Je marche dans la ville sans nom, accompagné d'un Charly sombre et silencieux. Depuis notre départ de la maison, il n'a pas prononcé un mot, se contentant de répondre à mes brèves questions pratiques par des hochements de tête ou des marmonnements. Il chemine légèrement devant moi, évitant soigneusement mon regard. Comme le ferait un gosse pris en faute.
Je sais ce qui occupe ses pensées, parce que je le connais très bien. Depuis le temps, Charly est comme un frère pour moi. Malgré nos immenses disparités de caractère, nous nous comprenons. Et, en ce moment, je sais à quel point il se sent mal, d'avoir dit ce qu'il a dit ce matin.
Comme souvent, c'est Madame Hermann qui s'est chargé d'aller lui parler, de le calmer, de le raisonner. Et comme toujours, elle y est parvenue. Elle aussi le connait bien.
C'est l'expression renfrognée, mais pacifiée, que Charly est revenu parmi nous plus tard ce matin-là. Madame Hermann m'a soufflé que prendre l'air lui ferait du bien. Une suggestion pleine de bon sens. Charly, par certains côtés, ressemble à un animal sauvage. Il ne fait pas bon le tenir enfermé trop longtemps, il tourne en rond comme un lion en cage, il s'énerve, il s'impatiente.
C'est dans sa nature d'être violent et impulsif.« Charly. »
Il se retourne et me fixe, muet.
« Tu vas me parler ? » dis-je simplement.
Je connais mon ami. Je sais qu'il n'exprime pas facilement ce qu'il ressent. Pas sans une petite aide au démarrage.Il baisse les yeux et gratte sa tête d'une main distraite. C'est un geste auquel il recourt systématiquement quand il est embarrassé. Il fourrage dans ses cheveux emmêlés et sales, comme s'il espérait y trouver directement la réponse. Mais encore une fois, pas de miracle parmi sa tignasse rousse, et il garde le silence.
Je décide d'insister.
« C'est quoi, ton problème, avec Dani ? »
Et finalement, il parle, à voix basse, le regard fuyant.
« J'en ai vu une l'autre jour. Une p'tite, presque aussi p'tite que la puce. Elle était morte. Jon, elle était face contre terre cette p'tite-là, dans la boue, toute seule. Abandonnée. »Et alors, je comprends. Ce matin, ce n'était pas de la colère. C'était de l'angoisse.
« Ça n'arrivera pas, dis-je à mon ami. Personne n'abandonnera Danica, elle est avec nous. On a toujours pris soin d'elle, on l'a toujours protégée.
- Le monde a changé, rétorque-t-il sombrement.
- Mais nous, on n'a pas changé ! On n'a pas changé, Charly, et on changera pas. Et Danica mourra pas. »
Il me lance un regard incertain, mais finit par hocher la tête.
« Ouais. Ouais, t'as raison, Jon. Elle sera toujours avec nous. Ça, ça changera pas.
- Jamais. »Charly et moi échangeons un sourire résolu. La discussion est close.
Je me remets en marche, portant la main à ma tempe.
« Misère, j'ai une migraine atroce.
- Merde. Désolé.
- C'est bon, laisse tomber.
- Jon, tu sais comment j'suis, quand j'm'énerve je...
- C'est bon je te dis.
- Tu préfères qu'on rentre ?
- Non, ça va, ne t'en fais pas. »
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L'étoile qui commence et termine la nuit
FanfictionHomme doux et anxieux, Jon est bien plus doué pour préparer le thé et s'occuper de sa petite sœur que pour la survie, mais sa rencontre avec une inconnue blessée armée d'un sabre va venir perturber sa tranquillité. Et peut-être même le forcer à affr...