Chapitre 11 : Fracture

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La femme assise face à moi porte un fort beau chapeau, en forme de cloche, d'une couleur bordeaux qui se marie très bien avec ses cheveux auburn

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La femme assise face à moi porte un fort beau chapeau, en forme de cloche, d'une couleur bordeaux qui se marie très bien avec ses cheveux auburn. Ses yeux sombres sont bordés de longs cils. Ses vêtements sont simples mais élégants, leurs teintes discrètes et pourtant harmonieuses, combinées avec subtilité. Elle est remarquablement gracieuse, et elle ne le sait absolument pas, ce qui donne à sa beauté un charme supplémentaire.


Le café où nous nous trouvons, je l'ai soigneusement choisi. Je ne sors jamais, je ne connais pas un seul café, alors j'ai dû demander conseil à tous mes collègues de travail – les seules personnes adultes que je fréquente à part Charly, qui ne fréquente aucun café assez correct pour y inviter une dame.
Quelqu'un m'a conseillé cet endroit, en me disant que c'était calme et douillet, et j'y suis allé la semaine dernière en repérage accompagné de Danica.

En effet, c'est un bel endroit, à l'atmosphère feutrée. Le personnel et les autres clients – en majorité des couples, ai-je noté – savent être discrets.
Dani a beaucoup aimé, c'est ce qui m'a finalement décidé à choisir cet endroit pour y emmener cette femme.


C'est la première fois de ma vie que j'invite quelqu'un.

Elle s'appelle Audren, et c'est ma collègue de travail, elle aussi.



Lorsque le serveur s'approche, elle commande un thé, et je suis secrètement satisfait. J'imaginais qu'elle ne serait pas le genre de femme à aimer l'alcool, et elle vient de me donner raison.


Je travaille depuis quelques mois dans cet endroit ennuyeux et bruyant, où je dois rédiger des rapports sans intérêt. Quand je regarde autour de moi, je vois que tous mes collègues masculins, qui ont sensiblement le même âge que moi, sont presque tous mariés, ou, au moins, fréquentent des femmes. Et en parlent abondamment.

Moi, je n'ai jamais eu ne serait-ce qu'une seule amie, sans même parler d'une petite amie.
 Je me dis qu'il serait temps de m'y mettre. C'est aussi ce que Charly pense, et il ne se prive pas de me le faire savoir, en des termes franchement crus et embarrassants.


D'après lui, il n'y a rien de plus facile et naturel que de séduire une fille. D'après moi, il n'y a rien de plus ardu au monde.

Je me demande depuis toujours : comment font les gens qui ne sont pas séduisants pour séduire ?

Car je ne suis pas séduisant.


Je ne suis pas particulièrement laid. Juste insignifiant. La laideur marque l'esprit autant que la beauté, or, je ne suis ni l'un ni l'autre. Un visage qu'on oublie sitôt rencontré, un corps sans consistance qui s'excuse d'être là.
Tout ce qui pourrait m'apporter un peu de personnalité ne fait qu'ajouter à ma médiocrité. Des vêtements décontractés me donnent l'air d'un ringard faussement à l'aise, une tenue élégante me fait passer pour un sinistre croque-mort.


J'ai horreur de mon front, qui est trop grand. Un jour, quand j'étais petit, j'ai entendu une femme s'exclamer « comme il a un grand front, cet enfant ! »
Depuis, je vis dans la hantise de ce large front disgracieux.
 Je le cache en portant les cheveux légèrement trop longs, de façon à avoir des mèches qui viennent le recouvrir, et il est évident que cette coiffure d'adolescent est ridicule sur un homme adulte.

De plus, dans ma perpétuelle nervosité, je replace sans cesse mes mèches derrière mes oreilles, par réflexe, par embarras. Ce qui découvre mon front.
Lorsque je m'en rends compte, je m'ébroue stupidement, comme un cheval rétif, et les mèches retombent devant mon visage, jusqu'au moment où je les replacerai inconsciemment derrière mes oreilles.


L'étoile qui commence et termine la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant