Chapitre XXVIII : Silence

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"Parce que toute ma vie j'ai combattu. Jamais je n'ai senti un sentiment de confort. Tout ce temps, je me suis caché ."

Demain ça sera oublié. Cette phrase, combien de fois l'ai-je répétée après des disputes avec ma mère ? Ça fait des années maintenant que je la chuchote le soir avant de m'endormir.  La vérité c'est que ça n'ira pas mieux au réveil, les mots raisonneront encore dans nos têtes, les blessures graveront encore mon visage, et la fierté nous rattrapera. Il y aura toujours des hauts, des bas, et des très bas entre nous, diamétralement opposées, on ne pourra jamais cohabiter. Ça y est, je m'y fais. Nos ambitions, nos opinons sont différentes, j'accepte, mais elle refuse. J'ai vite saisit le sens de la liberté de penser et la liberté d'expression, j'essaie au maximum de les appliquer dans mon quotidien pour pouvoir échanger pacifiquement avec les autres, mais aussi pour récolter leurs avis sur divers sujets afin de pouvoir forger le mien. Elle ? Elle ne le tolère pas, si l'on est contre son idée, on cherche le conflit, on doit être puni. En effet, elle n'a pas tort sur le fait que nos désaccords engendrent systématiquement des disputes, mais c'est uniquement car elle n'accepte pas que je puisse développer ma propre conscience et mon propre opinion. 

Désormais j'en ai assez de me taire. Mon corps ne tiendra pas longtemps à ce rythme là si je cache la vérité. L'anxiété grandit en moi, elle me consume, me dévore, me tue. Comme l'an passé, j'ai des problèmes à trouver le sommeil, et quand j'ai enfin rejoint les bras de Morphée, je me réveille en sursaut. Mes démons viennent m'attraper chaque nuit pour me rappeler que non, me cacher sous la couette ne me protégera pas, et que mon bourreau n'est qu'à quelques mètres de moi. Ce n'est pas tout, je n'ai plus faim, impossible de manger une fois chez moi, cela me laisse un seul repas par jour, celui à la cantine du lycée. En un peu plus d'une semaine j'ai perdu près de deux kilos. Jusqu'où cela ira-t'il ?

Sa folie la possède, la transforme. Elle invente des histoires, totalement fausses évidemment, et les clame dans toute la ville afin de me rabaisser. Elle déforme la réalité, elle est capable de transformer une phrase telle que " J'ai vu ton mot sur le frigo t'inquiète pas " en " Oui bah j'ai vu ton mot laisse tomber maintenant ". Dans la deuxième je passe pour la méchante, comme toujours. Ici ce n'est qu'un exemple que j'ai pu retenir, mais il y en a plein, plusieurs par jours, et alors, ses proches ont une mauvaises image de moi, et développent de la colère envers moi. Elle s'amuse aussi à dire ça à ma famille, qui ne m'accepte plus, que cela soit ma grand mère, mes tantes ou mes cousins. Je ne leur en veut pas spécialement à eux car ils sont manipulés, mais elle en revanche, je crois que je la hais autant que je l'aime : beaucoup.  Elle me rabaisse aussi directement, à coups de mots assassins, qui au fil des jours deviennent destructeurs, tels que "T'es vraiment qu'une incapable" ou "Pauvre conne" ou encore "T'es le problème de la famille". Des violences verbales répétées qui me dégradent de plus en plus, et que je supporte de moins en moins. J'ai donc tendance à plus répondre à ses attaques, à essayer de me défendre, malgré le respect que j'ai pour elle.

"Toute ma vie, j'ai ressenti comme un fardeau. Je suis tellement habitué à être mal."

Quand je refuse de me laisser faire, je déclenche à chaque fois une troisième Guerre Mondiale. Lundi 11 novembre 2019, elle me dit que je ne fais plus partie de la famille, qu'elle se fout de moi désormais. La pilule fut dur à avaler. Elle n'a pas dit que ça, mais la violence de ces paroles ci était tellement extrême que j'en viens à minimiser le reste. Malheureusement pour moi, ce n'était pas le plus terrible, je n'étais pas prête pour ce qui m'attendait.  Pourtant, ça avait déjà suffit à me mettre dans un état second, ce qui m'a poussée à me scarifier à nouveau. Cette fois plus profond, les draps étaient tâchés, le sang n'arrêtait pas de couler, j'ai du bander mon bras et le compresser. 

Lundi 25 novembre 2019. Une semaine après la précédente grosse dispute. L'écart de temps se raccourcit, et ça m'inquiète. Elle refuse de me parler bien que j'ai fait des excuses pour des choses que je n'avais pas faites, mais qu'elle me reprochait tout de même. Je commençais à être exaspérée par ses gamineries, mère mais immature, on devrait empêcher les gens comme elle de donner la vie. J'aurais préféré ne pas voir le monde, que d'avoir asservit les envies de sa folie. Le ton monte, les mots deviennent plus tranchants. 

"J'ai trouvé la paix dans ta violence"

Elle me dit que je suis une fille ingrate, que je ne fais que détruire la vie des gens, que je ne sais pas faire de bien autour de moi. Je lui fais du mal, je n'ai vraiment aucune pitié pour ma pauvre mère malade, dit-elle. Pourtant je lui doit tout, mon intelligence, ma réussite, elle a tant fait pour moi, elle m'a toujours soutenue dans ma scolarité, hurle-t'elle. Indignée, je lui réponds qu'elle n'ouvre pas mes bulletins depuis des années, qu'elle ne me félicite pas et ne m'encourage pas quand je réussi ou rate un examen. Je l'expose face à la vérité du jour où elle m'a rit au nez quand j'ai dit que je déprimais à cause du lycée. Elle insiste, je lui dois tout, elle, elle est passée à côté d'une brillante carrière, que si sa mère avait été comme elle l'est avec moi, elle n'aurait pas juste eu un bac pro. Dans ma tête, j'ai l'impression d'assister à une comédie, à la manière des hommes qui racontent qu'a cause d'une blessure ils ne sont pas devenus footballeurs professionnels, elle prétend avoir le niveau pour de grandes études. Bien que je la respecte, je sais pertinemment qu'elle aurait raté ses études, ce n'est vraiment pas pour elle. 

Encore une fois, elle déforme la réalité et m'accuse de choses que je n'ai jamais faites. Mon grand frère se joint au conflit et combat aux cotés de ma mère. J'abuse, dit-il. Hors de question qu'on salisse mon image gratuitement, j'ose me rebeller, et c'est moi qui suis en tort ? Après avoir avoué que ma famille entière me critique dans mon dos, elle me dit qu'elle ne veut plus que je lui parle. Elle m'ordonne de rejoindre immédiatement ma chambre quand je rentre, et de ne pas sortir quand elle est là. Personne ne me fera à manger, ne lavera mon linge, ne me parlera, elle oblige tout le monde à faire comme si je n'existais plus. Je réplique en disant que c'était alors préférable que j'aille en internat, ou en famille d'accueil, et qu'en plus cela lui ferait une superbe chambre. Elle enchaîne en me souhaitant du mal, de souffrir quand je serai plus grande, d'avoir des enfants qui me détruiront. Elle affirme qu'en plus je ne saurait pas être une bonne mère de tout façon. Mais elle fini en refusant que je quitte le domicile familial. Incompréhension dans mon corps, pourquoi rester si c'est pour être transparente et enfermée ?

La tête haute, je pars dans ma chambre en disant que j'allais me renseigner directement pour partir. Je ferme la porte de ma chambre, j'entends des pas furieux qui se dirigent vers moi. Je les reconnais, la peur et la terreur me nouent le ventre. Par instinct de survie je tente de bloquer la porte. Malade, elle a peu de force, mais mon grand frère, vrai sadique pervers, l'aide à enfoncer la porte. Son regard rempli de haine, elle fonce vers moi, mon dos heurte le mur. Les mains devant mon visage pour le protéger, je sais ce qui m'attend. Si je me défend, alors on me reprochera d'avoir, dans le pire des cas si j'ose bouger, bousculer ma pauvre mère malade. Je préfère ne pas intervenir, de toute façon l'effroi me pétrifie. Elle pousse violemment mes bras, attrape mes cheveux, me frappe le crâne, le claque contre le mur à plusieurs reprises, puis frappe, griffe mon visage. Elle hurle que je lui manque de respect, que je suis la pire des filles, mais qu'elle me laissera pas partir, que je vais souffrir ici. Adossée au mur, gisant sur le sol, ces quelques secondes parurent éternelles. Elle quitte la pièce en me répétant de ne plus jamais lui parler à partir de maintenant. Je retiens mes larmes car mon grand frère est toujours là. Avant de s'en aller à son tour, il me dit : "Tu sais ce que t'es ? T'es la honte de la famille.". Enfermée seule dans cette prison, j'ai commencé à pleurer. Avais-je déjà autant pleuré ? Mon crâne me faisait mal. Malgré la souffrance, la nausée l'emporta et je me précipitai aux toilettes pour vomir tout ce que je pouvais. Je ne sais actuellement pas ce qui a causé ces vomissements cette nuit là, le choc à la tête ou la souffrance psychologique trop forte. J'ai veillé avec la lune ce jour ci, impossible de fermer les yeux, gorgés d'eau au point d'être douloureux. J'alternais entre le lit et les toilettes jusqu'à presque deux heures du matin. Impuissante, à cours d'air, j'ai fini par m'endormir un peu, avant d'être rapidement rattrapée par les visions d'horreur du conflit.

"J'ai besoin d'un sauveur"

L'air Humide Qui Caressait Mon Dos Cette Nuit LàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant