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Chapitre 1.

Valéria regardait le paysage défiler. Elle n'avait que cela d'intéressant à faire, coincée dans la calèche avec sa cousine Alicia depuis le matin même. Elle aurait dû être toute excitée, comme toute jeune fille de la noblesse se rendant au château du roi, mais elle ne l'était pas. Alicia, en revanche l'était. Quoi de plus normal quand on sait que l'on va assister au bal du roi où ce dernier, Auguste De Brouet, cherche une épouse. Mais pour Valéria, c'était différent : elle n'avait pas le droit d'y assister, elle s'y rendait seulement pour servir sa cousine.

Devenue orpheline, son oncle l'avait recueillie après le tragique accident de ses parents.

Arthur et Caroline Puybot, comte et comtesse de Laproussie, dont les terres bordaient l'océan Anhe, périrent lors d'un naufrage, six ans de cela, en se rendant à Canéon, laissant leur fille unique, Valéria, âgée de quatorze ans. Le comté fut alors légué à son oncle, Hugues Puybot, qui accueillit dans sa nouvelle demeure sa jeune nièce.

Valéria avait pu apprécier la présence de ses cousins Georges et Alicia. Les deux cousines avaient le même âge et s'entendaient plutôt bien. Quant à Georges, il était scolarisé dans la grande école de chevalerie se situant à la frontière forgilienne et labravienne. Il fut seulement âgé de vingt quatre ans quand il hérita du comté de Laproussie après le décès prématuré de son père. Ce second deuil modifia le statut de Valéria au sein de cette famille.

Au grand désarroi d'Elisabeth Puybot, son mari chérissait leur nièce comme leur propre fille. Le problème pour cette nouvelle comtesse, était que Valéria surpassait en beauté sa fille, ce qui finirait bien par lui causer du tort dans un avenir assez proche.

Au décès de son mari, elle saisissa l'occasion auprès de son fils pour obtenir le droit de tutelle de Valéria. Du jour au lendemain, la jeune fille changea de statut. Dorénavant, elle s'occuperait de sa cousine Alicia en satisfaisant tous ses caprices.

Mais Elisabeth avait pensé à ne pas éveiller les soupçons de son entourage : elle justifiait les absences de Valéria aux anniversaires, à toutes les sorties puis aux bals en prétextant que la pauvre jeune femme souffrait de migraines violentes depuis le décès de ses parents. En échange de son silence, elle avait permis à Valéria de garder les robes et les bijoux de sa mère sous peine de les lui faire confisquer.

Valéria était prisonnière dans sa propre demeure.

Deux ans s'étaient écoulées, Elisabeth pouvait être fière de sa réussite : Valéria qui était d'une beauté fine et délicate, était cachée aux yeux de la bonne société. Sa fille, en revanche, connaissait un fort succès. Et quelle ne fut pas sa surprise quand elle reçut l'invitation du jeune roi de La Bravis au château d'Angéor ! Sa précieuse fille Alicia avait toutes ses chances de devenir reine de La Bravis.

***

Valéria regardait sa cousine qui avait enfin fini par s'endormir. Le trajet était épuisant, non pas par la distance parcourue en voiture depuis la veille, mais plutôt par le bavardage incessant d'Alicia, qui imaginait déjà sa rencontre avec le roi et ses fiançailles avec celui-ci. Heureusement que sa tante avait préféré voyager dans l'autre calèche...

En posant son regard sur Alicia, endormie, Valéria ne pouvait s'empêcher d'émettre le regret de n'avoir pas pu garder sa complicité avec sa cousine. Elle était assez jolie avec ses bouclettes dorées et ses grands yeux bleus mais sa bouche, trop fine, lui donnait un air hautain et austère ; à moins que ce ne soit l'éducation de sa mère qui était à l'origine de cet air pincé. Alicia aurait pu être une personne attachante et sympathique comme autrefois, mais elle ne l'était plus. Cependant, Valéria compatissait : comment développer des qualités altruistes quand votre propre mère vous pousse vers l'orgueil, l'avarice et l'égocentrisme ?

Saga La Nabriguie. La liberté d'aimer. (Terminé )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant