Chapitre XX : Elle pleure dans mon cœur

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Les aiguilles de l'horloge tournent, à chaque seconde elles font écho aux gouttes de pluies qui se fracassent contre la vitre de ma chambre. D'autres plus chaudes glissent le long de ma joue alors que j'écoute des chansons tristes. Ma tête se vide au fil de la playlist, je plane, perchée dans mes pensées, je rêve de m'en aller. Bientôt l'été.

Atterrissage difficile, je perd pied pour venir m'écraser sur le sol. Les paroles viriles qui sortent des écouteurs sont étouffées par les pleurs aigus qui proviennent de la salle de bain. Je me redresse, d'un pas nonchalant je vais à leur rencontre. Sans aucun étonnement, je la vois face au miroir, il est tard le soir. Nos regards se croisent, les yeux rouges, les mots n'ont plus leur place ici, tout est compris. Je caresse son dos pour la réconforter, les larmes se mettent à déferler, une inondation dans la vasque, elle retire son masque. De souriante et aimant elle passe à méchante, touchante. Je voudrais lui hurler dessus, elle m'étouffe avec ses peines, on devrait rattraper le temps perdu, avant que Dieu ne la prenne. A la place on s'assoit sur le sol, elle réfléchit à ce qu'elle va dire, sa tête s'effondre sur mon épaule, dans ces moments je voudrais mourir. Mais désormais j'ai fini par trouver la paix dans sa violence.

Un beau soir d'été, la veille d'un départ en vacances pour l'Allemagne, tout s'est écroulé, le monde rose et bienveillant, déjà lointain depuis longtemps, venait de s'éteindre. Elle est hystérique, elle est dans un état second, ou bien juste plus la même personne. Elle répétait que nous étions en retard, qu'elle était stressée, qu'on faisait, mon petit frère et moi, tout pour la pousser à bout. Bloquée dans sa crise, elle était coupée du monde, elle ne réalisait pas que nous étions au contraire bien en avance. Plus d'un quart d'heure d'avance. J'étais perdue, quel choix faire ? La raisonner ou la laisser nous poignarder la poitrine ? Avec tout l'amour que j'éprouve pour elle, j'ai opté pour la première proposition. Une voix posée, des mots bien choisis, mais je venais de tendre le bâton pour me faire battre. Alors que nous étions dans la voiture, elle haussait encore et toujours plus le ton, tranchait de plus en plus avec ses paroles, mon corps meurtri à ses côtés était figé. Le temps s'était arrêté tant j'avais mal, mais cette pause fut de courte durée, brisée par deux gifles violentes. Après la douleur psychologique, celle physique. Tout mes démons se sont réveillés, ils avaient soif de vengeance, et j'ai prononcé la phrase la plus brutale de mon existence : " Tu es comme celui qui me sert de père, tu me gâche autant la vie que lui ". A cet instant elle s'est arrêtée le plus vite possible sur un trottoir et a vociféré : "Sors de là, trouve toi une autre mère, je ne veux plus jamais te voir ! ". Suite à ça j'ai attendu seule au milieu de nul part pendant de longues minutes, seule sous la chaleur éprouvante de la canicule, seule avec des plaies ouvertes. Je ne sentais même plus battre mon cœur, les voix qui hurlaient de me jeter sous la première voiture venue étouffaient son bruit. Je rêvais d'en finir. Qu'allais-je devenir ? Où pouvais-je aller loin de chez moi et sans argent ? Soudain elle est revenue, je suis remontée dans le véhicule, pas un mot, un silence plus glacial que l'Alaska. 

Ce jour là, elle a gravé au fer rouge une phrase atroce qui restera encrée à jamais. Le plus horrible c'est que ce n'est pas la seule du genre, des centaines de phrases blessantes se bousculent dans ma tête. Impossibilité de me reconstruire, avenir incertain, vais-je me réveiller demain ?

Malgré tout ce que tu m'as fais, je ne te lâcherai jamais et chaque soir je te rejoindrai, je t'écouterai. On dit loin des yeux loin du cœur, pourtant tu n'as jamais été là et je t'ai toujours aimée. Maman.

L'air Humide Qui Caressait Mon Dos Cette Nuit LàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant