Chapitre 19. Alizée

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Lundi.

Étonnamment, alors que je croyais qu'il me mitraillerait d'appels ou déboulerait carrément chez moi pour s'expliquer le dimanche, il a patiemment attendu le lundi matin pour donner signe de vie. Adossé contre sa voiture, les mains dans les poches, son regard olivâtre accablé se cadenasse au mien à la seconde où je passe la porte de mon immeuble.

Je prends une profonde inspiration, essaie du mieux que je peux de ravaler toutes les émotions qui m'envahissent subitement, et avance jusqu'à lui la tête haute, le visage impassible.

-Salut... me dit-il en jaugeant mon humeur. T'es toujours en colère ?

Je resserres les bras sur ma poitrine en insistant mon regard sur lui, suffisant amplement comme réponse. Il hoche brièvement la tête en expirant faiblement, puis balaie les horizons dans une moue renfrognée.

-Je trouve ça nul d'avoir besoin de me défendre sur quelque chose d'aussi évident, reprend-il en remontant ses pupilles éclaircies dans les miennes. Je ne devrais pas avoir besoin de le faire parce que tu ne devrais même pas douter de moi Ali.

En masquant le trouble qui s'immisce en moi, je garde mon regard fixe sans desserrer la mâchoire.

-Tu me penses vraiment capable de dire une chose pareille à propos de toi ? Sérieusement, rit-t-il dans un souffle las. Tu veux que je te dise, ouais, je lui ait vraiment dit que t'étais une garce. Je lui ait même dit pleins d'autres trucs pas très valorisants à ton sujet. Tu sais pourquoi ? Parce qu'elle m'a demandé de te décrire et que c'est ce que t'es Alizée, aux yeux de n'importe qui, t'es qu'une foutue garce insensible.

Alors que je pensais qu'il nierait en bloc de m'avoir autant dénigrée, ou du moins, l'espérais, son aveu me noue brutalement l'estomac. Je détourne le regard dans le vague en contenant mes larmes, refusant de lui donner ce plaisir.

-Sauf que je ne suis pas n'importe qui Alizée, poursuit-il. Je sais que cette fille-là, méchante et méprisable que tout le monde croit que tu es parce que tu t'évertues à le leur faire croire pour te blinder, ce n'est pas toi. Et c'est ce que je lui ait dit. Elle a simplement réduit mes propos à son avantage pour me faire payer de l'avoir repoussé. Ce que t'aurais dû comprendre ou, au moins, me faire assez confiance pour savoir que je ne te rabaisserai jamais de cette façon devant quiconque.

Fébrilement, je quitte le point sans but que je fixais pour observer son visage fermé, plongé dans la déception que ça n'ait pas été le cas.

-Je me suis laissé berner parce qu'elle m'a demandé de parler de toi et que quand il est question de toi, je m'emballe complètement et je débite sans réfléchir, me dit-il avant de secouer lentement la tête et détourner le regard à son tour.

-Pourquoi tu ne me l'as pas dit samedi directement ... ?

-Le problème n'est pas là Ali ! s'énerve-t-il. Le problème, c'est que t'ais douté de moi et que tu ne me fasses pas confiance ! J'étais loin de me douter que ça se retournerait contre moi de naïvement déballer les raisons pour lesquelles je t'aime...

Sa voix s'éteint timidement à la fin de sa phrase. Ses pupilles toujours chargées de déception, partagées par de la colère, se défilent à nouveau dans le vide alors qu'il se gratte l'arcade sourcilière en soupirant. 

Consciente de mes torts regrettables dont je me maudits de les avoir laissés nous éloigner encore une fois, je tente timidement de me rapprocher de lui en étudiant sa réaction.

Il inspire silencieusement en replongeant ses pupilles sur moi sans ciller, attendant visiblement que j'achève ma course jusqu'à ses bras pour faire pénitence. Ce que je fais légèrement tremblante, la gorge asséchée. Je laisse anxieusement mon corps se lover contre le sien en posant mes mains sur sa poitrine, sentant son pouls s'agiter sous mes paumes sans qu'il ne fasse toujours le moindre mouvement, ses mains enracinées dans le fond de ses poches.

Vengeance ou sentiments.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant