L'air Humide Qui Caressait Mon Dos Cette Nuit Là

Chapitre XXI : La fête est finie

Douze mai deux mille dix neuf. Dix sept ans.
Dix sept années que je respire, que j'ouvre les yeux chaque matin. Dix sept années que je ris, pleure, que j'ai peur, que je me perds. Dix sept putain d'années. Combien d'autres comme celles ci suivront ? Aucune ? Deux ? Vingt ? Soixante ?

Dix sept. Numéro atomique du chlore, nombre de syllabes dans un haïku, nom d'un album de XXXTentacion, mon âge. Aujourd'hui j'ai dix sept ans.

Je ressens une sensation étrange, une migraine, une absence de pensées, je n'arrive pas à la décrire, c'est le néant. J'ai dix sept ans, les années passent, mais je ne me sens pas revivre. Non. Rien. J'ouvre les yeux et c'est aussi noir que lorsque je les ferme, la nourriture n'a aucun goût, comme une vieille bouillie indigeste et fade, j'écoute mes chansons préférées, elles ne font pas sens, les paroles sont incompréhensibles.

Joyeux anniversaire, qui de ma famille ou de la Dépression avait prononcé ces mots ? Qui des deux était le moins pire ? De qui cela aurait - il été le moins tranchant ?

Joyeux anniversaire ! chantent mes proches tous en cœur, des sourires sont dessinés sur leurs visages, leurs yeux sont illuminés par la lueur des bougies sur le gâteau. Des enfants courent autour de la table, d'autres réclament déjà leur part du goûter. Quant aux adultes ils débattent de politique, de mécanique, ou encore de recettes culinaires. Le climat est festif, le chaos familier autour de moins anime l'immense pièce froide en ce jour si spécial.

Dans ma tête tout est si différent, j'écoute vaguement la mélodie d'anniversaire, les paroles sont inaudibles, floues. Je fixe ce gâteau, les lumières m'aveuglent rendant mes yeux un peu plus écarlates qu'avant, ils sont brûlants. Je ne peux décrocher le regard de ces bougies allumées, je souhaite secrètement voir la même flamme se raviver dans mon cœur, mais toujours rien. Je fouille dans mes sentiments, dans ma poitrine, mais mon poul est faible, l'envie de vivre n'est toujours pas revenue.

Je souffle sur les barres de cire, tout s'éteint laissant place à une fumée dont l'odeur me répugne, en une fraction de seconde plus de feu, plus de passion, plus de joie, juste la mort, la fin, le vide.

Tout le monde se met à applaudir, le délicieux son anarchique des claquements raisonne dans mes oreilles me perçant les tympans. Cela sonne faux, irréel. Est ce que j'existe ? Alors, le gâteau est emporté pour être découpé minutieusement, et les bougies retirées une à une. Une montagne de cadeau se forme ensuite me mettant définitivement au centre de l'attention. La comédie débute.

Un sourire faux se dessine sur mon visage, je joue la gamine excitée. Mon jeu d'acteur ne se remarque pas, des années à mentir, impossible de distinguer le vrai du faux. La lueur qui a disparu dans mes yeux me facilite la tâche, mon âme n'est plus perceptible dans mon regard, aucune émotion visible, seul un masque que je porte devant l'immensité du monde.

Je déballe calmement les différents papiers aux motifs fleuris, rayés ou encore tachetés. Ces surprises étaient réellement géniales, mais sans ce feu ardent qui est sensé reposer au fond de moi, je ne peux profiter pleinement de ce que l'on m'offre... Où est - il ? Il est où putain ! Dix mois de merde à me lever, à vivre alors que je suis morte... Est ce que je vais le retrouver ?

Après avoir ouvert tout ces paquets, toutes ces enveloppes, je remercie mes proches par un câlin. Je fais mine de m'intéresser à ce que je viens de recevoir, lisant les notices d'utilisation, les compositions etc. On entame ensuite la gâteau, en temps normal j'aurai hurlé de satisfaction, j'aurai sûrement eu un orgasme culinaire, mais non, j'ai esquissé un sourire en disant qu'il était très bon, mais je n'ai jamais ressenti son goût, il était comme tout le reste, terne.

Le soir même, je me suis couchée sans rien ressentir, juste en sachant que demain serait pareil. A mon réveil, rien n'avait changé, le feu n'était pas ravivé.