Chapitre 26. Mathieu

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Mardi.

-Pourquoi est-ce que les haricots verts ne sont pas ronds comme les haricots rouges ou blancs ? demande Quentin en n'en avalant une bouchée, l'air le plus sérieux du monde quant à cette énigme.

-Pourquoi est-ce que t'en aurais pas rien à foutre de le savoir ? renchérit Sébastien.

-Ça m'intrigue, se défend-il en observant de près l'aliment sur sa fourchette. Ils auraient dû appeler ça bâtons verts, se serait plus logique.

-Qui ça « ils » ? relance Thomas.

Je lève mentalement les yeux au ciel sous son ton rieur, sachant pertinemment que cette question va faire cogiter Quentin pendant des heures.

-Je ne sais pas... réfléchit-il gravement, exactement comme je m'en doutais. Ceux qui ont inventés les bâtons verts. Vous savez qui c'est vous ? 

-Aucune idée. On comptait sur toi pour nous le dire, réfléchis vieux, s'amuse Sébastien, qui échange un rire moqueur avec Thomas.

-Foutez-lui la paix, soupirais-je. Quentin, par pitié, prends des pâtes la prochaine fois, ok ?

Sceptique, il nous observe à tour de rôle avant de plisser les yeux vers les deux imbéciles qui se payent sa tête, ce qu'il vient seulement de comprendre qui était le cas.

-Pourquoi Alizée ne mange pas avec nous ? m'interroge soudainement Sébastien.

-Ouais c'est vrai ça, réalise Quentin, le front barré par une ride. On ne l'a même pas vu de la journée hier, c'est naze.

Je souris intérieurement quand il rechigne en boudant, démontrant son affection évidente envers elle qui me réjouit sans raisons.

-Elle avait des trucs à faire, mentis-je. Peut-être demain.

Si jamais elle décide de faire ce qu'il faut pour ça, songeais-je.

Autant dire que je lui ait demandé l'impossible et qu'à moins qu'un miracle ne survienne, il y a peu de chance pour qu'elle exauce ma requête. Mais une part de moi espère résolument qu'elle tienne assez à notre relation pour céder à mes attentes, et qu'elle affronte ses peurs et se décide enfin à s'engager pour de bon.

-Vous vous êtes encore disputés, comprend Thomas dans un soupir las. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

-Bah tiens, quand on parle du loup, s'enquiert Sébastien en haussant le menton dans une direction.

On tourne tous le regard en chœur vers celle-ci, trouvant Alizée au beau milieu du réfectoire, qui semble chercher quelqu'un. Ses pupilles ocres captent les miennes, avant que je ne la voie prendre une profonde inspiration, l'air nerveuse.

Ça ne sent pas bon cette histoire...

-Mais qu'est-ce qu'elle fait ? marmonne Quentin quand elle grimpe sur une chaise, puis sur une table.

Oh merde.

-Euh... Excusez-moi ? s'écrie-t-elle timidement en s'éclaircissant la gorge, debout face à tous les regards intrigués.

Le brouhaha s'interrompt lourdement, laissant planer un silence de plomb dans toute la cafétéria.

-Désolée de vous déranger, je n'en n'aurais pas pour longtemps, déclare-t-elle en dévisageant l'assemblée dans son ensemble, m'évitant volontairement. Ouais hmm... En fait, j'ai appris récemment qu'aussi difficile que ça l'est et malgré ce que ça peut parfois nous coûter, il fallait savoir ravaler sa fierté pour ne pas perdre les gens qu'on aime alors... C'est ce que je fais aujourd'hui.

Vengeance ou sentiments.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant