Chapitre 32

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Aujourd'hui.

Dans le salon, le ton monte rapidement quand la conversation entre Sasha et Elizabeth s'engage dans un dialogue de sourd.

« Je ne vais pas les manger ! Je veux juste leur parler. Vous savez, avec des mots.

-Arrêtez de me prendre pour une idiote. » Elle lève les yeux au ciel, exaspérée par l'attitude de l'autre femme. Elle n'est pas idiote ? Elle le croit sincèrement ? « Elle est bien la seule. » L'agent de la SPI s'engage sur un chemin différent :

« De toute façon, vous n'êtes rien sans votre bague... » Un vent violent plaque la petite Sasha contre le mur juste derrière elle. Entre ses dents, Elizabeth siffle rageusement :

« La dernière fois que je n'ai pas eu ma bague au doigt, j'ai réduit une forêt en cendre, juste par colère. Alors, à ta place, la rouquine, je ferais très attention à ce que je dis ou fais, parce que ta vie ne vaut rien à mes yeux. Compris ? » L'autre hoche la tête faiblement et tombe misérablement au sol. La fureur de la brune tombe aussi, pour laisser place à un sentiment de solitude. Encore une fois. Les choses semblent se répéter au cours de l'Histoire. Elle secoue la tête à son tour, pour se reconcentrer sur une partie de son essentiel, Marylin.

« Je vais te faire faire un sort de désenchantement aujourd'hui. Ça te dit ?

-Pourquoi pas. » L'Horlogère se retourne, sonde quelques secondes le regard de Peter, s'excuse silencieusement et se met en marche. Elle prend sa veste.

« Tu viens ? » Marilyn sourit et se lève.

« Je vous laisse le temps d'y réfléchir. » Lâche Elizabeth en fermant la porte. Dans la rue, elle hèle un taxi et demande à son apprentie :

« Tu veux aller où ?

-Buckingham palace ?

-Tous ces jeunes ont des goûts de luxe de nos jours. » Maugrée-t-elle une fois la jeune fille dans la voiture. L'Horlogère monte à son tour de l'autre côté et demande au chauffeur :

« Dans combien de temps pensez-vous être à Buckingham Palace, je vous prie ?

-Une vingtaine de minutes, s'il n'y a personne sur la route.

-Parfait. Je vais t'apprendre un tas de choses sur ce palais. Il y a tellement d'informations intéressantes. » Elle ajoute bien plus bas :

« Je l'ai vu en construction, il est gigantesque. » A voix normale, elle poursuit :

« Le premier monarque qui y a vécu est la reine Victoria, en 1837. Je suis venue ici pour mon voyage de noces. » Elle regarde les rues défiler par la fenêtre et ne dit plus rien un moment.

« Il était comment ? » L'interroge la jeune fille à la peau foncée. Elle murmure, en guise de réponse, quatre mots :

« C'était un mari parfait.

-Vous l'aimiez ? » Elizabeth hoche la tête.

« Oui... De tout mon cœur. » Arrivée près du palais, le taxi s'arrête, la brune paye et elles sortent. Les mains dans les poches, le professeur réfléchit. Elle finit par dire :

« Viens avec moi. » L'apprentie s'exécute et elles entrent dans l'énorme bâtiment. Elles suivent le groupe de visite et impriment le somptueux décor dans leur mémoire, même si l'une de ces deux femmes s'en souviendra plus facilement que l'autre.

« Tu vois ce programme ?

-Oui... Il est entre vos mains.

-Je pense qu'il serait plus joli en vert.

-Vous plaisantez ? » S'exclame la jeune métisse. Elle baisse d'un ton :

« Et si c'était les cheveux de ce gars qui devenaient verts ? » S'affole Marilyn en pointant discrètement le vigile en surcharge pondérale devant elles. Marylin se braque :

« Je ne peux pas.

-Si tu n'es pas habituée à te débrouiller en public, autant arrêter la magie tout de suite. Je te renvoie chez toi, avec tes vieux livres poussiéreux.

-Je...

-Reprends-toi, bon sang ! Tu crois vraiment que toute ta vie va attendre que tu aie le courage de l'affronter ?

-Au voleur ! » Elle est coupée par le cri d'une vieille femme. Un adolescent avec une casquette rouge sur la tête se met à courir. Pourtant, il ne fait pas deux mètres sans trébucher sur quelque chose d'invisible. Il s'étale de tout son long, juste devant les deux sorcières. La plus jeune ramasse le sac, le rend à sa propriétaire et lorsqu'elle se retourne, la seconde a disparu. Elle panique une dizaine de minutes avant de parvenir à se calmer. Elle ne devait pas être bien loin.

Effectivement, l'Horlogère l'observe attentivement, sur le toit d'un immeuble, avec l'espoir de rester invisible encore un peu. Elle sourit. Elle commence à s'amuser de plus en plus. Elle pose un pied sur le rebord, s'affale dessus et pousse un léger soupir de contentement.

« Courage ma belle. Tu finiras bien par me retrouver. » Elle rit et secoue la tête pour reporter toute son attention à nouveau sur son apprentie.

« Alors, que vas-tu faire ? »

L'HorlogèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant