Chapitre XVII : Malade d'amour, maman

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Personne n'est prêt pour ce chapitre, pas même mes mains qui frappent les touches du clavier au rythme des larmes qui tombent sur mon t-shirt trempé. C'est un texte dédié à la Mort, cette pute, putain si je te vois un jour dans la rue je volerais ton travail je te trancherais, je te ferais saigner. Tu verras la souffrance qu'éprouvent les gens qui ont croisé ta route fatale.

Il y a presque un an tu m'as pris mon oncle, je t'en ai tellement voulu, je n'arrive pas à l'oublier et je suis même retournée le voir hier pour la énième fois. Aujourd'hui, tu me retires la vie, pas exactement la mienne, mais tu ôte celle de la femme que j'aimais le plus, tu es arrivée comme ça, sortie de nul part avec ta faux, tu l'as emportée. Je te déteste je te hais je pourrais te tuer putain de Mort je vais trouver ta famille je l'assassinerais tu vas payer.

J'ai vécu pour la deuxième fois mai deux mille dix huit. Cette fin d'après midi où je suis tranquillement rentrée du lycée et où j'ai vu ma mère effondrée, c'était le décès de mon oncle qu'elle m'avait annoncé. Dix avril deux mille dix neuf, le lendemain de ton anniversaire, même scénario, même canapé, mêmes joues inondées, mêmes yeux irrités. Maman, non.

Tu m'as appelée alors que j'étais en plein appel avec une personne que j'aime passionnément, follement, amoureusement. Tes amies étaient dans le salon elles aussi, plutôt bonne ambiance, une pièce un peu enfumée par la cigarette, rien d'anormal, tout de banal. Tu t'es assise, tu as voulu qu'on s'approche. J'étais folle dans ma tête, je pensais à un tas de choses, oui, un séjour à Disneyland Paris, des vacances en Allemagne, un futur mariage, non un déménagement peut être ! Tant de rêves féeriques, retour dans la mentalité d'une gamine innocente loin de l'horreur que j'avais traversé ces derniers mois.

Une fraction de seconde a suffit, pour que mon sourire se transforme en une avalanche de gouttelettes d'eau.

"Les enfants" c'est comme ça que tu as commencé, commencé une annonce qui m'a transpercée la poitrine, mon sang ne cesse de couler, " j'ai eu les résultats de la prise de sang, j'ai un cancer du pancréas ". Non ! Non ! Non. Non.... S'il te plaît maman pas toi... Ne me laisse pas... Pas toi ! J'ai besoin de toi...

Premier couteau dans le cœur, mais certainement pas le dernier, vas y, dis moi tout, tout, et ensuite j'irais mourir, parce que je ne peux pas vivre sans toi, tu as toujours été là, et sans toi, c'est le néant car pour moi, tu étais tout.

Maman, je t'aime. Je t'aime et je veux te le dire, je te l'ai jamais assez dit, je te le dirais jamais assez, et même si tu n'étais pas parfaite, c'est comme ça que je t'aime. Prends la voiture, roule vite, plus rapidement que le vent, dirige nous vers la Mort, ensemble, s'il te plait.

Tu as commencé à pleurer, et difficilement tu as prononcé encore quelque mots : "Je retourne à l'hôpital la semaine prochaine, je commence la chimiothérapie ". Putain ! Je voudrais hurler ! Crier comme un loup sous la pleine lune car j'ai mal de te voir repartir une seconde fois, j'ai mal de me dire que là bas tu souffriras, j'ai trop mal, et c'est trop dur, je pourrais pas m'en sortir, je veux m'échapper de ce cauchemar, me réveiller ! Mais non je sens bien l'eau de mes larmes qui coulent sur mon visage, je suis éveillée, c'est bien vrai.

Maman j'ai pas les mots, tu sais, j'aime tant écrire, parce que ça me permet d'exprimer ce que je ressens, j'aime illustrer avec des dessins, j'aime communiquer comme ça, car je n'arrive que peu à parler. Mais aujourd'hui, même les mots ne suffisent pas, il n'y en a aucun assez puissant pour décrire ma douleur, ma peur grandissante, mon angoisse, mon désarroi.

Mon idylle s'est écroulée en quelques secondes, mais trop simple pour la Vie de s'arrêter là, elle a corsé le jeu, toi aussi si je te croise je te tue, tu aimes trop faire souffrir les gens gratuitement, mais c'est pas tolérable, alors je ne te louperais pas, promis, tu auras mal, et je verrais la même terreur que j'éprouve dans ton regard cette fois.

" Les médecins me diront aussi si c'est génétique " a ajouté ma mère, c'est vrai, mon oncle avait le même cancer un an avant, merde, "si c'est le cas vous serez désormais suivis régulièrement", j'ai arrêté de compter combien de fois je venais de me faire poignarder. Par respect pour le peu de personnes qu'il me reste je me retiens de me suicider mais je te jure putain c'est pas l'envie qui m'en manque et cette fois je me serais pas ratée j'aurais réussi, je refuse de mener cette vie.

Au fil des paragraphes, mes idées se mélangent, ne laissant place qu'à un brouillon, un brouillon qui sera pourtant publié, parce qu'il est imprégné par la colère, la rage, la peur, et c'est ça qui guide mes mots, il ne pourra jamais être plus sincère, plus personnel, écoutez combien j'ai mal, tendez l'oreille, même si vous vous trouvez à l'autre bout de la planète, vous pourrez quand même ressentir tout ça, et si un cri surgit dans la nuit, ça sera le mien, un cri de douleur, je ne le dirais jamais assez, mais j'ai trop mal, je voudrais me laisser mourir sur le sol...

Absence de mots, absence de larme, le néant arrive, il approche, il est là.

L'air Humide Qui Caressait Mon Dos Cette Nuit LàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant