Épilogue

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Le ciel rosit à l'est, et la couleur se répand à travers l'horizon. Le soleil apparaît au-dessus du bord de la carrière ocre, tandis que les teintes du levant se mêlent, se confondent, changent et dansent dans un ballet lent, passant du rose au bleu à travers une infinité de nuances intermédiaires.


Le jour prend naissance, et le gris de la nuit s'estompe.

La vie se réveille, le monde recommence.
 Mais à cet endroit, pas tout à fait.

Une femme est debout au milieu de ce paysage qui s'éveille. La brise du matin soulève ses longs cheveux argentés. Ses yeux sont rouges d'avoir pleuré.

Madame Hermann lève sa main, pour se frotter les joues, mais arrête son geste à mi-chemin, et laisse retomber mollement son bras.

À quoi bon ? 
Il n'y a plus rien.


C'est d'une voix rauque, brisée par les sanglots, qu'elle murmure :

« Que font les fantômes lorsqu'ils n'ont plus personne à hanter ? »



« J'sais pas. »

Stupéfaite, elle se retourne, pour voir Charly, debout à deux mètres d'elle.

Elle porte la main à ses lèvres, sans voix.


Il s'avance tranquillement et tend le pic à cheveux qu'il tient délicatement entre ses doigts.


« Vous avez perdu ça, Esmée. »


Il la dévisage et sourit alors, revenant sur son geste.


« Mais finalement, je ne sais pas si je vais vous le rendre, vos cheveux sont superbes quand ils sont détachés. »


Il cale le pic au coin de ses lèvres, porte ses mains à son front, et les glisse vers l'arrière, réunissant son épaisse tignasse rousse. Il la tortille en une vague boule et plante le pic dedans. Ses cheveux hirsutes, jamais coiffés auparavant, inhabitués à être ainsi contraints, dépassent de tous les côtés, à peine apprivoisés.


Seulement ensuite, il remarque la rougeur des yeux de son amie, et la trace des larmes qui ont coulé le long de ses joues.


« Vous avez pleuré ? Pour moi ? Quelle drôle d'idée. »

Elle parvient enfin à retrouver sa voix, et à recomposer un peu son expression.


« Charly, vous êtes... mort.

- C'est pas nouveau, ça fait même un bon moment.

- Non, je veux dire, aujourd'hui. »

Il baisse les yeux et regarde pensivement l'immense tache de sang coagulé sur son débardeur.

« Ouais, on dirait bien qu'c'est c'qui s'est passé.

- Vous êtes revenu... »


Lorsqu'il relève la tête, son visage arbore un sourire tranquille, résolu.


« J'avais une bonne raison. »

Madame Hermann, les cheveux ainsi détachés, semble étonnamment plus jeune. Tandis que Charly, le visage et le front entièrement dégagés, y gagne une apparence inhabituellement adulte, et plus paisible.

Elle le regarde, et une émotion nouvelle se mêle dans son regard.


« Des milliers, des millions, des milliards de fois ? demande-t-elle.

- J'ai arrêté de compter après cent mille.

- Si vous voulez que ça arrive autre part qu'en rêve, il va falloir d'abord vous laver les cheveux », déclare-t-elle, retrouvant un peu de son attitude raide et moralisatrice.

Charly lui offre un sourire radieux.

« Comme vous voulez. Si vous vous proposez pour le faire...

- Pourquoi pas ? »

Madame Hermann se tourne à nouveau vers le paysage devant elle.

Le soleil, de l'autre côté de la petite colline, s'est levé totalement au-dessus des dune de sable couleur brique. 
La petite route déserte serpente jusqu'en haut de la pente.
Où mène-t-elle ? Peu importe.


Charly s'avance et s'arrête à ses côtés, presque épaule contre épaule.

« Alors, où allons-nous ? dit-elle.

- Où on veut, j'imagine.

- Un monde mort, ça devrait convenir, pour deux fantômes, déclare Hermann.

- J'crois pas aux fantômes.

- En quoi est-ce que vous croyez, Charly ? »


Il tapote l'arme désormais de retour dans sa poche, comme toujours.


« En ce flingue, un peu. En vous, Esmée, beaucoup. »


Leur mains s'avancent et se rencontrent en même temps. Leurs doigts se frôlent.


« Et c'est suffisant ? » demande-t-elle.


Leurs mains s'entremêlent et se serrent, s'épousant tout naturellement.

Quelque part dans ce monde, dans le crâne blanchi et poli d'un lion, des abeilles scintillantes fabriquent du miel.


« C'est largement suffisant. »

L'étoile qui commence et termine la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant