Chapitre 3. Mathieu

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Samedi.

J'ai complètement perdu les pédales face à son sourire narquois, son air supérieur et sa façon de se croire invincible, immuniser contre la douleur alors qu'elle savoure celle des autres. Pire que ça, sa façon de croire qu'elle avait encore un quelconque impact sur moi. Ça, ça m'a fait disjoncter. Parce que oui, malheureusement, c'est toujours en quelque sorte bel et bien le cas.

Mais aujourd'hui, les choses ont changés. J'ai changé, réellement. Mes sentiments sont encore douloureusement enracinés au plus profond de moi, mais j'arrive à les contrôler et à ne plus les laisser me submerger. Maintenant, j'ai un atout de taille, je ne crains plus du lui faire de la peine au point de dire Amen et tout lui pardonner par amour comme c'était inévitablement le cas avant. Aujourd'hui, ce n'est plus que la seule chose qui m'importe. La voir souffrir, plus que ce qu'elle m'a forcé à devoir supporter.

C'est puérile et complètement allumé comme décision, mais ma soif de vengeance est apparue à la seconde où elle a cherché à me remettre la faute sur le dos. Ce qui est hors de question que j'accepte de la laisser spéculer parce que c'est totalement faux, et je veux qu'elle l'admette. Coûte que coûte.

Certes, il m'a fallu dix ans pour trouver le courage de lui avouer mes sentiments, mais je l'ai fait. Me reprocher le temps qu'il m'a fallu est grotesque quand on sait parfaitement tous les deux que peu importe quand je me serais lancé, sa réponse aurait été la même. Si elle ne ressentait pas la même chose après dix ans d'amitiés durant lesquelles on était inséparables, après dix années de fous-rires, de complicité et de souvenirs, alors elle n'aurait encore moins éprouver les mêmes sentiments que les miens plusieurs années plus tôt. Ces dix ans de silence ne sont pas la cause de la fin tragique qu'à subit notre amitié, c'est son choix qui l'a conduite à ce dénouement qui m'a détruit. A en devenir plus que l'ombre de moi-même. Et ça, elle va le payer cher.

Je lui ait proposé de m'oublier, de ne pas se lancer sur un terrain miné, mais elle a choisi de jouer. Alors, jouons.

-Il est dix-huit heures trente, m'assène-t-elle en m'ouvrant sa porte d'entrée.

Ses cheveux sont relevés dans un chignon flou au-dessus de sa tête, elle ne porte aucune trace de maquillage, est vêtu d'un simple tee-shirt ample et d'un legging noir et putain, comme si le ciel lui-même était contre ma victoire dans cette bataille, elle est absolument parfaite. Rien ne cloche, elle est belle sans artifice. Une beauté naturelle qui épuise déjà mes armes de destructions massives.

Je ne ferais peut-être finalement jamais le poids contre elle, si je manque d'oxygène rien qu'à l'admirer.

-Allo ? T'as une heure et demie de retard, je te conseil de ne pas perdre une minute de plus Leroi. Je suis déjà bien sympa de t'ouvrir ma porte.

Et voilà, une remarque cinglante et toute ma rancœur remonte à la surface, évinçant sans pitié mes sentiments qui reprenaient lourdement le dessus.

-Je te conseil de ne pas me donner d'ordre, Boisié, renchéris-je en entrant dans son appartement, la bousculant au passage d'un coup d'épaule. Et pour info, c'est moi qui suis bien sympa de venir t'aider à aménager. Et ne va surement pas t'imaginer que c'est par plaisir, mes parents ont complotés avec les tiens pour que je te fasse don de ma gentillesse. Visiblement, ils ignorent que t'es la reine des garces et que je t'ai rayé de ma vie depuis une éternité.

-Toi, tu m'as rayé de ta vie ? Laisse-moi rire, pouffe-t-elle cyniquement, un sourcil brun arqué. Je me doute bien que pour ton égo cette version serait plus avantageuse, mais elle est totalement fausse. Je, appuie-t-elle, t'ai rayé de ma vie.

Vengeance ou sentiments.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant