger, ni de veiller sur elle. Laissez-la mesurer les conséquences de ses actes. Vous n'êtes pas coupable de vivre. » Il ajoute ensuite :

« Il tenait beaucoup à vous. » Elle tourne la tête vers lui et le regarde dans les yeux. Dans l'obscurité, elle y lit de la tristesse, de la colère, de la compassion aussi, une certaine indulgence et une tendresse cachée. Son regard se reporte à nouveau sur le plafond, qui finira sûrement par s'user à la longue. Prise d'une inspiration soudaine, elle se met de côté, face à lui.

« Peter ?

-Je suis toujours là... » Soupire-t-il en l'observant de nouveau.

« J'aimerais vous montrer un souvenir. Je peux ? » Il hoche la tête et elle lui prend la main. Saisi par son geste, il ne dit plus rien. Et puis, il se sent happé par quelque chose de différent, autour d'eux, le décor change pour un ensemble désuni lumineux. Le jeune homme a l'impression qu'elle le fait entrer dans sa tête et elle lui confirme :

« Bienvenue dans ma mémoire ! Que voulez-vous voir ?

-Que voulez-vous que je ne voie pas ? » Demande-t-il du tac au tac. Elle soupire. Il regrette de l'avoir blessée. Ce n'était pas du tout dans ses intentions.

« Demandez, on verra.

-L'oiseau... » Il hésite un instant.

« Montrez-moi Etan, s'il-vous-plait. » L'Horlogère s'exécute et les deux personnes se retrouvent dans le passé, derrière elle, debout, face à un garçon, assit sur son établi.

Elle s'approche de l'enfant.

« Tu fais quoi ?

-C'est le mécanisme pour l'horloge du Maire.

-Bravo. » Elle le regarde travailler et déclare calmement, une pièce d'engrenage dans les mains :

« Je suis fière de toi binoclard. Tu as peut-être les yeux de travers, mais tu es très habile de tes mains.

-Merci Elizabeth. » Ils se sourient, et la brune du présent s'approche du garçon. Elle tend la main, pour la poser sur sa joue, mais elle ne rencontre que du vide. Elle ne rencontre que son souvenir.

« Je veux rentrer. » Déclare-t-elle. Il acquiesce, et ils se retrouvent dans le noir, dans le lit de leur hôtel.

« Je le connais. » Souffle Peter. Il répète, agar :

« Je le connais. » Elle tourne la tête vers lui, troublée.

« Ah oui ? » Il hoche la sienne, sûr de lui.

« C'était mon grand-père. » Cette fois, elle comprend ce qu'il l'intriguait dès le départ chez lui. Peut-être qu'au fond, il y avait un peu d'Etan dans le regard de Peter.

L'HorlogèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant