Chapitre 10

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Aujourd'hui.

On frappe à la porte.

« Entrez. » Il entre, pour la voir assise en tailleur sur le grand lit, des rouages éparpillés sur les draps clairs. Peter hésite un instant.

« Je vous dérange ? » Le visage concentré de l'Horlogère se détend peu à peu. Elle secoue la tête et se lève. Ses pieds nus s'enfoncent un peu dans l'épais tapis crème de la chambre. Elle prend une petite boite en métal, puis lui tend. Il l'ouvre.

« Alors vous les aviez réellement avec vous. C'est un excellent travail. Pour l'époque, je veux dire.

-Bien entendu. » Elle demande vaguement :

« Votre équipe se pose toujours autant de question ?

-Malheureusement, oui. Ils pensent que vous ne savez pas ce que vous faites. » Le visage d'Elizabeth se ferme.

« Les plus puissantes sont la rouge et la bleue, faites attention à vous. » Il hausse les sourcils.

« Pourquoi seulement celles-là ?

-Plus une sorcière vieillit, plus ses pouvoirs sont grands. » Il hasarde, en posant la boite sur le rebord du lit :

« Quel âge avez-vous ?

-J'ai vingt et un ans. » Il sourit tranquillement, l'air entendu.

« Et en vrai ? » Elle réfléchit.

« Je dois avoir... deux-cent-soixante-cinq ans, à peu près... je crois... J'en suis presque sûre.

-Qui ne connait pas son âge ?

-Moi. » Elle hausse les épaules et s'assoit.

« Pour moi, l'âge ne sert littéralement à rien. Je ne vieillis plus depuis mes vingt et un ans. Mais vous, quel votre âge ?

-J'ai vingt-cinq ans. Mais vous deviez le savoir, je suis plus jeune que vous. » Il se rattrape néanmoins :

« Pour votre gouverne, je ne vous aurais pas donné la vingtaine. » Elle sourit et demande, la tête inclinée sur le côté :

« Alors, du nouveau ?

-On a demandé à une petite poignée de personnes s'ils connaissaient la fille qui avait les trois bagues du Temps. Ils ont tous dit non, mais puisqu'ils savent que vous êtes ici avec les bijoux recherchés par Catherina, à mon avis, on ne devrait pas tarder à avoir des nouvelles.

-C'est parfait. » Il s'assoit.

« Elle saura que c'est étrange que je me sois fait découverte. Elle pensera donc que je les ai confiées à quelqu'un. Vous donnerez la boite à Sasha. » Il se gratte l'arrière de la tête, mal à l'aise avec l'idée.

« Il manquera la vôtre, et si elle les prend...

-Je ne suis pas assez stupide pour me retrouver sans défense face à elle. Et soyez sûr d'une chose, je vous jure qu'elle n'aura jamais leurs bagues. » Elle cesse de tergiverser et demande ensuite :

« Je voudrais vous dire quelque chose, mais il faudrait que ça reste entre nous, je peux vous faire confiance ?

-Je ne sais pas encore pourquoi, mais depuis que vous m'avez ouvert votre porte ce soir-là, je sais que vous pourrez toujours compter sur moi. » Sourit-il tristement.

« Ne vous attachez pas trop... » Elle se perd un instant dans ses souvenirs avant de reprendre comme si de rien n'était :

« Mais je ne veux pas que vous ayez à choisir entre vos amis et moi. Je ne suis pas ce genre de personne. Je ne suis pas un monstre. Pas à ce point-là.

-Vous n'êtes pas un monstre. » Elle rit froidement en secouant la tête.

« Je vous l'ai dit, vous ne savez pas tout sur moi.

-Même si je ne vous connais pas de grand-chose, je peux dire que vous n'êtes pas un monstre. Harry est une personne bien que je connais depuis longtemps et s'il a confiance en vous, alors moi aussi. Je vous écoute. »Elle se mord la lèvre.

« Ce ne sont pas des vraies. Les autres bagues sont toujours cachées. Le seul moyen que Catherina les trouve serait que je lui donne. Et je serais morte avant que ça n'arrive. » Déclare-t-elle sombrement. Peter prend la boite et la tourne entre ses doigts, ironique.

« Donc effectivement, si elle prend celles-ci, elle ne risque pas d'aller bien loin. » Ils se regardent un instant, puis font face au mur.

« Et la vôtre, c'est une vraie ?

-Bien sûr ! » Rie-t-elle. Elle la tourne sur son doigt et la retire. Elle lui tend.

« Vous la sentez ? L'énergie qui émane d'elle. » Il secoue la tête, sourcils froncés.

« Fermez les yeux et concentrez-vous. Ressentez-la, elle fait du bruit, a une couleur, ou une odeur. » Il s'exécute, reste silencieux, puis sursaute. Il regarde la bague dans sa paume.

« C'est une horloge... » Elle l'encourage à poursuivre d'un signe du menton.

« Je ... je me suis souvenu d'une chose très ancienne...Mais ce n'était pas un de mes souvenirs, n'est-ce-pas ?

-C'est le premier souvenir de ce bijou.

-Elle a des souvenirs ?

-Comme vous et moi. » Il regarde le petit objet de métal sérieusement et elle rit de nouveau.

« Quoi ?

-Vous avez cette expression qui vous est propre lorsque vous êtes concentré, vous êtes tellement surprit par ce que je vous dis.

-Bah, je suis désolé, mais ce n'est pas commun d'apprendre que les objets se souviennent !

-Mais bien sûr que les objets peuvent se souvenir, c'est normal !

-Pas vraiment, non. » Répond Peter, vexé. Elle dit doucement :

« Chaque chose garde une trace de sa vie, pour que la lecture d'un évènement passé soit difficile, il faut qu'il ne reste que des cendres. Pour lire ces évènements, il faut un long apprentissage, ou une certaine puissance. Pour une raison qui m'est encore inconnue, vous avez une source d'énergie inépuisable à l'intérieur de vous.

-Une source d'énergie ?

-Oui, c'est que Catherina utilise pour rajeunir. Elle vole du temps. Et du temps, vous en avez à revendre.» Elle ne fait que penser le reste funestement : « C'est à cause de votre génétique que vos parents sont morts. »


L'HorlogèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant