Chapitre 4. Alizée

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Dimanche.

Je n'ai pas le souvenir de m'être endormie, seulement celui d'avoir espionné Mathieu pendant un long moment, les sourcils froncés devant la notice de montage de mon canapé, l'air pleinement concentré, tournant et retournant des pièces dans tous les sens. Ce qui m'a arraché plus d'un sourire douloureux que j'ai regretté d'autoriser à me quitter parce que, chaque fois, ils me faisaient davantage comprendre que tous mes efforts pour l'oublier n'ont été d'aucune utilités. Que ces trois interminables années de battements n'ont absolument rien effacées à mes sentiments. Rien ne pourra jamais me faire oublier cet homme, il est gravé en moi d'une marque indélébile. Malheureusement. Aussi détestable qu'il tente de me faire croire qu'il est devenu, le vrai Mathieu Leroi, celui que je n'ai jamais cessé d'aimer, est toujours quelque part, enfouit en lui sous un amas de rancunes injustifiables. Je le sais, je l'ai vu ressurgir à la seconde où il a comprit que je m'étais foulé la cheville. Il est redevenu ce garçon attentionné, profondément gentil et bienveillant.

Et c'est bien ce qui me fait le plus peur aujourd'hui, de savoir que l'homme que j'aime est toujours le même quoi qu'il veuille bien s'évertuer à me faire croire.

Le nouveau Mathieu, odieux et qui croit détenir tous les droits sur la douleur, je peux lui tenir facilement tête. Sa détermination à vouloir me prouver qu'il est celui qui à le plus souffert réhausse ma colère bien plus haut que mes sentiments, ce qui m'aide à les ravaler pour ne pas flancher. Mais le véritable Mathieu, lui, fait ressurgir toutes mes faiblesses. Je me laisse submerger par tout ce que j'éprouve pour lui et là, je faiblis, je régresse, englouties par mes sentiments démesurés.

-Math ? m'étonnais-je quand j'ouvre ma porte d'entrée, à laquelle on frappait.

Un vent de panique me gagne quand je réalise que j'ignore l'étendu de mon état physique. Je sens mes joues s'échauffer en imaginant mes cheveux, relevés en chignon depuis hier soir que je n'ai pas encore eu le temps de coiffer, réveillée depuis tout juste un quart d'heures, en pagaille et noueux sur le haut de ma tête. Qui elle, doit encore porter les traces de mon sommeil récent. Sans parler de mon haleine matinal, qui me fait rougir de plus belle.

-Qu'est-ce que tu fais ici... ? demandais-je fébrilement, hésitant à passer ma main dans mes cheveux pour sauver mon apparence désastreuse.

Pour une raison que j'ignore, ou peut-être simplement parce que je fantasmais à l'idée qu'il me regarde autrement que d'une façon purement amical, j'ai toujours mis un point d'honneur à me montrer journée après journée sous mon meilleur jour. Pour lui. Bêtement. Avec un espoir qui s'atténuait à mesure des jours qui passaient sans qu'il ne me regarde autrement, avec cette lueur séduite que je rêvais d'y lire et qui aurait justifié tous mes efforts persistants. Et en réalité, comble de l'ironie, c'est moi qui était aveugle. Depuis le début, il portait les traces de cette lueur que je n'arrivais pas à déceler pour une raison qui m'échappe, l'ayant compris seulement quand il m'a avoué être tombé amoureux de moi dès notre première rencontre dix ans plus tôt.

-Je n'ai pas terminé de monter tes meubles hier, j'étais claqué, me répond-il après s'être légèrement éclaircit la gorge. Un signe familier qui a toujours trahit un signe de nervosité chez lui et qui, en ce moment, m'intrigue sur la raison. Je t'ai fais quelques courses, ajoute-t-il en désignant un sac plein à craquer sur mon paillasson. Je me suis dit qu'avec ton pied, se serait compliqué d'en faire et comme t'avais rien à manger... s'explique-t-il avant de s'éclaircir à nouveau la gorge discrètement.

-Merci... réussis-je seulement à articuler.

Je me décale dans un sautillement pour le laisser entrer légèrement, troublée. 

Vengeance ou sentiments.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant