Chapitre 17

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  J'eus à loisir le temps de me replonger dans mes révisions le lendemain, jusqu'à n'en plus pouvoir et voir les lettres et les chiffres se confondre devant moi. Mais au moins, occupé, je ne vis pas le temps passé, jusque ce que l'heure soit décente pour me préparer. Mon esprit virulent et échauffé dès qu'il s'agissait de penser à Will, je me lavais à grands jets d'eau froide et passé la tenue le plus légère que j'avais.

Comme notre dernière sortie à trois quelques jours au part avant, les jumeaux sonnèrent à la porte, bien habillés, magnifiquement élégants mais toujours aussi dissemblables. Je serrais la main d'Edward, le visage sévère, et embrassais la joue de Will, joviale à son habitude.

Nous embarquâmes dans l'auto de Nona, Edward au volant. Même avec sa présence, je me sentais excité par cette soirée qui me faisait sentir toujours un peu plus grand, un peu plus libre. Les mains bien serrées sur le volant, Edward se tourna vers moi au-dessus des sièges en cuir. J'étais seul à l'arrière, Will sur le siège passager à la droite de son frère.

« Ecoute-moi bien Angelo, je ne cautionne pas votre couple. »

Un long frisson parcouru mon échine, non pas à cause du ton autoritaire qu'il employait, mais du mot employé.

« Mais si j'aurais souhaité que ta présence ne soit qu'insignifiante dans mon existence, mon frère semble en avoir décidé autrement. Je te tolère donc. Mais fais bien attention à ce que tu fais. »

Au regard que lui lançait Will et le petit air sur son visage, je compris que le scénario avait été bien répété avant de venir. Je me redressais sur la banquette arrière, souriant, je m'accrochais aux épaules d'Edward. Il se raidit, un léger tic qui agita sa joue.

« Ne t'inquiète pas Eddy, tu ne risques rien. C'est l'autre jumeau qui m'intéresse. »

Le concerné ne put retenir un rire feutré alors qu'Edward ne se tendit qu'un peu plus.

Pour aller au cinéma, nous nous approchâmes de Menton, ses rues plus grandes, plus remplies d'une population estivale souriante. Je me sentais bien entouré, les jumeaux en chemise et vestons, les cheveux gominés brillants dans la lumière de fin de soirée. Will était terriblement beau, il m'était presque douloureux de le voir, ne pouvant le toucher, l'attraper et l'embrasser jusqu'à plus soif.

Deux agents de police nous saluèrent, stationnés non loin de l'entrée du cinéma et d'un restaurant qui dégueulait de clients jusque sur une terrasse assourdissante de voix diverses. Je me redressais à la vue des uniformes, pale, à l'idée qu'il puisse savoir, imaginer mes pensées pour Will. Arrêtait-on les gens sur simple suspicion ?

« Qu'allons-nous voir ? m'enquis-je, hésitant.

- Don Juan ! »

J'acquiesçais, soudain persuadé que tout le monde nous regardait, que tout le monde autour de nous savait, parlait sur nous, de nous. Mais je me laissais avalé par l'atmosphère plus calme et feutrée du cinéma, tapissé de moquette rouge au liseré doré, les lourds fauteuils et un escalier splendide qui menait à un étage.

« Tu aimes le cinéma ? S'intéressa Eddy. »

Je me tournais vers lui, tentais de me ressaisir. Je réfléchis.

« Oui, j'imagine. Je n'ai vu que deux films, je ne me souviens que d'un. Bambi.

- Nous l'avons vu aussi. Will a pleuré tout du long, incapable de se remettre de la mort de la mère.

- Moi aussi, avouais-je. »

Eddy grimaça en nous regardant tour à tour, William lui tira la langue.

« Mais nous sommes trop d'enfants, c'est compliqué pour mes parents de nous emmener tous, mes sœurs ne savent pas se tenir aussi longtemps. »

Et ils n'avaient pas tellement le temps, il fallait bien l'avouer.

« Mais je me souviens que c'était très joli, j'avais bu quelque chose de terriblement sucré juste après. »

La caissière nous tendit trois tickets, et je me rendis alors compte que c'était Edward qui avait payé. Je fronçais les sourcils, près à répliquer, mais une légère pression presque rêvée de la part de Will me dissuada.

Je redécouvrais la salle obscure et son ambiance particulière, son odeur forte de cigarette et son nuage dense de fumée qui flottait au-dessus de nos têtes, les sièges capitonnés de velours pourpre où nous nous installâmes en silence. Nous arrivions assez tard, la salle était joliment pleine, nous étions entourés principalement de couples. Devant nous, les deux têtes se touchaient, celle de la femme sur l'épaule masculine à sa droite, son bras à lui autour de ses épaules à elle. Je soupirais, William suivit mon regard et je vis cette seconde où il eut la même pensée que moi. Si seulement, une soirée seulement, une minute seulement, un instant volé, nous avions le droit. Il murmura un « un jour » à mon oreille, qui vola jusqu'à mon cœur et j'inspirais longuement. Un jour.

Une brise fraîche nous accueillit à la sortie de l'établissement. Les rues étaient plus clairsemées, nous pouvions encore entendre les rires et les voix de façon plus étouffées, depuis les fenêtres et les balcons environnants. Les agents de police avaient disparu, les clients du restaurant s'étaient retranchés à l'intérieur, les baies vitrées tout de même ouvertes. Je frissonnais, mes avant-bras nus, quand la veste grise à l'odeur suave de Will glisse sur mes épaules. Je souris, c'est automatique quand je sens son odeur à lui, quand je me rends compte comme ce geste est cliché et a pu m'amuser quand j'ai vu ceux de mon collège le faire pour leur amie.

Edward lui-même secoua la tête et je me sentis stupide une seconde mais le visage de Will, ses pommettes rougies, couleur pomme d'amour, la façon dont il tordit sa bouche, pas vraiment sûr de s'il avait le droit de sourire, cette petite moue qui le représentait si bien, me fit fondre. Intérieurement, je le serrais fort contre moi, pour le réchauffer même si je gardais sa veste. Intérieurement, ce geste n'avait rien de déplacé, il avait le droit de sourire, et j'aurais eu le droit de passer mon bras sur ses épaules et nous aurions marché ainsi jusque là voiture.

Nous marchâmes évidement sans nous toucher, sous le regard inquisiteur d'Edward. La voiture nous accueillit comme un refuge, mais alors que j'aurais voulu demander à Will de venir à l'arrière avec moi, Ed lui tendit les clefs.

« Conduis, Willy, s'il te plaît. Je suis fatigué. »

Le dénommé haussa les épaules, accepta. Je me renfrognais, déçu, mais sans que je m'y attende, Ed glissa son long corps à l'arrière du véhicule, me laissant la place avant libre.

« Tu... Tu ne veux pas monter à 'lavant ? »

Je désignais la place laissée libre. Son frère lui-même s'était tourné vers lui. L'air toujours sérieux et très sûr de lui, il s'amusa :

« Ne t'inquiète pas non plus, tu ne m'intéresse pas, je ne veux pas m'immiscer dans votre dépravation. »

Et il réussit à me faire rire, me cognant latête au passage en montant dans la voiture.     

Sea, Sex and Sun [ AUTO-EDITE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant