Je devenais fou, mon esprit se tordait dans des méandres sulfureux, m'exposant des images de souffrance intolérable dans des cauchemars sans fin. Grandir n'est ni simple ni drôle mais je ne pensais pas que cela incluait autant de douleur. Je prenais conscience que devenir un adulte induisait le fait de se séparer de certaines choses, certaines personnes ; d'un confort, d'une innocence bien agréable.
J'étais cloué, collé à mon matelas, les yeux exorbités sur mon plafond sombre qui devenait le théâtre de ma pensée. L'obscurité avait toujours sur moi le même effet, me faisant tomber encore et toujours, tel Alice dans un puit sans fin. Je pensais à mes parents, ma pauvre mère qui venait de donner naissance à mon petit frère, mon père à qui j'allais assener le coup de grâce, mes sœurs desquelles on allait sans doute m'éloigner, par sécurité pour elles. J'allais peut-être perdre mon meilleur ami, qui ne voudrait plus m'approcher, de peur que je ne le rende malade, que la pédérastie soit contagieuse. Ma vie allait peut-être flamber en une seconde, une étincelle minuscule, qui allait tout enflammer, comme celle de l'amour m'avait enflammé pour William. Condamne-t 'on vraiment les gens qui s'aiment ?
Je me mis à réfléchir sur des questions que je ne m'étais avant jamais posé, triturant mon esprit dans des méandres bien trop profonds. Je m'enlisais, je coulais. Et si je perdais mes parents ? Dans le sens où ils me renieraient, refuseraient de me considérer encore comme fils. J'étais encore jeune, dépendant d'eux, comment ferais-je ? Je pensais à Lucien, de mon cours d'algèbre, orphelin élevé par un vieil oncle, qui ne semblait pas se plaindre. Mais avait-il connu ou du moins se souvenait-il de l'affection d'une mère ou d'un père ? Cela me briserait le cœur, mon cœur amoureux.
La nuit qui n'en fut pas une et mon estomac qui menaçait de se soulever à chaque instant, je me retrouvais le visage écrasé au bord du matelas, transpirant, alors que l'obscurité commençait à quitter la pièce. J'entendis Nona qui se levait à l'étage du dessous, je tentais de bouger mais tout mon corps n'était qu'un amas informe qui ne me répondait plus. Au grand damne de Nona, je passais la journée dans cet état qui n'en était pas un;
Je me détestais d'être ainsi mais n'arrivait pas à passer par-dessus pourtant. Je me repassais des scénarii dans ma tête, qui finirent par n'avoir plus aucun sens et n'être d'aucune aide. Alors j'arrêtais d'y penser. J'avais été incapable de manger quoi que ce soit, mon corps s'y refusant.
J'avais reçu la réponse de Marc à ma première lettre. Il me confirma qu'avec Alice, dans moins de deux ans, ils s'uniraient face à Dieu. Mais il délaissa bien vite le sujet pour moi-même. Moi qui avais rencontré quelqu'un. Lui-même n'y croyait pas et me pressait de donner des détails. Je fermais les yeux, il devrait recevoir ma lettre le lendemain. Je rangeais la lettre dans mon sac en entendant des voix en bas, alors je descendis pour la première fois de la journée.
Evidement, c'était Will, au milieu de la cuisine, en polo bleu qui serrait son torse musclé. Il parlait avec Nona, une tasse de thé à la main, sans que ni l'un ni l'autre ne m'est vu. Sans un bruit, je passais dans le dos de Will, glissant mes bras sur hanches fermes où je posais mes mains puis ma tête sur son épaule. Il se laissa aller contre moi, son dos contre mon propre torse, une tendre étreinte qui me réchauffa l'âme. Il sentait bon, retrouver son corps et ce qu'il faisait qu'il était lui, m'apaisa plus que de raison. Nona souriant, évidement, de nous voir ainsi pour la première fois.
« Voilà donc ce qu'il te fallait pour que tu te lèves ! »
Je ne réagis pass, profitais simplement de Will que je maintenais ceinturé contre moi. J'étais bien.
« Qu'est-ce que tu fais là ? »
Il se retourna contre moi après avoir posé sa tasse sur la table. Comprenant que je me fichais que Nona nous voit, il embrassa la commissure de mes lèvres, me fixant de ses grands yeux océans.
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Sea, Sex and Sun [ AUTO-EDITE]
Romance1956. Dans sa vie parisienne bien rangée, Angelo, quinze ans, découvre la liberté d'un été seul dans le Sud de la France chez sa grand-mère. Que pourraient bien lui apporter ces deux jeunes Anglais en vacances eux aussi dont sa grand-mère ne cesse d...