Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)

CHAPITRE VINGT-SIX

PDV ALASTAIR.

L'arrivée de Elsie me permet de prendre le large, de quitter cet appartement où règne une atmosphère tendue et étouffante. Assis dans ma voiture, je réfléchis à ce que je veux faire. Je n'ai pas spécialement envie de retourner à la maison. Mes colocataires savent que Rex a été hospitalisé. Asra me demande de ses nouvelles tous les soirs. Cependant, avec tout ce que j'ai encaissé depuis ces derniers jours, j'ai besoin de garder un certain recul. Ou peut-être, au contraire, que j'ai besoin de plonger à nouveau la tête à l'intérieur de ce fouillis.

Comme poussé par un esprit invisible, je roule jusqu'à la maison de Abby. Les lumières projettent leurs ombres dans la rue. Sa voiture est garée dans la rampe. Il me faut un moment avant de sortir de la voiture, de trouver le courage d'appuyer sur la sonnette. C'est Sarah qui vient m'ouvrir. Classique. A chaque fois que je suis venu, personne d'autre qu'elle n'est venue nous accueillir. Un peu comme si son rôle au sein de cette colocation était d'accueillir les invités. Toujours avec son petit accent français, elle me fait la conversation quelques minutes avant de me laisser filer dans les escaliers. La porte d'Abby est déjà ouverte. Elle m'attend, assise sur son bureau.

Je m'installe sur la chaise, le visage bas et les doigts tirant les uns sur les autres. Je suis mal à l'aise à l'idée de parler avec elle de tout ce qui vient de chambouler ma vie. Pourtant, je ne vois personne d'aussi bien placé qu'elle pour cela. Après tout, elle connaît Rex et ses moindres secrets. Abby ne parle pas. Elle se contente de me fixer, attendant que je lâche la bombe en premier. Cependant, je n'ai aucune idée de la façon dont je dois procéder. Comment lui dire tout ce que Rex m'a confié, tout ce que cela provoque en moi ?

Dans le même temps, je me sens terriblement honteux d'être ici. Je m'apprête à discuter de mon petit-ami dans son dos. Je vais révéler ses secrets, quand bien même la personne face à moi sache déjà tout ça. L'angoisse me saisit, je me sens vulnérable.

- Je suis une balance si je viens t'en parler ? je demande subitement.

- Dans la mesure où je sais déjà tout ça ... je crois pas. Franchement, Alastair, t'as déjà suffisamment de poids sur tes épaules. T'as pas besoin de t'en rajouter en te demandant si c'est légitime d'en parler ou pas.

- C'est son histoire, pas la mienne. J'aimerais pas lui dire d'un truc pour qu'il en parle avec tout le monde après.

- En l'occurrence, je ne suis pas tout le monde. Puis, tu ne fais rien de mal. On a forcément besoin de parler à quelqu'un à un moment ou un autre. Surtout quand on s'embarque dans quelque chose avec Rex.

- Pourquoi tu dis ça ?

- C'est évident, non ? Rex n'est pas un gars comme les autres. Il a une sensibilité qui lui est propre, bien plus accrue, et il est capable de se retourner le cerveau pour ne pas garder le statut de victime. Tu l'as vu toi-même, il se sent coupable dès qu'il lui arrive quelque chose.

Abby n'a pas tort. Il m'a dit très clairement qu'il ne voulait pas que je le considère comme une victime, quand bien même c'est ce qu'il est. Il ne veut pas de justice pour ce crime impuni, il préfère rester dans l'ombre et ne pas connaître ses agresseurs. Je lui ai promis de ne pas essayer de le faire changer d'avis, de ne pas chercher à trouver les véritables criminels. J'ai du mal avec cette idée, mais une promesse est une promesse, et je ne reviendrai pas là-dessus. Il souffre suffisamment pour que j'en rajoute.

- Tu estimes que sa peine est plus légitime que la tienne ? coupe Abby en déviant la conversation.

- J'ai rien vécu de tel.

- Et donc pour ça, tu n'as pas le droit de souffrir ?

- C'est pas ce que je dis ...

- Mais c'est ce que tu dégages. Tu refuses d'évacuer ce que tu ressens en l'enfermant tout au fond de toi pour que Rex reste au centre de l'attention.