Chapitre 8

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J’eus une nuit calme, je me levais même plus tôt que d’habitude. Nona n’était pas encore habillée, ses longs cheveux d’argent glissaient dans son dos. Elle préparait le café.

Je répondis à mes parents, une lettre morne où je leur mentais allégrement. Je ne parlais qu’en deux ou trois mots des jumeaux, ne mentionnait même pas la Villa Blanche. Je dis à ma mère que je me rendrai à l’office demain matin, que je priais chaque soir et aidais Nona dès qu’elle en avait besoin. Je ne leur dis pas comme ces vacances étaient les plus belles que j’avais put passer, loin d’eux et de moi. Comme je me sentais libre, fier et sûr de moi, ce que je n’avais jamais été avant. Nona repris son ouvrage qu’elle avait laissé sur la table la veille au soir.

« Tu n’écris donc qu’à tes parents ?
- Oui, Nona.
- N’as-tu pas une fiancée à Paris ? »
La matinée était belle, à peine nuageuse. J’étais chez Nona depuis une semaine presque et cette question m’avait déjà été posée.
« Tu sais Nona, j’étais dans un collège de garçons. »
Je plongeais mon regard dans ma tasse de café au lait. L’émail blanc était abîmé contre mes lèvres sèches.
« Oh. Un fiancé alors peut-être ? »
Je lâchais ma tasse qui rebondissait sur la table, éclaboussant de café tout autour. Ma grand-mère avait eu le temps de déposer son ouvrage sur le plan de travail derrière elle.

« Nona ! éructais-je.
- Angelo, ne prend pas ta grand-mère pour une idiote. Je ne sais pas ce qu’il se passe à Paris, quand tu es enfermé avec une ribambelle de garçons de ton âge, mais…
- Tu nous a vu. »

J’avais embrassé Will devant la fenêtre de la cuisine, sans penser que Nona pouvait être derrière. Mais elle n’avait rien dit hier soir. Pourtant il semblait évident maintenant qu’elle savait.

« Vus ? Qu’est-ce que j’aurais dut avoir chéri ? Je n’ai besoin de voir, j’ai lavé tes draps amour. »
Heureusement, je n’avais pas encore ramassé la tasse ; je ne pus donc pas la lâcher de nouveau. Et au contraire, me jetais sous la table pour collecter les débris et me cacher.

Je n’y avais même pas songé. Je n’avais même pas sourcillé au fait que mes draps étaient propres. Que Nona les avait vus, lavés.
« Chéri, s’il te plaît. Je ne suis pas ta mère. Tu as presque seinze ans, pas de petite copine, et vis toute la semaine entouré de garçon dans la même situation.
- Nona, tu t’aventures dans la thématique dangereuse.
- Je ne veux… Je ne veux pas interférer Angelo, mais je ne veux pas que tu ais honte ou que tu te retournes l’esprit avec de telles choses. Trouve-toi quelqu’un de bien, quelqu’un qui te rend heureux. Qu’importe la façon, qu’importe la durée. »
Sa main fraiche et ridée, si fine dans la mienne, elle serra mes doigts.
« Qu’importe si c’est un garçon ?
- Oui. »

Ma gorge était nouée, douloureuse, mais yeux brûlants.
« Angelo, quand on est enfant, on fait des choses qui nous semblent naturelles, qui ne nous semblent pas mal. El alors que l’on grandit, on les repousse, parce qu’on nous apprend qu’elles sont mauvaises. Et on y croit. Parce qu’on ne pense pas que les adultes puissent mentir. Alors on croit. »
Ses deux mains tremblaient au-dessus de la table. Ses yeux s’embuèrent. Mon cœur se serra.
« Mon frère, Paolo. »
Son souffle siffla, entre ses lèvres serrées.

« Tu as un frère ?
- J’avais, Nino. J’avais. Tu sais que Nona, elle a grandit dans un petit village, éloigné de tout, on a grandit entre nous, très peu d’enfants. On se connaisssait tous. Et il y avait Vincente. Un beau brun, grand et solide, qui tenait la supérette de la grande rue. Les filles étaient amoureuses de Vincente, je l’étais aussi un peu. Qu’il était beau, serviable avec tout le monde. Mais Vincente lui, il était amoureux de Paolo. Il n’y avait qu’à lui qu’il payait des glaces sur la plage l’été, à qui il offrait des sachets de noix. , ils se ballaient tous les week-end et Paolo le dessinait pendant des heures. Ils étaient beaux ensemble mon Nino. Et un soir, ils sont partis, dans le petit appartement que Vincent occupait au-dessus de la boutique de ses parents. Je l’avais vu partir, il m’avait demandé de garder le secret.  A l’époque ; je ne savais pas pourquoi. Mais quand Paolo a voulu rentrer chez nous, notre père l’attendait. Il l’a frappé i fort, Nino. Je ne sais pas comment il l’a su, mais il l’a su. Il l’a frappé, frappé encore. Et soudain, Paolo ne pouvait plus. Son crâne sur le rebord de la table de la cuisine, du sang partout. J’ai couru Nino, en pleurs, j’avais peur. En chemise de nuit, j’ai couru chez Vincente, je pleurais encore. »
Et elle pleurait encore en me le racontant.
« Il était encore presque nu, l’odeur de mon frère partout dans l’appartement. Une seule nuit d’amour, voilà ce qu’ils ont eu. Je lui ai tout dit, à Vincente. Et il a pleuré avec moi. Je me suis endormie, vaguement réveillé par un bruit étrange. Vincente était mort, les veines ouvertes dans la salle de bains, un bain de sang aussi. J’étais triste Nino, j’aurais voulu mourir aussi. Et mon père a craché sur la tombe pas encore creusée de mon frère aimé. Il méritait de mourir, pour mes parents, comme le sodomite, l’invertit qu’il était. Moi, j’étais mariée trois mois plus tard.
- Papa n’a jamais parlé de ça. Toi non plus.
- Oh, Nino ! Paolo était mon grand frère, je l’admirais. Du jour au lendemain, il fallait qu’il ne soit plus rien. Plus un fils, plus un frère, plus rien d’autre qu’une âme brûlant en Enfer. Comment dire que moi, je les avais trouvés si beaux, si tendres l’un avec l’autre. »

Je pleurais aussi. Des larmes silencieuses qui coulaient dans mon cou, entre mes lèvres entrouvertes. Un goût salé et amer.

« Mon ange, mon Nino. L’amour, c’est beau. L’amour, c’est tendre. Ce n’est pas… Ce n’est pas quelque chose qui se décide parce que ça arrange tout le monde. L’amour fait du bruit, l’amour dérange, il fait parler. L’amour est dur, parrfois éphèmére. Je sai ! Je sais que tes parents te donnent l’éducation que j’ai donné à ton père. Mais que ta mère ajoute ce détails du couple rêvé, de toi avec une belle jeune femme à qui sourit un avenir radieux. Moi je te dis juste que tu es là, et tes parents non. Et que l’amour doit être célébrer quand deux personnes s’aiment sans faire de mal à personne. »

Elle ne parlait plus, ne pleurait plus. C’était un calme doux qui planait sur la cuisine. Elle réajusta ses cheveux, souffla dans ses mains qui tremblaient d’émotions.

« Tu le sais ?
- Je sais quoi chéri ?
- Que c’est les garçons que j’aime.
- Et toi, est-ce que tu le sais ? »

Je haussais les épaules, toujours un peu mal à l’aise quand il s’agissait de moi.

« Je crois.
- Tu crois que tu aimes les hommes ou tu crois que tu le sais ?
- Je… Je crois que je suis un peu perdu Nona. Je sais que William me plait beaucoup. Mais que ça me fait très peur. »

Sea, Sex and Sun [ AUTO-EDITE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant