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8 février

Quand je me réveille, une certaine fraîcheur s'empare de moi. Tout est froid, dans cette pièce. Absolument. L'air, les draps, mon corps. Jusqu'à mes doigts. Peut-être même mes orteils aussi.

Je suis seul. Yoongi s'est effacé tel une ombre, une poussière. Une poussière à laquelle je ne cesserais jamais de penser et d'aimer. Une poussière que j'aime de tout mon cœur. Même s'il est malade.

Yoongi est parti.

Je dois pleurer pendant des heures.

Mon corps me hurle d'arrêter de danser.

Mais je ne suis qu'ombre et poussière.

Soudain, je m'arrête.

Quelqu'un me tient le poignet.

Il est tellement heureux de me revoir, et moi aussi, que nous tombons dans les bras l'un de l'autre.
Il se recule, et caresse ma joue :

- Ça ne va pas, Jimin ?

Je baisse les yeux. Taehyung a cette capacité à me connaître malgré tout ce que je tente de lui cacher.

- Raconte-moi tout, dit-il simplement.

Alors je lui explique tout.

Depuis le début.

Mon passé avec Yoongi, mon frère, et mon père. Puis avec mon ex-petit-ami. Jusqu'à ce qu'il entre dans ma vie.

Il ne m'a pas interrompu une seule fois, et m'a écouté comme l'aurait fait un ami. En même temps, on est amis... non ?

Je viens de me rendre compte que je me suis beaucoup trop méfié de lui, alors qu'il voulait juste m'aider. Car malgré tout ça, je me suis beaucoup attaché à lui. Il a compris. Il m'a compris.

- J'ai envie de me droguer, tellement ça fait un mal de chien, je déclare.

Il rit bruyamment :

- J'ai apporté des champignons.

J'hésite :

- Les champignons, ça a un effet hallucinogène, non ? Je n'ai aucune envie de voir des squelettes foncer sur moi.

- Non, ça fait rêver. Tu n'es pas défoncé, tu rêves, dit-il.

Je me méfis. Généralement, je ne fais pas les mêmes rêves que tout le monde. Ça se termine toujours dans des lieux de désolation dont il est difficile de revenir. Je me réveille trempé de sueur, et mourant de soif.

- Alors ? demande-t-il, me sortant de mes pensées.

J'hôche la tête. Pourquoi pas, après tout.

Il va dans la cuisine, branche la bouilloire, et sort des tasses. Il prend ensuite les champignons, les met dans la théière, et verse de l'eau bouillante dessus. Il remue, et remplit les tasses, qu'il dépose sur la table. Ça sent les orties son truc, ça pue.

- Avale tout d'un coup. Plus vite tu bois, plus vite t'es défoncé.

Nous buvons ensemble cette mixture répugnante.

- C'est normal que ma trachée se rétrécisse ? je lâche.

- Ça va passer, répond-il.

Le doute voile sa voix. Je devine qu'il pense la même chose que moi : Je suis un cas spécial, mon corps ne réagit pas normalement, c'était peut-être une erreur. À cause de mon putain de cœur malade.

Soudain, j'éclate de rire, sans aucune raison. Les pupilles de Taehyung sont immenses.

- Oh tes yeux ! dis-je.

- Les tiens aussi sont bizarres ! déclare-t-il.

Nous nous dévisageons si près l'un de l'autre que nos nez se touchent.

- Tu sais quoi ? chuchote-t-il, il y a un tapis dans la cuisine qui contient un monde entier !

- C'est la même chose avec la porte, j'ajoute. Si tu regardes à travers, les choses changent de forme.

Mais il ne m'écoute plus, et commence à danser comme un pingouin.

Je suis en train de rêver.

J'hurle :

- Je ne suis plus malade !

Taehyung revient vers moi, et me gifle en riant. Ça ne me choque pas plus que ça, et il m'entraîne au milieu de la cuisine pour qu'on puisse danser.

Je casse une assiette. Taehyung, trois bols. Une chaise tombe par terre.

La porte claque. On tombe tous les deux, au milieu des débris d'assiette, et de bols. On se retourne.

Une personne inconnue à la chevelure verte nous toise de ses petits yeux.

Taehyung commence à crier comme un gamin :

- Eh toi ! Casse-toi ! T'es pas chez toi ! C'est chez Jimin, ici !

Des étincelles éclairent les yeux de l'inconnu. Il me fait tellement rire, avec sa tête de menthe !

- T'as vu la porte, Taehyung ? Le monde nous observe ! je m'écrie.

Trou noir.

*Quelqu'un me frappe. Je n'ai pas mal. Je ne sens pas la douleur. Je ne sens plus la douleur. J'arrête de vivre. Mon cœur s'arrête.*

J'inspire brusquement, haletant. Je ferme les yeux. Encore un cauchemar. J'entends Yoongi dormir à côté de moi. Attendez... Yoongi est revenu ?

Je remonte le draps sur son corps, et m'éclipse de la chambre, pour aller dans la cuisine..

Je me sers un verre d'eau, et sursaute en entendant mon nom :

- Jimin. Je suis désolé.

Un espace nous sépare, et dans cet espace, il fait noir. Il avance d'un pas. Nous sommes si proches l'un de l'autre que nos souffles s'emmêlent. Se confondent.

- Le pire qui puisse arriver, c'est quoi ? dis-je.

- Que cela fasse mal, répondit-il.

- Ça fait déjà mal.

Il aquiesce sans mot dire.

Le temps paraît s'interrompre, tout s'arrête, et cette minute précise où nous nous regardons, si près l'un de l'autre, cette minute-là, n'appartient qu'à nous.

Il se penche vers moi, une étrange chaleur m'envahit. Je ne sens que la chaleur de son souffle sur ma peau.

Nous nous embrassons légèrement. À peine. Incertains. Seules nos lèvres se touchent.

Nous nous reculons pour nous regarder. Quels mots pourraient remplacer ce regard que nous échangeons ?

Autour de nous, les ombres de la nuit se rassemblent, nous observent.

- Je t'aime, Jimin.

Il me pousse sauvagement contre le mur. Et cette fois, il ne s'agit plus de tendresse. Sa langue explore ma bouche, cherche, trouve la mienne. Ses bras me caressent, me réchauffent. Sa main se pose dans ma nuque. La mienne descend le long de son dos.

Je me presse contre lui, plus près, mais ce n'est jamais assez près. Je voudrais grimper à l'intérieur de lui. Vivre en lui. Être lui. Nous ne sommes plus que désir.

Soudain, je me recule. Ça ne nous ai jamais arrivé.

- Qu'est-ce qu'il nous arrive ? je prononce.

- J'ai envie de toi, je suis amoureux de toi, grogne-t-il.

Mon cœur cogne.

Je me sens absolument vivant.

Souviens-toi /YOONMINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant