Les migraines ont commencé vers mes huit ans.
C'était des crises étranges, mélanges de maux de tête et de perte partielle de conscience. Lorsqu'elles me prenaient, j'étais comme enveloppé, et j'avais la sensation que le monde rétrécissait autour de moi.Parfois j'étais inexplicablement agité, le plus souvent j'étais prostré, dans une profonde angoisse, effrayé par le moindre bruit, ou entendant même parfois des sons qui n'auraient normalement pas dû exister.
Ces migraines surdéveloppaient mon sens de l'ouïe, la chute d'un objet par terre se transformait soudain en une explosion retentissante, les voix se changeaient en clameurs insupportables remplies d'échos terrifiants. J'étais capable d'entendre des sons inaudibles en temps normal. Je percevais le battement de la pluie sur les carreaux comme une salve d'artillerie, le moindre chuchotement, même prononcé dans une pièce voisine, me donnait la sensation d'être soufflé juste à côté de mon oreille.
J'entendais des murmures vagues et lancinants impossibles à identifier, ou des grésillements ténus, comme des bourdonnements d'insectes, incessants, à m'en rendre fou.Ces migraines me mettaient dans un état de transe anxieuse profonde. Lors de ces épisodes, au tout début, j'étais apeuré par un son qui me torturait et ne voulait jamais me quitter, un grondement furieux, frénétique, qui me harcelait. Je compris plus tard que c'était le son de mon propre cœur, de l'afflux sanguin pulsant dans mes oreilles, sa puissance démultipliée par mon mal de tête.
Lorsque je me trouvais dans cet état, j'étais comme aspiré hors du monde normal. Les choses autour de moi changeaient.
Les pièces s'allongeaient, ou au contraire semblaient rétrécir, la lumière devenait plus vive, cruelle, les formes prenaient des angles impossibles, vertigineux.
Le temps aussi subissait ces effrayantes transformations. Les crises déformaient ma perception, alors qu'il me semblait avoir passé une heure dans ma chambre, il venait en réalité de s'écouler une après-midi entière, et je me retrouvais à l'autre bout de la maison sans savoir comment. J'avais des trous de mémoire, que je tâchais de cacher comme je pouvais.Je m'y habituerai à l'âge adulte, mais à cette époque, pour le jeune enfant que j'étais, ces crises constituaient des cauchemars éveillés.
Ma mère m'a fait voir toutes sortes de médecins, et mon mal a successivement porté toutes sortes de noms, épilepsie, somnambulisme, hypoglycémie, malaise vagal, accompagnés de toutes sortes de remèdes, mais les migraines n'ont jamais cessé.
Je ne savais jamais quand une crise pouvait me tomber dessus. Cela arrivait fréquemment lorsque j'étais fatigué, ou nerveux, ou angoissé, mais parfois cela survenait sans le moindre élément déclencheur.
Mes parents faisaient de leur mieux pour s'en accommoder.
Mon hypocondriaque de mère était secrètement ravie de ce mal mystérieux, sur laquelle elle pouvait mobiliser toutes ses forces curatives.
Mon père, lui, était perplexe. Puisque les médecins ne parvenaient pas à mettre un nom définitif sur le mal, ni à le soigner, il en déduisit que le problème était, sinon existant, du moins largement exagéré.
Il m'enjoignait à ignorer mes symptômes, suggérant fortement que ma trop grande sensiblerie était seule en cause, lorsqu'il n'accusait pas purement et simplement ma mère de me rendre malade.
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L'étoile qui commence et termine la nuit
FanfictionHomme doux et anxieux, Jon est bien plus doué pour préparer le thé et s'occuper de sa petite sœur que pour la survie, mais sa rencontre avec une inconnue blessée armée d'un sabre va venir perturber sa tranquillité. Et peut-être même le forcer à affr...