Chapitre 12 : Comme de la laine

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Bien évidemment, Charly est en retard.
Contrairement à Madame Hermann, qui est l'exactitude personnifiée, à tel point qu'une horloge pourrait lui demander l'heure, et qui a sonné à ma porte à quatre heures pile comme convenu.


C'est la première fois que je vais les présenter l'un à l'autre, et je suis terriblement nerveux. 
J'appréhende la rencontre entre ces deux-là. Il est déjà improbable que chacun d'entre eux ait pu se lier avec moi, mais s'il est vrai que chacun a un point d'attache avec ce que je suis, ces amarres amicales proviennent de deux directions radicalement opposées, ce qui fait que logiquement, si on me retire de l'équation, Charly et Madame Hermann sont aussi différents que deux êtres humains peuvent l'être.

Leur unique point commun, c'est moi, et c'est beaucoup trop de responsabilité.

Lorsque Charly arrive, avec vingt minutes de retard, c'est fidèle à lui-même, comme une tornade qui aurait déboulé dans l'appartement.
Il pleut dehors et il est à moitié trempé, ce qui lui inspire une réflexion moyennement spirituelle sur les chiens mouillés et leur odeur typique. Pour poursuivre cette métaphore plus avant, il s'ébroue dans mon corridor, et entre dans le salon encore chaussé de ses bottes trempées et boueuses, ruinant le plancher que j'avais nettoyé le matin-même.

Madame Hermann, depuis sa chaise, braque immédiatement ses yeux sur cette paire de bottes en cuir dégoûtantes et inconvenantes, puis seulement ensuite, son regard remonte le long de la personne de Charly, et il me semble que sa mine se fait un peu plus désapprobatrice au fur et à mesure de la découverte.
Lorsqu'elle arrive au niveau de son visage, ses yeux expriment assez nettement son opinion sur la question, à savoir que les gens qui omettent de s'essuyer les pieds en entrant quelque part mériteraient qu'on les leur coupe.


Charly, lui aussi, reste un moment un peu interdit.
Puis il se reprend et balance un souriant et sonore : « Salut ! », qui fait baisser encore d'un cran supplémentaire sa note auprès de ma trop protocolaire nouvelle amie, choquée d'une telle familiarité venant d'un garçon visiblement incapable de tenir ses ongles propres.

Le face-à-face est étrange, et chacun observe l'autre avec une curiosité d'autant plus aiguisée que j'en devine le questionnement sous-jacent : comment puis-je m'être lié d'amitié avec une telle créature ? Voilà ce que tous deux se demandent.
Et je n'ai aucune réponse satisfaisante à apporter.

Madame Hermann prend les devants, raide et cérémonieuse comme à son habitude, se levant et tendant sa main en se présentant, avec une rigueur de ministre reçue dans une ambassade étrangère, ou de Présidente-Directrice Générale sur le point de faire passer un entretien d'embauche.

Charly considère avec stupéfaction cette main de vieille femme, étrangement plus âgée que sa propriétaire, tordue et abimée, qui jure avec le physique et le maintien impeccable de la nouvelle venue.
Il finit par la prendre avec hésitation, du bout des doigts, et je devine qu'il redoute de briser par mégarde cette main si petite et si fragile d'apparence.

L'étoile qui commence et termine la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant