Rester dans le paradis, et y devenir démon ! rentrer dans l'enfer, et y devenir ange !
Victor Hugo, Les Misérables
~ 15 avril 2020 ~
Je regarde Thomas et nous courons vers l'immeuble, maintenant les cris des habitants sont omniprésents. Tout le monde se bouscule et plus personne ne pense aux autres, chacun essaie de sauver sa vie.
J'entends les bottes cirées claquer contre le sol, des personnes portent leurs affaires et fuient. Une seule pensée a envahi l'esprit de ses habitants : fuir la ville pour pouvoir vivre. L'ensemble des habitants s'éloigne à l'opposé de l'immeuble, les enfants pleurent, tirés par leurs parents, même les animaux détalent loin de l'immeuble.
Thomas me prend par la main et accélère sa course, quelques femmes nous conseillent ne faire demi-tour et fuir comme toute la ville mais nous continuons, Sevastian, Kimmy, Clémence et Ethan sont toujours en dessous et ils n'entendront pas.
Nous entrons dans le hall de l'immeuble, des hommes en uniforme apparaissent soudain devant nous. Les russes nous entourent et nous visent avec leurs armes, Thomas ôte doucement un revolver de son sac et me le donne, je l'observe les mains tremblantes. Thomas tire sur le soldat devant nous. Les soldats tirent aussi, les échos des balles ricochent. Thomas m'entraîne dans une pièce dont la porte est restée ouverte. Le sol est entièrement rouge de sang qui poisse, les semelles de nos chaussures laissent des empreintes rougeâtres. L'appartement n'est pas encore vide, une femme emballe ses affaires, elle s'arrête en nous voyant entrer, elle nous fixe sans rien dire, tandis que nous bloquons la porte. Elle est aussi terrifiée qu'un enfant, elle tremble comme une feuille et ses yeux ressortent sur son visage. Les russes tapent contre la porte, je ne sais pas si elle va tenir encore longtemps. Je regarde la fenêtre, elle donne sur la rue, des soldats nous attendent également de l'autre côté, ils doivent savoir qui je suis et ont pour ordre de me capturer pour me ramener à Semyon. Je vise la porte sans trop savoir pourquoi, mon doigt tremble sur la gachette. Et le coup part. Il traverse la porte, en même temps que le cri qui s'échappe de ma gorge. Un hurlement étouffé par le bois de la porte me répond et je laisse mes larmes couler sur mes joues. Les coups continuent d'être tambourinés contre la porte, rien ne les fera reculer aussi facilement. Je me recule pour embrasser la salle du regard, un miroir est accroché contre le mur, je tape dedans avec la crosse du revolver et prends un morceau, je me coupe à la main en le serrant trop fort. Thomas ouvre la porte et tire dans le tas, un des soldats s'approche en évitant les balles, il me saute dessus et essaie de m'arracher le morceau. Je sens soudainement du chaud sur ma main, je retiens un haut le cœur quand je vois le regard vitreux du soldat et son cou d'où en sort le morceau de miroir. Le morceau est taché de sang, il reflète mon visage, je ne me reconnais pas, j'ai tué un homme. Je lui ai arraché sa vie. Je n'en ai pas le droit.
Je secoue la tête, l'odeur de poudre et de sang rempli l'espace et me donne la nausée. De plus en plus de soldats entrent dans la salle, je suis impuissante. Thomas renverse une table et m'entraîne derrière. Les balles s'incrustent dans le bois, des copeaux tombent sur nos têtes, j'entends les soldats approcher. Thomas me prend la main et me fixe. Je tremble de la tête aux pieds, j'ai peur pour tout le monde.
Les soldats fracassent la table, une main m'empoigne par le bras et me tire hors de la salle. Je vois Thomas se défendre et recevoir un coup qui l'assomme. Je hurle et je donne des coups de pied, mais rien ne les arrête, ils me traînent dans une voiture et je parviens à voir Thomas être emporté dans un autre véhicule avant qu'ils ne ferment la porte. Ils me bâillonnent et me bandent les yeux, ils me jettent dans le coffre, j'entends des rires et les roues soubresauter.
Je ferme les yeux et essaie de me changer les idées mais mon esprit se dirige perpétuellement vers le visage de cet homme. L'homme que j'ai tué.
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Récit de Guerre. Descente aux Enfers
RomanceVie de rêve. Famille aimante. Amis en or. Explosions. Guerre. Mort. Souffrance. On m'a arraché ma vie pour la transformer en une guerre perpétuelle. Qui aurait voulu ça ? Même pour éviter à la monotonie ? Personne. Pourtant c'est ce qu'il m'est arri...