Chapitre 9. Alizée

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Samedi.

A l'image de ma nuit du vendredi que j'ai passé à pleurer et à maudire Mathieu de m'avoir humilié publiquement, je reste emmitouflée sous ma couette en continuant de dilapider mon stock de mouchoirs.

J'ignore ce que ça change réellement qu'il sache aujourd'hui ce que je ressentais à l'époque, sans même savoir que c'est toujours le cas, mais j'ai la désagréable impression que ça ne va pas jouer en ma faveur. Si j'en crois la fureur dans laquelle cette nouvelle l'a fait rentrer, je doute que ça arrange nos relations déjà tendues. Il m'en veut encore plus maintenant qu'il sait ce que je lui ait caché pendant treize ans, ce qui est ridicule puisque le lui dire avant que je ne déménage n'aurait rien changé à ce qui nous attendait. On aurait tout de même fait notre vie chacun de notre côté, séparés par quatre-cents kilomètres, dans l'incapacité d'exploiter nos sentiments.

J'aurais dû pressentir que choisir de terminer mes études dans la même université que la sienne nous conduirait à ce sort, même si en réalité, ce n'était pas réellement un choix mais surtout la décision la plus rationnelle pour mon avenir. Cette Fac de médecine était l'une des rares qui proposait l'option que je convoitais, et se trouve dans la ville qui me proposait le plus d'opportunités pour mes futurs stages. Mais si j'avais su que cette décision me briserait une seconde fois, j'aurais fait l'impasse sur quelques ambitions professionnelles.

Je me mouche pour la millième fois, bientôt à court de réserve, quand on toque à ma porte d'entrée.
Je remonte la couette sur mon visage en rechignant mais malheureusement, on frappe à nouveau, plus fortement.

-C'est pas vrai, grognais-je en me tirant difficilement de mon lit contre mon gré.

Je m'apprête à envoyer gentiment valser l'intru qui interrompt mon hibernage dépressif, mais mon hostilité s'envole quand je fais face à Mathieu, épaulé contre le chambranle de ma porte.

Génial, je dois avoir une mine cadavérique.

Son regard brun se cadenasse au mien sans qu'il ne dise un mot, sa simple présence ici qui suffit à exprimer pourquoi il l'est justement. 

En masquant les tremblements incontrôlables de mon corps, je lui fais signe d'entrer et profite qu'il soit dos à moi pour prendre une profonde inspiration, tandis qu'il observe mes murs que j'ai décorés de quelques cadres et miroirs depuis la dernière fois qu'il est venu. Puis je lui fait signe de s'asseoir sur le canapé avant de le faire moi-même, en prenant soin de laisser une distance raisonnable entre nous pour espérer pouvoir respirer normalement sans inhaler son parfum. Ce qui est un échec total.

-Tu veux boire quelque chose ? proposais-je en rompant le silence la première, au bord de l'anévrisme.

-Si t'as du Whisky, je suis preneur. Ou même quoi que ce soit d'assez fort qui pourrait me détendre un peu.

Je relève les yeux sur lui quand il souffle un rire nerveux, qu'il ravale avant de s'éclaircir la gorge.

-Je plaisantais. Enfin, je ne dirais pas non quand même, mais je... Bref, je n'ai pas soif, merci, bafouille-t-il en relâchant un long soupir anxieux.

Chacun le regard baissés sur nos mains, un silence accablant se réinstalle, qu'il décide finalement de rompre à nouveau alors que je me sentais incapable de réitérer l'expérience.

-T'aurais dû me le dire Alizée. J'avais le droit de savoir. Je méritais, de le savoir.

-Ca n'aurait plus rien changé que tu le saches, je partais quoi qu'il arrive pour la Fac à quatre heures de là. Crois-moi, c'était bien mieux que je ne dise rien. Moi, j'aurais préféré l'ignorer, j'aurais sûrement mieux vécu la séparation que ça n'a été le cas, lui confiais-je timidement, la voix aussi tremblante que mes mains.

Vengeance ou sentiments.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant