Aujourd'hui.
« Elizabeth. Elizabeth ! Réveillez-vous ! » Mais il a beau la secouer par l'épaule, il a même allumé la lumière au plafond, elle continue toujours à délirer, et les hurlements et souvenirs s'enchainent :
« Elizabeth ! » Crie encore une fois Etan.
« Tout va bien ma Lily... » Lucien la serre dans ses bras.
« Au revoir mon amour, prends soin de Charlie chérie.
-A bientôt François. » Le soldat s'éloigne d'elles.
« Wilma !
-Je te pardonne. » Murmure encore la sœur de l'Horlogère avant de tomber.
« Harry !! »
La jeune femme se réveille en sursaut, prend l'inconnu à la gorge et se positionne à demi sur son buste, une aiguille bleue et lumineuse à la main. Il lève les bras, en signe de reddition et répète :
« C'est moi ! C'est Peter, Elizabeth, c'est moi. » Les yeux étrangement pâles reprennent leur couleur bleue foncée originelle. Elle cligne des yeux plusieurs fois, et secoue la tête avant de reculer vivement, le souffle court. Elle descend du lit à reculons, les mains sur le visage. La brune ne s'arrête qu'une fois dos au mur. A cet instant, elle s'accroupit et secoue de nouveau la tête.
« Hé, je vais bien. » Lui dit Peter, il s'assoit près d'elle à la fin de sa phrase. Puis, il reprend :
« Ça avait l'air affreux. Vous en faites souvent ? Des cauchemars.
-Je suis désolée. Je....
-Je sais. Mais dites-moi. De quoi avez-vous rêvé ?
-Ce n'était pas un cauchemar. » Lâche-t-elle enfin. Elle relève la tête et le regarde.
« Cela fait des décennies que je n'ai pas rêvé ou cauchemardé. Ce sont mes souvenirs. Ils me hantent une fois par nuit. Si je parviens à me rendormir, je suis cette fois happée par le vide. Je n'ai rien d'autre dans mon sommeil que mes souvenirs et la solitude.
-Vous devez bien avoir vécu des choses heureuses, non ? Je ne sais pas... avec votre fille peut-être ?
-Qui vous a parlé d'elle ? » Demande-t-elle froidement, sur la défensive. Ses yeux s'éclaircissent une seconde, elle les ferme une autre, et les rouvres plus sombres la suivante.
« Je suis désolée. C'est Harry ?
-Oui. Comment est-elle ? » La tête vers lui mais posée sur ses genoux, elle demande doucement :
« Vous voulez la voir ?
-Je... vous soulez bien ?
-Si je vous pose la question. Et puis, ça me donne une bonne raison pour la revoir. » Il lui tend la main lorsqu'elle se redresse. Elle secoue la tête.
« Pour montrer...je...je n'ai pas besoin de toucher une personne pour lui montrer un souvenir. » Il lui fait un petit sourire entendu et lui prend la main tout de même. Elle ne le quitte pas des yeux quand ils se retrouvent dans le champ de lin, ni quand il regarde autour de lui, émerveillé, ni quand le vent fait voler ses cheveux. C'est un rire qui attire son attention. Un rire d'enfant. Et c'est au tour de Peter de l'observer. Il voit en elle une femme qui a perdu beaucoup, mais qui sait encore comment sourire. Une petite tourne sur elle-même un peu plus loin. Elle s'arrête, en riant, et s'assoit, au milieu des fleurs mauves de lin. Peter se lève, suivit d'Elizabeth.
« Elle est magnifique. Elle vous ressemble beaucoup.
-Vous trouvez ?
-Oui. » Elle sourit, pour de vrai, pour la première fois depuis longtemps.
« Merci Peter. » Ils restent là, sans notion du temps. Et la jeune femme se dit que cela faisait du bien, de ne pas savoir l'heure qu'il est, et de ne pas voir le temps passer dans son horloge interne. Prise d'une envie soudaine, elle lâche Peter, elle se met à tourner sur elle-même et à rire aux éclats. Etonnamment, la petite Charlotte se relève et s'accroche à sa mère qui la prend dans ses bras. Elles se mettent à tourner ensembles. Quand Elizabeth s'arrête, le jeune homme la rattrape au vol. Elle rit :
« Ça fait bien longtemps que je ne me suis pas autant amusée ! » Elle reprend son souffle et se regarde avec sa fille.
« Encore maman ! Encore ! » Avec un nouveau rire, elles tournent à nouveau ensemble.
« L'année qui a suivi ce souvenir, nous avons emménagé chez Harry. Elle ne s'est jamais plainte. Que ce soit pour la mort de son père, pour le déménagement ou pour mes absences. » Il ne dit rien un instant.
« J'aimerais avoir vos dons.
-Pourquoi ?
-Je sais que ça doit être lourd à porter. Mais si je pouvais visionner mes souvenirs comme je le souhaite...
-Vous y passeriez des heures à en devenir fou. Vous seriez enfermé dans le passé, sans perspective d'avenir. » Répond-elle, le regard fixé sur la petite blonde. Il suit son regard.
« Pourtant, vous avez l'air de vous en sortir.
-Je suis l'incarnation même du passé, et puis, parfois, même pour moi c'est dur. » Elle marque une pause. Le rire de sa fille lui avait tant manqué. Mais remarque-t-on l'absence de quelque chose tant que l'on ne l'a pas à nouveau ?
« Merci.
-Pour ?
-D'avoir demandé à la voir. Ça m'a fait très plaisir. » Il sourit.
« Je vous en prie. » Ils restent devant le paysage jusqu'à ce que les deux membres du souvenir rentrent pour le « goûter » :
« Je lui fait du pain et de la confiture de framboises. Elle a-do-rait ça. Je mettais bien un quart d'heure à retirer la confiture sur ses joues par contre. Mais elle était heureuse et c'est tout ce qui comptait pour moi.
-Quand j'étais petit, ma mère me faisait des tartines de beurre et de chocolat en poudre. » Elle sourit.
« Ma mère à moi fait des petits gâteaux. » Elle marque un temps d'arrêt avant de poursuivre :
« Lucien lui, me donnait des bonbons. Et Charlie donnait à son fils de la tarte. Vous saviez que je suis grand-mère ? Enfin. Je l'ai été. Gabriel est décédé il y a six ans. Les artères.
-Je vous l'ai déjà dit, je ne vous donnerais pas la vingtaine. » Elle serre ses bras autour d'elle.
« Mais je pense que de toute façon, vous avez été une mère et une grand-mère formidable. »Elle penche la tête sur le côté, l'ombre d'un sourire sur les lèvres. Elle répond malicieusement :
« On m'a toujours dit que j'étais une vraie sorcière. » Il éclate de rire. Si longtemps qu'elle n'avait pas connu une personne avec laquelle elle s'entend si bien...

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L'Horlogère
ParanormaleDepuis longtemps, elle veille à l'équilibre du monde, guerre après guerre, horloge après horloge, sans jamais se défaire de sa bague, ni de son passé. Mais au fond, qui est réellement Elizabeth Albert? Si vous avez joué avec le temps, sachez qu'il e...