Chapitre 16

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Le lendemain, fidèle à mes promesses, je m'étirais dans le lit, le jour à peine levé. La lumière était pâle, opaline et faible au travers des rideaux de coton. Derechef, la clarté faisait son œuvre, ne me laissant de la veille que des souvenirs choisis. Fini les cauchemars, les peurs, les doutes.

Je me glissais en silence dans la cuisine ; incapable de faire un café moi-même, je me contentais d'un verre de lait. Je sortis de mes affaires tous mes livres, plumes et cahiers d'écolier. Mais une partie de mon esprit se tourmentait, incapable de détacher mon regard de la fenêtre et de sa vue sur la Villa Blanche. Je me renfrognais, soupirer, hésiter, puis finalement, je craquais. Enfilant un pantalon à la va-vite, une chemise chiffonnée, j'écrivis sur une feuille arrachée de mon cahier d'arithmétiques un mot griffonné grossièrement.

Pourtant, devant la Villa, j'hésitais à nouveau. Je pourrai frapper, peut-être tomberai-je sur quelqu'un. Un mot était impersonnel, et puis, qui le trouverai ? Mais mes tribulations furent coupées par Louisa qui ouvrit la porte, me jetant un regard à la fois surpris et amusé de me trouver là à me ronger les ongles, mon mot à la main.

« Monsieur Doconte ?

- Louisa. »

Elle sourit, un panier coincé dans le coude, en tablier et les cheveux toujours en chignon. Son visage rond était amical, avenant, tel celui de la bonne fée dans les contes de mon enfance.

« Je... je voulais donner ce mot à... William. »

Elle acquiesça, sans un commentaire, sans aucune émotion quelconque. Savait-elle ? Sans doute, elle vivait avec eux, avait l'air d'être une de ces femmes qui prennent discrètement la place des mères dans les familles aisées, dispensant l'amour dont certains enfants manquaient.

« I'll give to him. »

Alors j'acquiesçais aussi et m'enfuis, gêné qu'elle puisse comprendre, imaginer.


Je fus studieux, les yeux rivés sur mes cahiers que je tachais d'encre de mon écriture fatiguée. J'étudiais chaque matière avec plus ou moins la même constance. J'aimais apprendre, j'avais toujours été bon élève, remportant bons points et autres récompenses, finissant premier au certificat de fin d'études, traversant le collège sur une mer tranquille. J'avais toujours été félicité pour ma bonne diction, mon don du calcul et des facilités en langues. Ce midi-là, j'avalais sans le regarder le sandwich que m'apporta Nona dans ma chambre. Elle ne resta qu'une petite minute avec moi, regardant par-dessus mon épaule, intriguée. Elle, n'avait pas eu tout cela. Elle avait toujours été très fier de Père pour les études qu'il avait mené, avait toujours un peu envié Mère, qui avait eu plus de choix.

Ce ne fut qu'en fin d'après-midi que j'ouvris le dernier de mes livres, le latin. Deux coups furent frappés à ma porte que j'avais laissé ouverte dans mon dos. Sans lever les yeux j'invitais Nona à entrer.

« Ce n'est toujours pas Nona, désolé. »

Ma chaise racla vivement le sol en un bruit strident. Tout sourire, habillé tout de blanc, il refermait doucement la porte dans son dos.

« Désolé pour aujourd'hui, il fallait que je révise. Je l'ai promis à mes parents.

- Je sais ; j'ai eu le mot. Tu es bien sérieux, que révises-tu ? »

Il était déjà derrière moi, parcourant de son regard ma pile de manuels, mes cahiers, et le livre de latin ouvert devant moi. Il s'en saisit, le porta à sa hauteur et sourit.

« Tu dois l'apprendre ? »

Je hochais la tête. Il se recula d'un pas, toujours arborant son petit sourire qui me donnait envie de le dévorer tout entier.

Sea, Sex and Sun [ AUTO-EDITE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant