Le lundi matin, j'avalais le café au lait, la brioche au beurre, embrassais Nona quand précisément, on frappa à la porte. Je m'emballais, courais, déparant presque pour aller ouvrir.
Les deux jumeaux devant la porte de chez Nona ; Edward, stoïque et Will, souriant. Fraichement rasé et habillé, mon regard se tourna d'office vers Will. Il me sourit timidement, avant de tourner ses yeux vers son frère dans un regard appuyé. Je compris.
Nous étions chaperonnés. Edward ne pouvait nous empêcher de nous voir, mais sans doute, après nous avoir trouvé dans les bras l'un de l'autre et mes aveux de la veille, avait-il décidé que nous ne verrions plus seuls. Mais je voulais qu'il comprenne comme je tenais vraiment à son frère, que je ne voulais, ne pouvais, renoncer à lui, mais je ne pouvais pas non plus me le mettre à dos.
Alors je serrai la main du plus grand, puis posai la même main sur la hanche de Will, le tirant plus près de moi. Je posais un baiser sur sa joue, il rit avant de m'attirer dans une étreinte de ses deux bras. Je respirai son odeur jusqu'à un raclement de gorge derrière nous. Je secouais la tête, je n'aurai voulu pour rien au monde lâcher son homonyme. Mais Will caressa la peau de mon cou de ses lèvres et murmura :
« Sois patient. »
Alors j'acceptais de le lâcher, à contrecœur, ne cessant d'admirer son visage rayonnant. Je sentais le regard de son frère sur moi, qui m'aurait tué s'il avait pu.
Nous prîmes, à pieds, le chemin du village de Quellada et son minuscule port où mouillaient à peine deux bateaux quasiment coulés. Nous n'étions désormais qu'à quelques kilomètres de l'Italie. La mer était terriblement plate, sans la moindre vague, reflétant le soleil comme de l'or liquide à sa surface. Les mouettes tranquilles sur les rebords de fenêtres, les devantures de magasins aux couleurs fanés. Edward marchait entre nous, ça faisait sourire Will, qui le bousculait volontairement pour qu'il me bouscule à mon tour. Ed restait sérieux, dans sa chemise de coton blanc, remontant ses lunettes d'écailles sur son nez. Et je souris aussi.
Alors que nous passâmes devant une Eglise de pierre blanche, belle et immaculée, en sécurité entre deux pentes escarpées de montagne rouge.
« Allons-y. »
Ed nous la désignait, l'air sincèrement intéressé. Will haussa les épaules.
« N'as-tu pas peur que nous partions en fumée ? »
Will questionna sur le ton de l'humour mais son jumeau lui lança le regard sévère qu'il m'avait offert la veille.
« Ne dis pas ça ! Ce n'est pas drôle ! »
Sans un mot de plus, je compris que plus loin que la plaisanterie, il y avait un véritable sujet de querelle entre eux. Sans doute Ed tenait plus à la religion que Will. Je n'étais pas vraiment rassuré. On m'avait moi-même tant dit que les âmes pécheresses brûleraient dès la porte de la maison de Dieu passée. Edward nous tourna le dos et avança vers les portes austères et entrouvertes.
« Allez viens, allons sauver nos âmes ! »
Je grimaçais tandis que l'ainé des jumeaux avait dors et déjà disparu à l'intérieur de la bâtisse.
« Ne prends pas tout cela trop au sérieux, Angelo. Tu as le droit de croire en Dieu, ou de ne pas y croire. Ça ne regarde que toi, je voulais simplement embêter Ed avec ça.
- Crois-tu vraiment que nous pouvons entrer ?
- Pourquoi ne pourrions-nous pas ?
- Je ne sais pas. »
Je me sentais gêné de lui avouer mes peurs puériles, que de finir en cendres sur le parvis de l'Eglise. En une caresse plus qu'évasive, il effleura ma mâchoire. Ses grands yeux bleus captèrent les miens, effarés tel une biche devant une voiture, pour me rassurer.
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Sea, Sex and Sun [ AUTO-EDITE]
Romance1956. Dans sa vie parisienne bien rangée, Angelo, quinze ans, découvre la liberté d'un été seul dans le Sud de la France chez sa grand-mère. Que pourraient bien lui apporter ces deux jeunes Anglais en vacances eux aussi dont sa grand-mère ne cesse d...