Chapitre X : Effondré, mon dernier pillier

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J'avais tenu bon. Comme un rescapé de la guerre, je revenais avec mon bulletin en guise de trophée. L'année touchait à sa fin, mes résultats étaient corrects, et je pouvais passer en première "économique et social". Ce n'était clairement pas un choix fait avec envie, c'était juste la filière qui me déplaisait le moins.

Le mois de mai allait très vite passer avec tout ces jours féries. Je pouvais enfin me reposer, et profiter de ce nouveau PC que j'avais acheté en début d'année. C'est grâce à lui que ma vie a pris un tournant inattendu. J'ai découvert la plus belle communauté de l'histoire du jeu vidéo, malgré ses penchants pour la propagation de fausses rumeurs, elle est aimante, et attachante. Elle nous replonge en enfance, avec son innocence générale. Elle avait su me redonner le sourire, et tout particulièrement une personne, cette personne, je suis sortie avec. Une relation à distance, compliquée donc, difficile d'entretenir la passion, le désir, sans tomber dans l'ennui de la routine. Notre relation n'a pas duré, il avait préféré un jeu tendance, plutôt que passer du temps en ma compagnie. J'en souffrais beaucoup, je l'aimais tant, et le voir se plaire sans moi.

Alors que j'imaginais que tout cet enfer allait se terminer, il ne faisait en réalité que commencer. Année : 2018, mois : mai.

Cette période marquera ma vie. Le bus me dépose comme chaque jour à mon arrêt, je n'ai à marcher que deux minutes pour arriver devant la porte d'entrée de chez moi. Je monte les escaliers, seize marches. Le bruit de la ferraille de mes clés qui glissent dans la serrure, la télé éteinte, ma mère écroulée sur le canapé.

Des yeux rouges, un visage fermé, une annonce rasante.

"Il est mort" me dit-elle, "Alain nous a quittés" insiste ma mère. J'ai senti mes jambes se couper, mon cerveau déconnecter, mon cœur s'immobiliser. Mon oncle, ça faisait des mois qu'il se battait contre une cirrhose du foie. C'était un soldat, mon soldat, qui a livré son ultime combat, jusqu'au dernier soupir... Les larmes sont montées, elles ont coulé, encore et encore jusqu'à totalement me déshydrater.

Semaines difficiles. Je suis allée lui dire au revoir, adieu même. Et quand je l'ai vu, son visage, ses yeux repliés, ses lèvres pincées, j'ai craqué. Éternelle inconsolable. Je me suis isolée, enfermée dans ma douleur, dans ma peine, dans mes pleurs. Et chaque nuit c'était pareil, la tête dans l'oreiller trempé, je lui parlais. Même après qu'il soit incinéré, je le croyais toujours à mes cotés, je refusais cette idée de ne plus le voir, jamais. J'avais pour unique but de le rejoindre. Et j'en voulais tant à ma mère, elle qui m'avait interdit d'aller le voir à l'hôpital. Sous prétexte que c'était dur de le voir souffrant, mais bordel je suis passée le voir mort. Je voulais tout casser, tout jeter, tout abîmer. Cocktail dangereux, colère mélangée à un soupçon de tristesse.

La vie a ajouté un zeste de trahison. Somptueux, délicieux, amertume qui reste dans la bouche. Celui à qui j'avais offert mon cœur était venu si rapidement dans ma vie, avait tout bousculé, et lâchement, était repartit. Oui, il fréquentait une autre fille, nous n'étions même pas séparés, certes un peu en froid, mais toujours ensemble, et il m'a trahie, il m'a remplacée. Il en parlait à tout nos amis, rependait ses histoires avec elle dans mon dos, et pendant de ce temps, moi, j'essayais de ne pas sombrer. Si je devais lui dire un dernier mot, ça serait quelque chose comme «t'es un lâche, tu te mens à toi même chaque jour, et tout le monde est hypocrite avec toi» . Il n'avait même pas l'audace de mettre fin à notre relation, son manque d'honnêteté le perdra.

Encore un choc de plus, une flèche supplémentaire plantée dans mon dos, des litres de sang perdus. Alors que tout était si noir autour de moi, j'enchaînais les mauvaises surprises. Sur le champ de bataille, j'étais à terre, sonnée, les balles sifflaient dans l'air, et moi, je fermais les yeux. J'étais bientôt prête à me laisser emporter. J'allais agiter le drapeau blanc, la guerre serait finie, les pertes moins terribles. Un ultime sacrifice.

Mais au fond de moi, une petite voix me hurlait de continuer, de me relever, de faire comme mon oncle, de me battre jusqu'à la fin, de ne jamais abandonner. J'ai refusé de l'écouter, et combien ça allait me coûter...

L'air Humide Qui Caressait Mon Dos Cette Nuit LàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant