Chapitre 7

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Je lis la lettre ce soir-là, seul dans ma chambre en essayant de me concentrer un peu plus. Mais tout me paraissait fade de ce qu’il se passait à Paris. Et penser à mes parents me rendais mal à l’aise. Parce qu’à défaut de penser à eux, je pensais à lui et l’état dans lequel il me mettait. Qui étais-je devenu ? Moi qui respectai les règles, qui ne souhaitai qu’être un bon fils, à quel moment mon cœur s’était-il mis à battre pour cet anglais inverti ? Depuis qu’il s’était dévêtit sans pudeur, ou bien même depuis la première seconde où je l’avais vu courir, riant comme un enfant sur la plage.
L’amour entre deux hommes était interdit. Je ne doutais pas que Will ait eu la même éducation que moi et savait que les sodomites brûlaient en Enfer dans une damnation éternelle. Mais revoir -une fois les yeux fermés, son corps masculin, flotter au-dessus de mes mains, me rendait l’enfer bien plus accueillant soudain.

Je me réveillai brûlant et haletant. La lettre de mes parents reposait sur l’oreiller juste à côté de celui où je m’étais endormi. Ma main, audacieuse, avait glissé jusque dans mon slip de coton. Je sentais entre mes doigts ma toison brune que je prenais le temps de tailler une fois par semaine. Je sentais la moiteur de mon intimité, mon sexe éveillé. À peine eu-je bouger ma main, hésitant à la retirer, que je gémis bruyamment dans le silence de ma chambre.
Je plaquai une main sur ma bouche, honteux, mais terriblement excité, et la notion de bien et de mal n’en devenait que terriblement flou. J’amorçai d’autres petits mouvements, plus brusques et rapides, essayant d’être discret. Mais deux petits coups frappés à ma porte me firent claquer l’élastique de mon slip sur la peau de mon bas-ventre. J’essuyai précipitamment ma main sur mes draps, enfilai mon short en lin.

« Entre Nona. »
La poignée grinça en s’abaissant, mais ce ne fut pas le pas léger de Nona qui glissa sur les dalles du sol, ce fut une chevelure d’un blond presque vénitien qui passa ma porte.
« Désolé, ce n’est pas Nona. »
Je me redressai vivement, serrant mes cuisses, aussi fort que je le pouvais. Croiser son regard seulement me rendait parfaitement fou et faisait pulser ma virilité plus que de raison.
« Je ne voulais pas te réveiller.
- Je ne dormais pas. Je pensais.
- Oh, à quoi ?
- À toi, laissais-je échapper. »
Il ne répondit rien, mais je ne manquai pas le sourire qui marqua ses lèvres. Je rougis furieusement ne sachant plus ce que je devais cacher de moi, mes joues écarlates ou bien mon sexe tendu même à travers mon vêtement.
« Je ne voulais pas en tout cas te déranger. Je voulais simplement savoir si tu voulais venir visiter la vieille ville avec moi. »
Je tentai de respirer le plus calmement possible tandis qu’il avançait vers mes rideaux pour les ouvrir sur une dizaine de centimètres. Une lumière dorée s’étala sur le mur.
« Il fait beau aujourd’hui, mais pas très chaud. »
Il portait une chemise de lin aux manches retroussées et un short de coton. On devinait ses formes au travers des vêtements, la courbe douce de son torse et de ses épaules carrées dont j’avais tant rêvé cette nuit.
« D’accord, tu m’as convaincu. Je m’habille, attends-moi. »
Il eut un vrai sourire, me tournant le dos une seconde à peine. Puis il passa à nouveau sa tête par-dessus son épaule, me fixant alors que je n’avais pas encore bougé.
« Je peux t’attendre ici ? Après tout, je t’ai déjà vu nu.
- Tu… Je… »
Derechef, je rougis. Pourquoi fallait-il toujours revenir sur cet épisode ? Je me levai, fouillai dans ma pile de vêtements propres sur ma petite chaise de paille. La chambre possédait un minuscule lavabo de pierre, flanquée d’un miroir tout aussi petit. Je m’aspergeai le visage et le haut du torse d’une eau froide qui mordait ma peau. Je frissonnai, à cause de l’eau, mais aussi du regard qui contrastait de chaleur dans mon dos.
« Tu me regardes, murmurai-je.
- Et alors ?
- Je…
- Ça te gêne ?
- Non. »
C’était étonnamment vrai. Aussi pudique que je fusse, je me sentais enorgueilli de cette façon qu’il avait de me regarder. Cette tendre chaleur.
« Promets-moi seulement de ne pas rire. »
Je chuchotai ces mots encore, en me retournant vers lui, la tête baissée. Son ombre frôla la mienne. Je jetai mes vêtements sur le lit défait.
« Pourquoi devrais-je rire ? »
Je me mordis la lèvre inférieure, n’osant pas me déshabiller. Il m’avait vu nu, mais je m’étais contenu. Or, mon excitation de ce matin-là refusait de se calmer tant qu’il était proche de moi. Je pouvais le sentir, son odeur, et sa chaleur, littéralement. Il irradiait, et sans un contact parvenait à me toucher pourtant.
Je passais une main dans la ceinture de mon bas, le fit glisser doucement le long de mes cuisses. Je savais qu’il me regardait, qu’il me voyait. Avait-il seulement conscience que c’était lui-même qui me rendait ainsi ? Je m’exposais alors, recouvert de frissons.
Il ne rit pas cependant, ne dis rien. Mais il me regardait, d’un œil gourmand et appréciateur qui me fais rougir. J’enfilai un slip propre, une tenue légère mais préparait un pull, que je nouais autour de mes épaules. Il me regardait faire, attendit que je sois à nouveau habillé, un peu plus à l’aise avant de finalement arguer :
« C’est à cause de moi ?
- Évidemment que c’est toi. »

Nona nous obligea à emmener des gâteaux secs dans une petite sacoche ainsi qu’une gourde d’eau. Will était devenu timide dès que j’ouvris la porte de ma chambre. Il n’adressa qu’un petit sourire à mamie, les pommettes rougies de mon aveu. À quoi avait pensé ma grand-mère en le laissant monter dans ma chambre ? À quelle réaction de sa part m’étais-je attendu en annonçant à voix haute qu’il était responsable de mon érection ? Sans doute pas au long frisson qui l’avait parcouru quelques secondes.
Il m’avait parlé d’une chaleur moindre, et pourtant, sans doute un effet de la tempête d’hier, à peine avions-nous atteint les remparts de la vieille ville que la température grimpa en flèche. Une chaleur étourdissante. Cuisante. Qui me rendait presque fou. En ce 13 juillet, veille de la fête nationale, les rues archéologiques étaient désertes des habituels touristes. Je venais ici tous les étés, je connaissais tous les coins et les recoins. Mais Will montait les marches qui menaient panorama avec une telle vigueur, un sourire étendu sur ses lèvres. Il semblait réellement si heureux en cet instant. Il avait plusieurs marches d’avance sur moi et ne cessait de se retourner pour vérifier que je le suivais. Je soufflais, à bout de souffle justement, grimpant la dernière marche. Il sautillait presque d’impatience.
« Tu es déjà venu ?
- Presque tous les étés.
- Oh, il semblait déçu. Mais jamais avec moi.
- Non, ça c’est vrai. »

Nous visitâmes toute la matinée, ne croisant pas plus de cinq personnes, se trainant d’un pas las, hagards dans la chaleur flamboyante. Mais l’engouement de Will était contagieux, même quand il fixait durant cinq minutes pleines de vieilles pierres s’effritant sous nos respirations.
Je me laissais aller à l’admirer, tandis que penché sur les panneaux d’informations, plus rien d’autre n’existait pour lui. Il était beau, son air concentré, ses lèvres entrouvertes quand il murmurait le texte. Son petit nez retroussé, la boucle qui retombait sur son front. Il était beau. Et moi j’étais fichu.

Le soleil était haut, dans le ciel, mais j’ignorais l’heure quand il me désigna un petit coin reculé avec des bancs en bois. L’endroit était désert. Nous nous assîmes face à la mer, sur les hauteurs, dans un coin d’ombre.
De sa besace en cuir, il sortit deux sandwichs, bien emballés et du chou au vinaigre. Il coinça une bouteille d’eau entre ses cuisses.
« Tu avais tout prévu, je vois.
- Tout ! Qui sait, nous aurions put nous perdre pendant des jours.
- Et nous aurions vécu de deux sandwichs et d’un peu de choux ?
- Non, d’amour et d’eau fraîche. »
Je ne pus m’empêcher de me retourner brusquement vers lui, mais indifférent, il venait de croquer dans son sandwich. Je fis de même. Ma cuisse touchait la sienne, feignant tous les deux de ne pas y faire attention. Et pourtant, une tension qui naissait entre nous. On l’avait parlé de cette tension, celle qui rendait les adolescents fous. Je la découvrais avec lui, cette force de la passion, de l’attirance physique, le besoin de passion charnelle. Moi qui avais toujours vu les rapprochements physiques et le sexe, comme quelque chose de bestial, primitif, j’en découvrais une toue autre idée. Même si je savais cela interdit, sa simple présence ébranlait toutes mes convictions. Elles venaient donc de là toutes ces mises en garde contre l’amour, ses dangers et sa perfidie. Et pourtant, en cet instant, il ne m’inspirait rien de cela.
« Crois-tu en Dieu ? »
La question était incongrue, mais elle m’avait échappée.
« En un Dieu, oui. Pas en tous et pas un en particulier. J’aime l’idée qu’il y ait un Dieu, une puissance au moins. Après, je ne me considère plus comme Chrétien, je vais à l’office du dimanche avec mes parents, mais c’est plus pour l’image de marque. Ma mère a compris que ça ne m’importait pas. Je viens pour faire joli.
- Tu fais ça bien. »
Il parti d’un grand éclat de rire, ne le prenant pas mal.
« Will, je… »
Je me mordis la langue.
« Tu ?
- Rien.
- Dis-moi ! »
Je me relevais, époussetais mon pantalon. La plage était toujours aussi calme, quelques points noirs de mouvant au loin. Nous étions seuls de près et de loin.
J’avais chaud, j’avais bien manger, j’étais bien, et il était là. Son regard se fit pressant, son visage était doux. Revenant à ma hauteur, il essuya une miette au coin de ma bouche, du plat de son pouce. J’entrouvris les lèvres, à peine, quelques millimètres à peine qui laissaient échapper mon souffle lourd.
« Tu as déjà été avec un homme ? Eu une relation ?
- Oui, avoua-t ‘il. Peter avait arrêté de me donner des leçons de piano des années plus tôt. Le garçon s’appelait Harry, il était avec moi au lycée de garçons de Londres, dans mon cours de latin.
- Oh. »
Je m’y étais attendu. Will était plus âgé que moi, il était déjà bien conscient d’aimer les hommes. Malgré tout, j’eu un léger pincement au cœur. Il passa à nouveau ses doigts sur ma joue.
« Quelques mois seulement, des rencontres dans des coins de couloirs, des petits mots passés sous la table, expliqua-t-il. Quand ses parents l’ont su, ils l’ont envoyé en Ecosse, dans une école fermée. C’était il y a trois ans, j’avais ton âge. Je ne l’ai jamais revu depuis.
- Et tes parents ? Ont-ils su ?
- Oh oui. L’école s’est fait un devoir de le leur dire. Père et Mère pensaient que tout s’était arrêté avec Peter quand ils l’avaient interdit de revenir à la maison. J’ai pris la raclée de ma vie, j’en ai gardé des bleus pendant des semaines. J’ai moi-même était renvoyé du lycée. Et puis tu connais la suite, la « maladie » comme excuse, pour que se soit plus simple à expliquer à la famille, aux voisins, plus simple à punir, et l’espoir de soigner. L’interdiction de fréquenter le moindre garçon de près ou de loin. »
Le soleil brûlait ma nuque dans mon dos. Une légère brise qui secoua les branches au-dessus de nous, sans apporter d’air tant il faisait chaud.
« Et moi ? »
Il me rendait fou. Je ne pouvais contrôler mes pensées et mes paroles. Il haussa les épaules, l’air triste. Puis un sourire mutin sur ses lèvres de poupées.
« Embrasse-moi. »
J’aurai pu répondre. Lui dire que non, lui demander comment, pourquoi, lui dire que l’on risquait gros. J’aurai pu faire demi-tour, rire, le repousser, lui donner une accolade amicale. Mais tout mon corps, tous mes sens tendaient vers lui. Alors, comme un enfant qui sait qu’il fait une bêtise mais qui y fonce tête baissée, je le saisis par les hanches. Je nous cachais tant bien que mal derrière un cyprès massif, ma bouche si près de la sienne, que déjà je me sentais défaillir. J’avais déjà fait des bisous à des filles, de biens ridicules expériences, des baisers d’enfants. Alors je me sentais canard devant ses deux grands yeux bleus. Je soufflais doucement sur ses lèvres qui n’attendaient que moi, et j’y posais enfin les miennes, dans ce que je considérai être le premier baiser de ma vie de grand. Tout était doux, tendre et patient de sa part, mais même ainsi, le baiser me secouait. Ses mains attrapèrent mes épaules, il s’était mis sur la pointe des pieds.
« Tu es si… soufflais-je.
- Chut, ne dis rien, laisse cet instant là où il est. »
Au milieu de l’allégresse, une noirceur planait au-dessus de nos têtes. Ce que nous faisions était interdit. Beau, magnifique, mais formellement puni par la loi.
« C’était mon premier baiser, avouais-je du bout des lèvres.
- Espérons que ce ne soit pas le dernier alors. »
Dans un silence qui ‘n’était qu’en parti calmé de la tension entre nous, nous descendîmes dans une minuscule crique déserte tant elle était difficile d’accès. Entre deux roches, un banc de sable, léché par l’eau de mer. La Méditerranée, calme et belle. Alors que nous dévalions les pentes escarpées, il prit ma main, la serrant fort dans la sienne. Plusieurs fois, l’un rattrapa l’autre avant que nous en chutions mortellement. Mais même une fois dans le sable, à l’abri du danger, il ne lâcha pas ma main. Et je ne m’en plaignais pas.
Il retira ses vêtements à l’exception de son slip, avant de s’allonger dans le sable tendre. Je n’hésitais pas longtemps avant de faire la même chose, puisque pour une fois, je portai des sous-vêtements.

Ses talons étaient enfoncés dans le sable, ses genoux repliés, ses cuisses légèrement écartées. Je dévorai du regard son ventre plat, gonflant de sa respiration apaisée, puis creusé par son expiration, caressé par le soleil vorace.
« Tu vas brûler à rester au soleil comme ça.
- C’est toi qui me fais brûler à me regarder comme ça, sourit-il. »
Je ne baissai pourtant pas les yeux. Nous étions définitivement seuls à des kilomètres à la ronde. J’aurai pu glisser entre ses jambes là comme ça, découvrir comme on s’unit avec un homme…
Je secouais immédiatement la tête, me refusant à de telles pensées plus longtemps. Mais il était tout de même là, étendu, de toute son anatomie qui éveillait la mienne. J’admirai les bras musculeux sous la peau laiteuse, l’aine bien taillée, le V sculpté de son bas-ventre, le galbe de ses cuisses avec ses poils blonds clairs. Et en dernier seulement, en appuis sur mon avant-bras, la tête penchée au-dessus de son torse, je m’autorisais à admirer le renflement dans son slip. J’imaginais la sensation que devait être de palper, de faire rouler sous ma paume, de serrer doucement… L’idée de le voir tendu, dur et palpitant…
« Je te plais ? »
Il coupait court à mes pensées impures.
« Enormément, répondis-je sans réfléchir. »
Il sourit, avant d’ouvrir les yeux en grand, vers moi. Son regard me transperça. Il voulait dire tellement de choses, peut-être les interprétais-je, mais ça me faisait quelque chose.
« Embase-moi encore Angelo. »
Qui étais-je pour refuser ?
Je me penchais sur lui, créant une ombre sur son visage. Je passais mon pouce sur ses lèvres avant d’y poser les miennes. Juste quelques secondes, pas grand-chose.
« Je n’ai jamais eu envie avant toi, d’embrasser quelqu’un comme ça. »
Il sourit, une esquisse du moins. Je l’embrassai encore, plus fort, plus longtemps. Ses mains attrapèrent mes hanches, ses paumes chaudes pleines de sable qui griffaient ma peau. Nos bouches se mouvaient l’une et l’autre dans un ensemble parfait. Je posais ma main à plat sur son torse, sentant sa respiration, le battement rapide de son cœur. Sa langue glissa dans ma bouche, caressant la mienne. Je me collais un peu plus à lui, mes mains fermement agrippées à ses épaules. Tout devenait si excitant avec lui, ce baiser sauvage, mes lèvres humides de lui, suçant presque sa langue. Tout ce qui m’avait avant dégouté, parut abjecte à faire avec quelqu’un me semblait soudain être la meilleure chose à faire pour le reste de ma vie. « Tu n’as pas trouvé la bonne personne », m’avait un jour dit Marc. Il me racontait ce que lui faisait avec sa petite amie. L’idée de toucher une poitrine, le corps d’une femme, de découvrir son intimité, me laissait indifférent. Mais ma main qui touchait les trapèzes de ses épaules, descendait sur ses biceps, puis vint caresser la toison claire et parsemée au bas de son ventre ; tout cela me rendait chose, fiévreux, aventureux. Je me sentais devenir dingue, devenir autre.
« Tu embrasses bien. Très bien. »
Alors je recommençai. Pour retrouver le goût de ses lèvres sur les miennes, pour ne pas faire mourir ce feu au fond de moi qui me fait tendre vers lui. Je passais l’après-midi sur ses lèvres, lui sur les miennes. Nous échangeâmes nos positions plusieurs fois, je caressai ses jambes, lui mon dos, ma nuque, je chatouillai ses flancs. Nous restâmes sages, curieux, tendres. C’était un grand pas pour moi que de me laisser aller ainsi avec lui.
Nous parlâmes malgré tout, de nous, nos vies, si loin qui pourtant n’était pas si différentes. Nous étions tous deux enfants de pères importants, incroyablement riches et influents. Nos avenirs étaient déjà prévus.

Nous regardâmes tomber la nuit, sans penser à rien. Nous étions rhabillés, surpris par une brise fraîche qui se levait. Je ne voulais pas rentrer, j’avais peur que tout se brise, que tout ne soit qu’un rêve de plus, que je ne me réveille à nouveau déboussolé, excité et seul.
Soudain, un éclair dans le ciel. Une gerbe bleue, suivie d’une pluie d’étincelles. Sursautant tous les deux, nous levâmes les yeux au ciel, parfaitement dégagé.  Une gerbe rouge, une autre bleue.
« Le feu d’artifice, chuchotais-je. »
Il était tiré depuis la pointe de Brisac, un village voisin un peu plus important. Le bruit de la foule nous parvenait avec le sens du vent. Tout éclatait au-dessus de nous, au-dessus de la mer, noire de nuit, illuminée d’éclats aussi colorés qu’éphémères.
« C’est si beau. »
Je serrai sa main dans la mienne, d’accord avec lui. Il posa sa tête sur mon épaule, dans un geste d’une tendresse qui m’était inconnue.

  Nous rentrâmes dans une nuit noire où nous ne voyions pas à deux pas devant nous, distinguions à peine nos pieds. Dans cette obscurité protectrice, je pris le bout de ses doigts dans ma main. Il ne dit rien, se laissa faire, marcha tout contre moi. Le chemin du retour me parut bien plus rapide que le matin-même.
La maison en pierres de Nona apparut, tout éteinte et bordée de ses jardinières de fleurs colorées. En contrebas, la plage de la Villa Blanche, qui tranchait dans la nuit, sous la lumière lunaire.
« Tu veux que je te raccompagne jusqu’à..
- Non, ne t’inquiètes pas. J’accompagne Eddy quelque part demain, on pourra se voir dimanche.
- Bien sûr. Bien sûr… »
Je n’avais absolument pas envie de le laisser partir, de le voir disparaître, ne serait-ce que pour une journée. Je soupirai sur ses lèvres, son visage entre mes mains. Je l’entendais respirer, en de petits souffles irréguliers que je coupais en l’embrassant. Il colla son torse contre le mien, ses bras autour de moi, toujours agréablement surpris de toutes les sensations qu’il amenait en moi. Je l’aurai embrassé jusqu’au matin.
Il se détacha, me donnant un dernier baiser bien plus chaste avant de tourner les talons.
« Dors bien.
- Toi aussi. On se voit après-demain. »
Le son de son rire cristallin, puis il avait disparu. Je soupirais avant de pousser la porte de la maison. Je voulais me diriger vers la cuisine sans réveiller Nona qui dormait en bas. Mais Nona ne dormait pas. A la lumière d’une bougie, elle cousait, une longue bande de tissu pliée sur ses jambes.
« Je ne pouvais pas me coucher sans être sûre que tu ne sois rentré.
- Pardon Nona, je … Je n’ai pas pensé. On se promenait et… C’était le feu d’artifice. Je n’ai pas pensé.
- Tu étais toujours avec William ?
- Oui.
- Un gentil garçon.
- Oui. »

Sea, Sex and Sun [ AUTO-EDITE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant