Chapitre 30

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On est lundi, papa nous conduit au lycée. Cette année, la dernière. Les examens, le stress, les soirées, la majorité, et tant d'autres choses qui font de cette année la "meilleure de toute notre scolarité". C'est ce que papa et Cyrielle disent, en tout cas. Je regarde par la vitre de la voiture, serre les dents. Mila est assise à l'arrière avec Isaac, mais personne ne parle. Papa se concentre sur la route qui s'étale sous ses yeux, en prêtant attention à la circulation dense à cette heure-ci. Les allées, les casiers, le parking, les profs et tant d'autres choses que nous sommes sur le point de retrouver, et qui ne m'avaient guère manqué. La radio diffuse les morceaux de l'été en boucle, et honnêtement, plusieurs d'entre eux me donnent envie de me taper la tête contre un mur. Je serre les poings sans m'en rendre compte, jusqu'à ce que mes phalanges se mettent à craquer les unes après les autres. Papa me jette un regard en coin, quant à Isaac, il me fait son éternel "tchiiiip" qu'il fait à n'importe qui dans les cas-là. N'entendant rien venir de la jolie blonde assise à l'arrière, je laisse la tentation de la regarder dans le rétroviseur prendre le dessus.  A peine ai-je detourné le regard vers celui-ci que je capte son regard. Aujourd'hui, ses yeux sont verts. Mais pas le vert pétillant, non. Le vert tempétueux, qui annonce - de très loin - qu'elle est énervée. 

Amaury nous attend devant l'entrée principale du lycée, avec Camélia et Emily. Nous les saluons tous les trois dès que l'on arrive devant eux, mais Camélia s'empresse de partir. Il va vraiment falloir que je discute avec elle, elle a toujours en travers ce que j'ai dit sur son "petit copain" cet été. Sans aucune surprise, nous sommes tous dans la même classe. Isaac et Amaury se retiennent de s'embrasser devant nous, comme une sorte de soutient à notre moral. Emily est un véritable moulin à parole, et comme si de rien n'était, elle agrippe mon bras comme l'année dernière. On voit que Marco n'est plus dans les parages, et s'il voyait ça, il m'aurait déjà envoyé son poing dans le ventre quelques minutes plus tôt. Soudain, face à nous, les voilà : Adriel et Ivána. Lui, toujours en chemise à motifs extravagants, un bermuda de couleur vive, et des chaussures que seul lui peut porter. Elle, une robe à carreaux, qu'elle porte large mais qui, je le reconnaît, lui va très bien. Instantanément, je sens le regard de Mila poindre sur moi, et je ne me trompe pas. Alors pour la chercher, je lance un petit signe de la main à son ennemie jurée, qui me répond par un large sourire. Ce à quoi je m'attendais beaucoup moins, c'est que Mila avait elle aussi une idée derrière la tête : elle va vers Adriel, nous plantant tous là, ses amis, pour aller lui faire une bise bien trop longue, tandis qu'il l'a prend légèrement par la taille. La nouvelle doit comprendre que tout ce qui se joue sous son nez n'est qu'une scène débile et enfantine. Mais elle se prend au jeu, et sans que je m'y attende, encore une fois, elle m'embrasse à pleine bouche. Et je lui rends son baiser. Mila me fusille du regard. La guerre est déclarée. Cette journée va être très longue. 

Pour le retour, nous devons prendre le bus, les parents ayant des rendez-vous sans fin pour le travail. Je prends un siège vers le fond, et plonge mes écouteurs dans mes oreilles en montant le volume de ma musique. Je vois Mila prendre place plus vers l'avant, et Isaac prend la place à côté d'elle. Je sais ce qu'Isaac essaie de faire. Et juste pour ça, je lui souhaite bien du courage. 


Isaac 

« - Mila. 

Elle me regarde, mais ne me répond pas pour autant. 

- Il se passe quoi là ? je lui demande, la patience à bout de bras.

- C'est à moi que tu demandes ça ? 

Elle s'énèrve sans que je ne comprenne pourquoi. 

- Ca fait plus d'une semaine que tu ne lui as pas adressé la parole, arrête voir ! Amaury m'a confirmé qu'il ne s'était rien passé à la plage, et que ta chère "amie" t'avait dit la vérité. Mais tu t'es emballée, tu n'as même pas cherché à comprendre ne serait-ce qu'une seconde. Nolhan a voulu t'expliquer, tu ne lui as pas laissé sa chance. Ce qu'il s'est passé ce matin ? C'est de ta faute Mila, et uniquement de la tienne. Il lui a fait un signe de la main, tu as filé dans les bras de l'autre. 

- Il l'a embrassée ! 

- La faute à qui ? 

- Tu ne me feras pas gober qu'il n'a pas apprécié. 

- S'il faut qu'il en arrive là pour que tu lui reportes un minimum d'attention, aussi... 

Elle se renfrogne, et là, elle m'agace énormément. 

- Mila tu me gonfles. 

- Pardon ?! s'indigne-t-elle. 

- Ce que Nolhan veut, c'est parler avec toi. Et tu n'es pas foutue de lui accorder ça, alors que c'est plutôt lui qui devrait tirer la gueule. Démerde-toi toute seule, maintenant. 

- Isaac...»

Je reprends mon sac de cours en main, puis vais m'asseoir plus loin. Je croise les yeux de mon jumeau, et je comprends qu'il m'a vu essayer d'arranger la situation. Son regard baisse moins d'une minute puis remonte, et mon téléphone vibre ; je le sors de ma poche sans lâcher mon frère des yeux, qui a relevé la tête à l'instant. je baisse les yeux vers l'écran. 

Nolhan : Merci quand même


L'illusion de l'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant