Récit de Guerre. Descente aux Enfers

Chapitre 19

Au-delà du silence, il y a la solitude, entre l'abandon et la trahison.

Henry de Montherlant, Notes de théâtre

~ 16 septembre 2020 ~

Ça fait quelque temps que nous avançons vers Thomas, d'après Sevastian nous avons fait la moitié du chemin.

En ce moment nous nous faisons une pause dans la forêt, nous avons marché pendant quatre jours sans nous arrêter.

Sevastian est adossé contre un arbre et je suis contre lui dans ses bras.

- Tu crois qu'on va le revoir ?

- Oui j'en suis sûr, il me rassure.

- J'ai peur pour lui.

- Je sais.

Il me sert contre lui, j'ai besoin de ce réconfort. Mes paupières se ferment toutes seules.

- Ne penses plus à ça et dors un peu.

Je m'endors rapidement dans ses bras. Mais mes pensées restent avec Thomas.

∆

Je me retourne, j'ai l'impression que mes mouvements sont au ralenti. L'ange réagit bien plus vite que moi et il fait claquer une nouvelle fois ses ailes entre elles, ce qui éloigne les âmes pour l'instant. Certaines d'entre elles sont même bloquées sur le sol. L'ange dévisage ces âmes posées puis il sourit en me regardant. Je ne comprends pas.

Une fumée noire s'évapore des âmes au sol, j'ai compris ! Elles ont trouvé le repos en ayant rejoint la terre ferme.

Je cherche du regard mon frère, au milieu de tous ces soldats en paix. Une silhouette humaine s'élève au milieu des autres, je reconnais immédiatement Sevastian et je cours pour lui sauter dans les bras. Je le sers contre moi, je ne pensais jamais le retrouver. Mon cœur explose de joie.

Dans ce moment de bonheur intense, je reconnais le fantôme de Thomas dans le ciel, en train de me regarder avec dédain. Mon cœur cette fois explose de tristesse, je ne peux pas contenir toute cette peine qui émerge de moi.

Un sourire cruel se dessine sur ses lèvres en voyant ma peine, ses monstres ne connaissent que la mort et la douleur des êtres chers. Mes larmes commencent à couler, mais je m'efforce de les contenir, le moindre signe de faiblesse et ils l'exploitent jusqu'à notre propre mort.

L'ange noir ne fait aucun mouvement, il nous observe d'un œil presque critique. Comme si nous pouvions faire quelque chose pour les créatures encore dans le ciel blanc laiteux.

La manœuvre serait bien plus simple si l'ange avait la parole, mais comme il ne l'a pas nous devons comprendre son message par nous-même.

Sevastian me regarde fixement, je n'ai pas l'impression de l'avoir réellement en face de moi, comme s'il était un reflet du véritable Sevastian Nikolaï coincé dans le vrai monde, dans mon monde.

Mes mots parviennent à sortir de ma bouche, alors que je n'y arrivais pas tout à l'heure.

- Tu es réel ?

- Autant que le sol sur lequel tu marches, il répond énigmatiquement.

Un éclair noir éclate soudain dans ma tête et me force à fermer les yeux, une impression de vertige s'empare brusquement de moi, la sensation de chute libre. Je ne veux pas ouvrir les yeux de peur que tout cela ne soit pas réel, juste le fruit de mon imagination.

~ 17 septembre 2020 ~

Nous sommes repartis pendant la nuit, aucun de nous deux ne parle depuis que nous sommes partis.