Chapitre II : Éclats de coeur

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Mon enfance était banale, c'est ce que j'ai longtemps cru. J'allais à l'école, je rentrais, prenais mon goûter, apprenais mes leçons, allais jouer chez ma voisine. J'y restais des heures, on s'inventait des vies, une fois médecins, l'autre avocates. On traînait sur Google à la recherche d'écuries à vendre, on y croyait. C'était beau cette détermination qu'on avait, des glaces dans les mains, on contemplait les étoiles en se disant qu'on ressemblerait à des stars de séries télé. L'une serait une chanteuse connue, quant à l'autre, une créatrice de mode, ou une danseuse peut être.

Mais ma vie ne l'était pas, elle ne l'a jamais été, car une enfance dite normale, ne comprends pas des allers-retours au tribunal, au commissariat.
J'y allais, car mes parents étaient séparés, trop immatures pour trouver un accord, ils se battaient pour savoir qui aurait la garde de mon frère et moi. Jusqu'à mes quatre ans, j'avais donc vécu chez mon père face à la mer alternant entre football, piscine et équitation. Rythme soutenu, quasi militaire. Deux enfants qui devaient devenir des armes de guerre, faire revivre le rêve de leur père.

Ensuite, j'ai vécu chez ma mère, j'y suis restée. Plus calme, plus stable, je m'y sentais mieux, plus dans mon élément, meilleure pour étudier que pour tuer, j'avais opté pour l'Est de le France. Ma vie alliait calme de la campagne, et excitation de la ville, cache-cache avec les copains, soirées pyjama, récréations à jouer à la marelle.

Or, dans tout cela, il y avait les heures passées dans un bureau de police, à dire du mal d'un des parents, ou de l'autre, au tribunal, même chose. Je n'ai pas vraiment de souvenir précis de ce que l'on me demandait, sûrement car mon cerveau voulait oublier ces horribles instants. Des fois la nuit, je revois des moments du passé, et je me réveille, effrayée, j'ai peur, je me sens comme étranglée, je me mets à pleurer, et me rendors noyée dans mes larmes salées.

Au début, je ne savais pas réellement pourquoi je devais endurer tout cela, on me disait que mon père était méchant qu'il fallait que je le dise pour qu'il ne puisse pas nous faire de mal, que ma mère était une menteuse et qu'elle nous manipulait. En tant qu'enfant influençable je changeais souvent de position, de camp si l'on peut dire ça comme ça.

Jusqu'au moment où j'ai dû choisir. Choisir lequel de mes parents je n'allais plus voir, choisir celui qui allait me détester. J'ai choisi ma mère, ici, j'avais tous mes amis, ma famille, et mon père me faisait peur désormais.On me l'avait décrit comme un monstre, violent, méchant, qui nous bourrait le crâne. Il était devenu la cause de mes crises d'angoisse contre lesquelles je prenais un traitement. Si jeune et déjà traumatisée.

J'avais préféré ma maman, douce, et protectrice. C'est comme ça qu'elle était, je crois.
Alors une nouvelle vie a commencé, sans mon père. C'est vrai, il me manquait, pendant au moins quatre ans je n'ai plus eu aucune nouvelle, j'avais fini par croire qu'il était mort, c'est ce que je disais à mes amis qui ne comprenaient pas la situation, moi non plus je ne comprenais pas. Quand je demandais pourquoi, moi, je n'avais pas de papa, on me répondait qu'il ne me voulait pas, qu'il avait disparu, peut être bien mort.

Anniversaire, rien. Pas de carte, pas de cadeaux.

Néant absolu.

Thérapie, rendez-vous chez le psychologue. Enfant mature, parle volontiers, beaucoup de progrès, état mental stable.

Je faisais partie de ces enfants qui grandissent trop vite, qui sont plus réfléchis que les autres, mes professeurs le voyaient ça leur plaisait. J'étais vouée à la réussite, élève prodigieuse, les temps ont changé.

Faire comme si de rien n'était, comme si un parent suffisait. Muette, pas de paroles, aucun mot, silence.

Ah, il est bien loin le temps-là. Et il ne me manque pas.

L'air Humide Qui Caressait Mon Dos Cette Nuit LàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant