Ce samedi-là fut calme. J'accompagnais Nona au marché, portant son panier, soutenant son bras. Nona était radieuse, elle me présentait aux gens que l'on rencontrait. Certains me reconnaissaient, me dirent comme j'avais grandi, comme j'étais devenu beau garçon. Je souriais poliment.
Nona était fière de moi. Et mon cœur se réchauffait à cette pensée. Peut-être cela serait éphémère, un moment volage dont je souffrirai à l'avenir. Mais l'instant était bon.
Le dimanche matin fut tout aussi calme et pourtant, alors que je m'habillais, mon ventre se tordit d'une façon que je ne connaissais pas. Je dévalais l'escalier, embrassais Nona. Habillé tout de blanc, je rayonnais.
« Vas-tu à l'église ainsi ?
- Non. »
Ma bonne humeur retomba soudain. L'office, dimanche matin. J'avais promis à maman, mais tout cela m'était sorti de la tête. Ce n'était pas tellement Dieu que j'avais prévu de rejoindre. Mais Nona ne dit rien de plus.
Et pourtant, je dévalais les escaliers qui menaient à la Villa Blanche, essayant de contenir ma joie. Mon ventre bondissait au rythme de mes pas, ma gorge nouées de paroles que je n'avais pas encore prononcées.
Je sonnais dans le silence, attendant les pas rapides de Louisa, mais se furent des pas bien plus lents et traînants qui amenèrent Will jusqu'à la porte. Il m'apparut, le visage blafard, de lourds cernes. Enroulé dans une couverture, les cheveux plaqués au front, il m'offrit ce qui sans doute devait être un sourire mais tenait plus de la grimace.
« Mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? »
Il me libéra le passage avant de se traîner vers les escaliers. Je refermais la porte avant de le suivre. Un silence absolu dans la maison.
« Je suis malade. »
Il m'entrainait dans sa chambre où il se laissa tomber sur son lit défait.
« Je vois bien. Qu'est-ce que tu as fait ? »
Il haussa les épaules. Roulé en boule sous sa couette, il se recula jusqu'à pouvoir me laisser une place. Je n'hésitais qu'une seconde avant de m'asseoir.
« Ton frère et Louisa, où sont-ils ?
- A l'église, murmura-t-il. »
Je grimaçais. Décidément. Je retirais mes chaussures pour pouvoir m'allonger face à lui.
« J'ai parlé à ma grand-mère.
- Mm, de quoi ?
- De moi. De toi. Je lui ai dit que je t'aimais bien. »
Cette-fois, ce fut un vrai sourire qui frappa son visage.
« Elle a dit quoi ?
- Plein de choses. Beaucoup sur elle, et... Je suis heureux d'avoir parlé avec elle. »
Il frotta son nez avec le dos de sa main et ce geste si anodin me fit fondre.
« J'aurai aimé t'embrasser, chuchota-t-il.
- J'aurai aimé que tu m'embrasses. »
Je me rapprochais de lui, passais un bras sur sa taille en un geste tendre que je n'avais eu pour personne. Il enfonça sa tête dans mon épaule. Et nous nous endormîmes.
La lumière avait tourné quand je rouvris les yeux. Mais nous n'avions quasiment pas bougé, mon bras engourdi par le poids de sa tête. J'avais inhabituellement chaud, son petit corps tassé contre le mien. Sa respiration était calme, légèrement sifflante. Je caressais ses cheveux doux, caressait son front du bout de mes lèvres.
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Sea, Sex and Sun [ AUTO-EDITE]
Romance1956. Dans sa vie parisienne bien rangée, Angelo, quinze ans, découvre la liberté d'un été seul dans le Sud de la France chez sa grand-mère. Que pourraient bien lui apporter ces deux jeunes Anglais en vacances eux aussi dont sa grand-mère ne cesse d...