Chapitre VIII : Écrasement suprême

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    Complètement détruite, physiquement, mentalement, je suis montée dans ce train pour rentrer. Je ne l'ai même pas regardé au moment du coup de sifflet. J'ai branché mes écouteurs, je me suis envolée vers un monde parfait, bien loin de la triste réalité.

Dix heures plus tard, j'étais dans mon lit, au plein milieu de la nuit. Heureuse de me sentir en sécurité, dans mes jolis draps parfumés, en compagnie de ce chat adoré.

Bien sûr, ma mère savait, elle était au courant pour les coups. Et comment aurais-je pu le cacher?  Pour ne pas faire pleurer mon petit frère, j'ai dit que j'étais tombée dans les rochers, quand on allait se baigner dans les eaux bleues de la Méditerranée. Je devais, je crois, des explications à ma mère. On est allées dans ma chambre, à l'écart de la société.

Je m'attendais à recevoir de la compassion, et cette foutue pitié. Même les gens qu'on pense connaître peuvent nous étonner. Au lieu de ça, ma mère a préféré me reprocher le fait de ne pas savoir me défendre et d'avoir fugué. Je sais qu'elle a eu peur, mais, était-ce une raison pour me disputer ? J'avais besoin d'être réconfortée ! Je criais au secours ! J'ai crié à m'en casser la voix, mais personne ne m'a lancé de bouée. J'ai totalement coulé.

J'étais la honte de la famille parce que j'avais donné une chance à mon père, après toute ces années d'invisibilité. Parce que j'avais été naïve, et que j'étais aveuglée par l'amour que je lui portais, on me rejetais, même dans cet endroit que je prenais pour un havre de paix.

J'étais entièrement brisée, anéantie. Un traumatisme immense me torturait, m'angoissait profondément, et je me faisait violemment réprimer.

Espoir diminué, larmes multipliées.

Mais je tenais encore bon, j'avais encore suffisamment de forces pour me relever.

Chapitre terrible et mort imminente.

Une dispute anodine en apparence. Ma mère me hurle que je fais la victime, que je n'ai pas si mal intérieurement que ça. Que je mérite tout ce que j'ai subit. J'ai sûrement du le chercher, ajoute-elle.

J'ai senti ma gorge se nouer, mes larmes couler, mon cœur s'arrêter. Elle n'avait pas idée de ce que j'avais traversé, d'à quel point je souffrais.

C'était de trop. La dernière larme que je voulais verser. Je ne voulais plus de cette vie, je ne voulais plus aimer, haïr, pleurer, sourire, hurler, souffrir. Je désiré vulgairement crever. Mourir, putain combien j'aurais aimé. Cet été là j'avais tout perdu, tout. Alors, pour la première fois, j'ai tenté, et pour la première fois, j'ai échoué.

J'aurais tant aimé, pour une fois, dans au moins un domaine, avoir excellé, car le plus dur m'attendait.

Je voulais me reprendre en main, trouver un sport compatible avec mes problèmes articulaires. Devenir la poupée qu'il voulait, et remonter dans l'estime de ma mère, ô combien je les aimais, pour pouvoir faire ça, et mettre le reste de côté, les pardonner. J'avais choisi le canoë-kayak. Mon père m'avait promis de le financer malgré ce qui avait pu se passer. Ma mère n'avait clairement pas les moyens de payer plus de trois cent euros rien que pour mes envies. Il y avait mes frères, qui voudraient autant.

Or, au dernier instant le marché a changé, pourquoi, pour une fois, cela ne pouvait pas être parfait ? Je pouvais donc m'amuser, me dépenser, si, et seulement si, j'acceptais de retourner chez lui pour les vacances de la Toussaint. J'avais besoin de temps avant de pouvoir oublié, je lui ai demandé de repousser ce jour où je reviendrais. Que pouvais-je répondre d'autre que non? Il m'avait frappée ! Humiliée. Brisée...

Et sa colère fut encore plus dévastatrice. Des mots encore plus forts, des incitations au suicide, des menaces. Je ne comptais pour personne, je n'étais pas aimée, j'étais repoussante, dégoûtante, moche, immonde, disait-il. Je pouvais mourir, personne n'allais pleurer, ajoutait-il. Quoi de pire venant d'un père ? J'avais pleuré le même volume d'eau que celui de la Méditerranée. Des nuits entières à me cacher pour faire ruisseler ces larmes sur mes joues inondées.

Le début d'une longue souffrance morale. Effondrement total.

L'air Humide Qui Caressait Mon Dos Cette Nuit LàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant