Chapitre 2. Alizée

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Vendredi

Je savais que mon arrivée dans cette nouvelle Université, la sienne, serait périlleuse.
J'imaginais facilement ce qu'il pouvait éprouver à mon égare après notre dernière discussion, celle qui m'a anéantit. Et qui nous a peut-être anéantit tous les deux finalement, si j'en crois sa réaction virulente quant à nos retrouvailles que j'envisageais plus ou moins tendues.

Mais après trois longues années de silence réparateur, ou du moins ce qu'il aurait dû être, j'étais loin de me douter que son amertume envers moi serait toujours aussi présente.
Chose que d'ailleurs, je lui reproche sévèrement d'oser croire qu'il est en droit de ressentir alors que de nous deux, la mienne serait davantage légitime. Ce que je ne compte pas me priver de lui rappeler, qu'il veuille l'entendre et l'accepter ou non.

-Je te trouve sacrément gonflé Math ! m'écriais-je sans lui donner le plaisir de lui courir après. Qui a attendu dix ans, hein ? Qui a tout bousillé parce qu'il avait seulement la trouille d'essuyer un refus ?

Mon ton cinglant l'arrête net dans sa course effréné pour but simple de s'éloigner le plus loin possible de moi, me tirant un sourire victorieux que je ne prends pas la peine de masquer. Je sens ses amis nous observer à tour de rôle à mes côtés, sur qui il jette un rapide coup d'œil, jaugeant surement ses possibilités de surenchérissements devant eux.

-Qu'est-ce qu'il y à Math, tu ne veux pas assumer d'être un trouillard ? me moquais-je ouvertement pour l'obliger à répliquer. T'es qu'un lâche, un peureux, t'as jamais eu assez de couilles pour affronter les choses qui te font peurs.

-Tu ne sais rien de moi Alizée ! On n'est plus rien d'autre que des étrangers toi et moi, lâche-t-il en réavançant dans ma direction. Tu veux que je te dise ? Ouais, j'étais carrément flippé. J'avais peur de tout gâcher. De gâcher notre amitié et de perdre notre complicité parce que j'y tenais vraiment, plus que n'importe quoi.

Je déglutis discrètement quand il s'arrête près de moi. Tellement près que son souffle chaud retombe sur mon visage, l'ossature de sa mâchoire durement tracée, son regard qui m'a toujours fasciné, chocolat à tendance verdoyant quand il fait face au soleil, voilé par ses rancœurs.

-J'avais peur de te perdre, ajoute-t-il en hochant lentement la tête, comme s'il se l'admettait à lui-même. Ouais, j'étais carrément terrifié à l'idée de te perdre putain. Et arrête de jouer les hypocrites avec moi Alizée, t'en avais parfaitement conscience. Tu savais exactement ce que je ressentais pour toi avant même que je te le dise !

-Faux.

-Vrai ! gronde-t-il les dents serrées. Ne me prends pour un con, tu t'en es toujours doutée !

-Et comment j'aurais pu le savoir bon Dieu ? m'écriais-je à nouveau, la désagréable impression de faire un bond dans le passé et de reprendre notre dernière discussion exactement où elle s'était arrêtée. Quand tu me disais que j'étais ta meilleure amie ? Quand tu flirtais avec la première pétasse qui se pavanait sous ton nez ? C'est comme ça j'aurais pu comprendre ce que tu ressentais réellement pour moi Mathieu ?

-Et qu'est-ce que j'étais censé faire d'autre, hein ? Te dire un beau matin que j'étais dingue de toi ? Tu sais aussi bien que moi que t'aurais pris la fuite, comme toujours ! T'as toujours fait que ça, prendre la fuite dès que tu sentais qu'une situation t'échappais ! m'assène-t-il alors que je détourne le regard, lui tirant un ricanement amer. Regarde toi, il n'y a rien qui a changé. Tu fuis, encore... T'es pathétique Alizée.

Je relève lourdement les yeux sur lui, m'efforçant par tous les moyens de ne pas flancher et de conserver ma carapace intacte, ne laissant transparaitre aucuns traits de la douleur cuisante qu'il alimente au fond de moi. Malgré qu'il effondre les quelques pauvres morceaux de mon être que j'avais brièvement réussis à calfeutrer, encore fragiles. Trois longues années de cicatrisassions qu'il vient de réduire en poussière.

Vengeance ou sentiments.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant