L'illusion de l'espoir

Chapitre 25

Lorsque je rentre à la maison, je trouve Amaury dans le salon, avachi dans le canapé, comme à son habitude. 

« - Holà compañero ! Je ne t'attendais plus ! Il est dix-neuf heures trente, on sort ? Toi et moi seulement, comme avant ? 

- Laisse moi deux minutes pour enfiler un short de plage ! Va prendre le ballon dans le jardin s'il te plaît. 

- C'est comme si c'était fait, grouille-toi. 

Je monte les marches quatre à quatre, retire mon t-shirt et enfile rapidement un des multiples shorts que j'ai. Je sors de ma chambre sans prendre le temps de fermer ma porte, crie à Marco, enfermé dans la sienne, de ne pas m'attendre pour dîner. Quand mon meilleur ami veut sortir à l'heure-là, surtout en tête-à-tête, c'est qu'on va y passer une bonne partie de la nuit. Je prends mon sac à dos au passage dans lequel je mets un sweat "au cas où". Il m'attend déjà à l'entrée, me tenant la porte pour sortir plus vite. On se dirige d'un pas rapide vers le Tiki Tipi. On arrive en moins de dix minutes, ce qui est plutôt un exploit. On s'installe sur le côté du bar, dans le sable, tout en dépliant un immense drap de plage qu'Amaury amène toujours. Le sable est chaud mais pas brûlant, le soleil est tout aussi agréable. On regarde vers le terrain de beach volley, mais il est accaparé par tous les vacanciers ; l'inconvénient de cette ville. Am' a son bandana bleu roi dans les cheveux, le soleil fait ressortir son teint basané et surtout ses tâches de rousseur. Ses cheveux bouclés, ses yeux bruns sont profonds ; si je n'étais pas hétéro, et si ni lui, ni moi n'était en couple, je pense que je lui sauterais dessus. Mais non. Je suis hétéro, et j'ai Mila, et il a mon frère. 

- Comment ça se passe avec Isaac ? Ca fait longtemps qu'on n'en a pas parlé, je lui demande, en regardant les vagues déferler. 

- Tout se passe bien, No'. Juste... C'est compliqué, parfois. 

- Pourquoi ça ? 

- Ton frère est jaloux pour dix ! Je n'ai jamais vu ça. Et comme avant, je sortais avec des filles, bah dès qu'un groupe de belles meufs passent à côté de nous, il va faire la gueule. Même si j'en ai rien à foutre. 

- Aaah, Isaac et sa jalousie, le retour. Au moins, tu sais qu'il est sincère avec ses sentiments pour toi. 

- Certes, mais bon. Si j'avais voulu retourner avec une fille, je pense que je t'aurais piqué Mila avant qu'elle ne me soit prise ! dit-il en pouffant de rire. 

Je lui donne un coup daans les côtes, et il fait semblant de se tordre de douleur tout en rigolant de plus belle, avec moi cette fois-ci. 

- Mila veut se teindre les cheveux. 

- Quoi ? 

- Oui, j'ai vu ça tout à l'heure, avant de rentrer. J'étais chez elle, et elle était partie acheter une coloration. 

- Tu sais ce qu'on dit sur les nouvelles coupes de cheveux, No' ? 

Il me regarde avec un air qui me ferait presque peur. J'ai déjà entendu cette histoire, mais impossible de remettre le doigt dessus. 

- Dis-moi, lui dis-je en soupirant. 

- "Nouvelle coupe, nouvelle vie" ! 

- Avant de quitter sa chambre, je lui ai dit que j'espèrais qu'elle changerait uniquement de couleur de cheveux. J'ai dit ça pour rire, sauf qu'elle n'a pas ri du tout. Au contraire. 

- Nolhan, tu te prends la tête, là. 

- Alors dis-moi pourquoi ça coïncide avec sa rencontre avec les deux nouveaux, là ? 

- Et si elle pensait juste depuis quelques temps à changer de couleur ? Mais que ça ne tombe que maintenant ? Alors oui, ça arrive au "mauvais" moment, mais t'aplatit pas comme ça pour une fille. Même si cette fille, c'est Mila. 

- Comment tu peux dire ça ? 

Vraiment, le ton avec lequel il m'a dit ça, une telle non-chalance, ça ne devrait pas être possible. J'admire son calme, mais je ne peux m'empêcher de le lui demander : 

- Pourquoi tu dis ça comme si c'était normal d'éventuellement se faire briser le coeur ? 

- Parce que tu as devant toi Amaury Vasquez, le numéro un de la Drague et de la Relation de Courte Durée, aussi appelé la technique DRCD. Je suis un tombeur né, frangin, et ça, ça ne changera pas ! 

- Ah ah, on ne change pas une équipe qui gagne ! 

- Ce que je veux dire, c'est que si toi et Mila ça venait à se finir, c'est pas la fin du monde. Tu sais séduire, tu redeviendras le Dom Juan que tu étais quand tu l'as rencontrée et c'est tout. Je pense sincèrement que vous avez déjà eu assez de problèmes comme ça, pour ne pas vous relevez, l'un comme l'autre, si votre relation s'achevait. Vous êtes bien entourés, et même, je sais que vous resteriez de bons amis. 

Le regard presque sexuel qu'il me lance sur la fin de sa phrase me fait m'étouffer de rire. 

- Je ne sais vraiment pas s'il y aurait toujours ça, Amaury. Tu ne penses donc qu'à ça ? 

- Non. Mais je vous connais, tous les deux. 

Il me regarde en tapant la pose mannequin sur la serviette, et vraiment, je comprends que ces moments seul à seul nous avaient manqués à lui comme à moi depuis bientôt un an. 

- Eh, Bouleau, arrête de rêver et lève ton cul. Le terrain est libre.»

Je le regarde s'éloigner en courant vers le terrain, tandis que je me relève aussi vite qu'une clé à molette. 

Et s'il avait raison ?