Le cauchemar

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Une fois de plus je suis dans cette cabine à l'odeur nauséabonde et aux murs sales et tagués. Je suis assis sur les toilettes dont la lunette est abaissée. La musique résonne et fait trembler les murs. J'imagine sans peine le vacarme que ce soit être dans la pièce principale. Ici, au moins, elle est un peu étouffée.

J'entends des rires et des brides de conversation quand la porte s'ouvre. L'eau des robinets qui coulent. Les chasses qui se tirent. Je sens les relents d'alcool, de tabac, de parfum et de sexe qui m'entourent. J'ai entendu les discussions privées qui se livrent ici avant que les protagonistes ne retournent à leur bain de foule. J'ai assisté aux déclarations enflammées de personnes qui, indéniablement, ne se calculeront plus une fois la nuit passée. Je n'ai pas quitté la cabine depuis longtemps.

Mes yeux sont à sec et me brûlent. Je suis déshydraté. Je n'ose plus bouger. J'ai vomi tout ce que j'avais pu ingurgité jusque-là. Mon estomac se tord un peu, de temps en temps, mais il a fini par s'avouer vaincu. Il sait qu'il ne sera pas nourri ce soir. L'alcool est redescendu plus vite que ce qu'il était monté. Je suis sobre. Et seul.

Plusieurs fois, on a cogné contre le battant, mais je n'avais pas la force de répondre. Ma gorge aussi, me brûle. De toute façon, cela fait si longtemps que je suis là, que plus personne ne cherche à toquer. La rumeur s'est propagée.

- Ces toilettes-là sont fermées.

- Fais chier. T'as vu la queue là ... Vas-y tant pis.

Des gens font demi-tour. D'autres ne se posent pas de question, et urinent directement dans les lavabos. Les toilettes des bars sont sans doute les endroits les plus sales qui puissent exister. Mais je m'en fiche, sur le moment. Je ne pense pas à tout ça, aux fringues gâchées que je porte et que je devrai jeter. Je n'ai plus l'impression d'être réellement vivant.

Je relis son texto, en boucle et en boucle. Mais je n'ai plus rien pour pleurer. Je n'ai plus la force de cogner contre le mur. Mes bras sont épuisés, les jointures de mes doigts sont en sang. Personne n'a fait attention à ma disparition. Chacun s'occupe de sa petite personne.

Les bruits se dissipent, il n'y a plus personne qui fait la queue. Quelqu'un entre dans la cabine adjacente à la mienne. Je me dis que c'est le moment de partir. Alors j'ouvre le loquet. Je pensais être seul dans les toilettes. Je veux me laver les mains, mais je repense à ce que j'ai entendu. Je me dis que je le ferai chez moi. Ce sera la première chose à faire.

Je pousse le battant pour rejoindre le bar ...

Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant