Saga La Nabriguie. La liberté d'aimer. (Terminé )

Chapitre 4

— Alors, Valéria... dites moi, comment se sont passées vos deux premières semaines à nos côtés?

Comme tous les après midi à 16h, les enfants étaient confiés à Marie et Cécile qui s'occupaient du goûter des enfants. Suzanne invitait Valéria et Julie à prendre le thé avec elle, histoire de décompresser et de faire le point sur d'éventuels problèmes rencontrés avec les enfants.

— A vrai dire, madame Elliot, je ne m'attendais pas à un endroit aussi chaleureux. L'image que j'avais d'un orphelinat était plutôt austère : un endroit froid avec des règles strictes à respecter. Ici l'ambiance familiale me plaît.

— En fait, votre vision de l'orphelinat est juste. Seulement, je me refuse de laisser grandir des enfants, des orphelins, sans amour. J'en ai souffert étant jeune, mon frère en est mort. Je me bats aujourd'hui pour changer cette injustice. A mon niveau, la seule chose que je puisse faire est de montrer l'exemple. Malheureusement, par faute de moyens, je ne puis offrir aux enfants de meilleures conditions de vie.

Valéria pensa à l'humidité des pièces, aux parquets défectueux, aux vieux lits rouillés et aux vieilles tapisseries défraîchies.

— Vous avez grandi dans un orphelinat? Je l'ignorais.

— Mon père est mort à la mine. Il nous a laissé ma mère, moi et mon petit frère Peter. J'avais neuf ans quand ma mère est morte et mon petit frère en avait cinq. Nous avons été placés tous les deux dans l'orphelinat de la ville, à Hambrie. Il existe toujours d'ailleurs. C'est ce grand bâtiment en briques attenant au couvent. Mais... J'ai été séparé de mon petit frère. Je ne le voyais pratiquement pas. Quatre ans plus tard, il a été adopté par un couple de mineurs. J'ai été heureuse pour lui, qu'il puisse se retrouver une famille. A l'orphelinat, j'ai subi de mauvais traitements, je...

Suzanne s'arrêta pour sécher ses yeux qui s'embuaient. Elle respira profondément avant de poursuivre.

— Le seul moyen pour moi de me sortir de cet enfer était de travailler dur. J'étais plutôt une bonne élève. A dix huit ans, j'ai commencé à enseigner à l'orphelinat jusqu'à ce que je puisse me trouver un autre travail. Six ans plus tard, mon expérience d'enseignante m'a ouvert les portes au poste de préceptrice chez une famille aristocrate d'Angéor. Me voilà à vingt quatre ans, responsable de l'éducation de deux jumeaux, Patrick et Julien. Mes patrons étaient assez compréhensifs, grâce à eux, j'ai pu retrouver le nom du couple qui a adopté mon petit frère.

Suzanne fit une pause. Elle avala quelques gorgées de thé, les yeux tristes.

— Je me suis rendue à Hambrie. Pendant toutes ces années, mon petit frère ne se trouvait pas si loin de moi finalement. Quand je suis arrivée chez sa famille adoptive, j'ai pu y voir pleins d'enfants couverts de suie. Vous rendez-vous compte? Ces gens faisaient travailler ces enfants à la mine! J'ai insisté pour savoir où se trouvait Peter mais ils ne voulaient rien me dire. C'est une vieille femme vivant à côté qui m'a appris le drame. Huit ans de cela, un accident minier a eu lieu, un drame parmi tant d'autres. Un éboulement avait pris au piège une centaine de mineurs, enfants et adultes, ne laissant aucun survivant. Peter figurait parmi les victimes.

— Je suis désolée, sincèrement...

Valéria ne savait plus quoi dire. Quelle chance elle avait eu d'avoir pu bénéficier de la protection de son oncle et malgré tout, celle de sa tante.

— C'est suite à cette découverte que vous vous êtes dirigée vers la direction de cet orphelinat? La questionna Julie dont les yeux humides  témoignaient de sa compassion.

— Oui.J'étais vraiment en colère. Je ne supportais plus mon travail. Les jumeaux n'y étaient pour rien mais je savais que je voulais apporter mon aide aux enfants qui en avaient vraiment besoin. J'ai démissionné puis j'ai trouvé du travail plus tard, en tant que domestique dans une ferme.