Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)

CHAPITRE DOUZE

PDV ALASTAIR.

L'attente est infernale. Depuis que j'ai surpris cette conversation je suis planté derrière le volant de ma voiture. Mon téléphone a perdu un grand pourcentage de sa batterie et se recharge sur l'allume-cigare. Je me languis de sa réponse. Rex n'a plus donné signe de vie depuis qu'il s'est enfui du campus. Je n'ai pas réussi à le rattraper et je n'ai rien obtenu de sa part malgré ma centaine de messages. J'ai fini par arrêter d'en envoyer. Je sais qu'il les a reçus et sans doute même qu'il a jeté un œil. Il n'est simplement pas prêt à affronter quoi que ce soit.

Le problème c'est que lorsqu'il est mal, je souffre autant que lui. C'est presque indécent d'être ainsi. Moi qui n'avais jamais éprouvé de sentiments amoureux je suis désormais servi. Rex a pris une place trop importante dans ma vie pour que je puisse rester paisiblement installé sur une chaise de cours pendant qu'il est au plus bas.

Je n'ai aucun mal à imaginer ce qu'il peut traverser actuellement. Enfin non. Il m'est impossible de ressentir la même chose que lui, mais je peux en revanche avoir une petite idée de l'état dans lequel il se trouve. De plus, si j'ai entendu un bout de leur conversation, je ne suis pas le seul. Les autres élèves qui attendaient pour entrer ne parlaient plus, chacun se concentrant sur ces brides de phrases que l'on percevait. L'histoire va être détournée, déformée, et Rex va en subir les conséquences.

Il n'est pas difficile de prévoir ce qu'il va se passer. Le mot va être répété et tout le monde va le regarder en le pointant du doigt. Il est fort mentalement, cela ne fait aucun doute, mais je sais aussi qu'une certaine sensibilité se cache sous le masque de froideur qu'il tente de conserver lorsqu'il n'est pas dans une sphère privée. En aucun cas il n'a de mauvaise réputation. Il n'est pas le garçon au cœur de chaque rumeur, il ne fait pas de vague. Nous sommes trop nombreux pour que les histoires prennent autant d'ampleur que dans un collège, par exemple. Cependant, Cambridge reste une ville étudiante. Les colocations se trouvent dans les mêmes quartiers, la tournée des bars est identique de semaine en semaine. En soirée ou dans les rues, ce sont les mêmes visages que l'on croise, et un murmure se propage vite. En règle générale, ils sont vite oubliés lorsqu'on ne connaît pas la personne ... Est-ce le cas de Rex ? Absolument pas. Les fêtards savent parfaitement l'identifier. « Le garçon qui se bat tout le temps avec plein de tatouages ». Cette description est assez erronée. Voilà bien longtemps que je ne l'ai pas vu se battre en pleine rue ... Exception faite de Cole, bien sûr.

Ce dernier n'est pas encore revenu à la maison. Il n'a répondu à aucun message sur notre groupe de discussion, il m'a bloqué sur les réseaux sociaux, et personne ne l'a vu depuis. J'attends la confrontation, pour ma part. Il était bourré la nuit dernière - ce qui n'excuse aucune de ses paroles - mais en parler à tête reposée est essentiel. On ne peut pas rester comme ça, dans l'attente qu'il change et que sa pensée évolue. Sa présence altère la bonne ambiance de la maison et nous avons quelques personnes intéressées pour prendre sa place si jamais il décidait de s'en aller. C'est le mieux à faire, peu importe la façon dont on tourne les choses. Plus rien ne sera jamais comme avant. Il a franchi trop de limites, il s'est mis trop de personnes à dos. J'ai souvent affirmé ne pas être rancunier. Depuis un certain temps maintenant, je n'en suis plus aussi certain.

« Je suis à l'appartement. »

La vibration de mon téléphone me fait sursauter et le message de Rex augmente ma fréquence cardiaque. Je démarre avant même d'avoir attaché ma ceinture de sécurité. Pourtant, si je me dépêche sur la route, une fois sur son palier j'attends bêtement. Je n'ose pas toquer. Je connais le code pour l'interphone de l'entrée et je n'ai pas eu besoin de sonner. Pour autant, maintenant que je suis devant sa porte, j'hésite. J'ai peur de l'état dans lequel je vais le trouver. J'appréhende ce qu'il va me dire - ou garder sous silence -. Et plus encore, je suis effrayé à l'idée qu'il perde à nouveau ce sourire qui commençait à naître.