Souviens-toi /YOONMIN

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Je ne peux pas prendre le risque de lui dire, alors je tente de la rassurer :

- Ne t'inquiète pas, je sais qui je dois fréquenter, Taehyung est peut-être un peu jaloux de lui, c'est tout !

J'ai un petit rire. Taehyung, jaloux ? Elle ne semble pas convaincu, en même temps elle connaissait Taehyung mieux que personne. J'ai fait une erreur en le citant. Et je sais qu'elle ne me croit pas. Parce que c'est ce qu'elle fait :

- Tu mens. Taehyung n'est jamais jaloux. Et il ne te lâchera pas avec lui tant qu'il ne saura pas qui c'est précisément. Je ne t'en demande pas plus, de toute façon, je sais que tu ne me diras rien. À demain.

Le froid m'agresse tellement quand j'ouvre la porte que je dois fermer les yeux à travers mes lunettes noires. Je sens comme des petits points froids s'écraser sur mon visage. Je rouvre les yeux, et vois des espèces de trucs blancs tomber du ciel. C'est quoi, ça ?

Je rentre aussitôt dans le bar, et colle mon dos contre la porte, en soufflant bruyamment. Quand je relève la tête, Yenka me regarde avec des gros yeux :

- Qu'est-ce qu'il se passe, Jimin ?

- Je...je... je tente, sans réussir complètement.

Je me décolle de la porte, pour qu'elle puisse ouvrir et voir ces trucs blancs bizarres. Elle passe sa tête à l'extérieur, regarde à droite, puis à gauche, et rentre. Elle me regarde :

- Il n'y a rien, Jimin.

Elle ne comprendrait sans doute pas si je lui expliquais. Les trucs sont... doux mais complètement glacés. Je suis peut-être le seul à voir cela.
Elle paraît cependant inquiète de me voir si émotif, et me dit :

- Viens, tu peux rester dormir cette nuit, si tu veux.

J'accepte et elle m'emmène à l'étage du bar, où je passe une courte nuit dans le canapé du salon. Je ne dors pas beaucoup, mais je n'étais pas fatigué. Allez comprendre pourquoi.

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Le matin, j'ai préparé le petit déjeuner, et lorsque Yenka arrivae, il est prêt. Elle s'installe en face de moi. Elle est belle, en pyjama, les cheveux ébourrifés, et des petits yeux. Elle doit tout juste venir de se réveiller. Elle me demande :

- Pourquoi tu t'habilles toujours en noir ? Pourquoi tu ne montres jamais ton visage ? Taehyung ne sait pas, il me l'a dit, mais il m'a surtout dit que tu étais... beau.

Je réponds :

- Je ne sais même pas moi-même. J'ai eu un accident, plus jeune, et ma mère m'a dit que depuis, j'ai complètement changé. C'est peut-être à cause de ça.

Elle pose ses yeux sur sa tasse, et hôche la tête :

- Ça te dit de me montrer comment tu joues du piano, après ?

J'hésite :

- Je ne sais pas trop... je n'aime pas que l'on me regarde quand je joue...

Elle répond :

- Je me cacherai, ne t'inquiète pas. Puis à cette heure-là, il y aura peut-être déjà des clients. Ils seront contents, ce n'est pas habituel que tu joues à cette heure.

Alors j'accepte volontier. Elle a tenu sa promesse. Je ne l'ai pas vu une seule fois. Puis la mélodie m'a embarquée, comme toujours.

Je suis presque essouflé à la dernière note, et il y a quelques personnes attablées. Je ne veux pas les regarder, parce que ça me fait mal de voir que ces gens gâchent leur temps pour venir dans ce bar, à rien faire.
Je rentre dans l'arrière-cuisine, et comme je n'ai rien à faire, j'entreprends de faire la vaisselle. L'eau a un effet étrange sur mes mains. Je reste quelques secondes immobile, écoutant seulement l'eau couler.

Un grand fracas retentit derrière moi, et je me retourne d'un coup, surpris. Ce n'est que Yenka. Mes épaules se relâchent. De quoi ai-je eu peur ? Je ne fais que la vaisselle, après tout.

Elle semble en colère, et lorsqu'elle pointe son doigt sur ma poitrine, j'en ai la confirmation :

- Toi. Tu oses prétendre que tu joues mal ! Mais tu t'es entendu ? Est-ce que tu t'es déjà écouté jouer ? Non ! La réponse est non ! Alors ton contrat, tu vas le signer pour au moins un an ! C'est clair ? Je veux te voir jouer ici ! Tous les soirs ! Y'aura bien une agence qui t'entendra un jour !

Elle fait une pause, pose ses yeux sur ce que je suis en train de faire, et enchaîne :

- Et depuis quand tu fais la vaisselle ? T'es pianiste, pas homme de ménage !

Elle hurle presque, j'en ai mal aux oreilles. Elle continue, sans pour autant se calmer :

- Tu sais ce qu'il manque chez toi ? C'est l'amour de soi. Tu manques de confiance en toi ! Alors reprends-toi en main, inscris-toi dans un putain de conservatoire, et vas apprendre là-bas !

Je ne l'ai jamais entendu prononcer de gros mots. Elle me jette un regard entendu :

- Compris ?

Je ne prends pas la peine de répondre, et j'allais sortir lorsqu'elle m'interpelle :

- Tu reviens pour dix-huit heures ce soir, sinon...

J'ai fermé la porte. Elle a cru que j'étais son chien, sérieux.

Je rentre chez moi, au moins pour  laisser un mot à ma mère pour ne pas qu'elle s'inquiète, quand je m'aperçois que... ma porte est ouverte.

La porte de ma chambre. Je frissonne. Ma mère est entrée et n'a pas refermé ? Aucune chance, ma mère en est incapable.

Je pose ma veste noire sur le porte-manteaux, et je vois... une veste que je ne connais pas. Elle a invité quelqu'un ? J'entends des chuchotements et des pleurs, à l'étage, en provenance de ma chambre. Je reconnais la voix de ma mère, et je commence à paniquer. Si elle me voit, habillé tout en noir, elle pleurerait. Encore. Et dirait qu'elle est une mauvaise mère pour ses deux fils uniques. Encore.

Je pose rapidement le mot que j'ai écrit, sur la table, prends ma veste, et sors. Je vais au centre commercial, et achète un paquet de gâteaux, car je me souviens que ça fait assez longtemps que je n'ai pas mangé. Je n'ai pas forcément besoin de manger tous les jours depuis... l'accident. Seulement, je sais qu'il faut manger, même si je n'ai pas spécialement faim, et que je n'ai pas non plus l'envie.

Je dépose le paquet dans mon sac noir, sans pour autant en manger, et me dirige vers le parc. Il est quinze heures. Je m'asseois sur un banc, et prends le temps de respirer, la musique résonnant dans tout mon corps.