Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)

La nuit du 27 mars 2018

Alastair,

Excuse-moi par avance du ton formel de cette lettre. Je ne suis pas vraiment doué avec les mots. Je ne suis pas certain d'être vraiment doué dans quelque chose, en vérité. Je suis le roi pour gâcher les choses, ça oui. J'ai trop honte pour te faire face. Je ne peux pas te regarder dans les yeux en te racontant ce que j'ai vécu, ni même t'offrir des excuses en bonne et due forme. Tu as le droit de m'en vouloir pour la scène sur le toit. Une fois de plus, j'ai merdé.

Je dois t'expliquer des choses. Je ne t'ai jamais parlé de mon passé autrement que pour des anecdotes inutiles. Les véritables étapes qui ont fait de moi de ce mec instable et lunatique sont restées sous silence trop longtemps. Je t'en ai voulu de m'avoir abandonné cette nuit. Ou plutôt hier. Je suis un peu perdu sur le temps. Devant ce bar, sous l'effet de l'alcool, tu as voulu me faire entrer de force et je me suis enfui. Tu n'as pas cherché à me rattraper. Je sais que tu t'en veux de ne pas avoir réagi plus tôt. Tu as perdu le contrôle à cause des verres que tu avais avalé. Même si ce n'est pas une excuse, j'ai ma part de responsabilités. Je ne t'ai rien expliqué lorsque tu m'as retrouvé. Je n'ai su te dire pourquoi je souffrais.

Il est plus facile de sombrer que d'essayer de se relever. Je n'ai qu'à me laisser couler au lieu de m'accrocher. Je suis un lâche, Alastair. J'ai préféré me laisser dévorer par les cauchemars et par les souvenirs plutôt que de te mettre dans la confidence. A toi, plus que quiconque, j'ai peur de parler. Je me suis attaché à toi d'une façon que je ne pensais plus possible. J'ai tenté de résister aux sentiments qui m'étouffaient, pensant d'abord que je t'en voulais pour ce que tu n'as pas fait. Puis j'ai compris que je tirais sur la mauvaise personne. Tu n'étais pas responsable de mon malheur, même si je trouvais ça plus facile de rejeter la faute sur toi.

En novembre 2017 a eu lieu ce fameux exposé. Cette blague de merde, ce rire, ce semblant de complicité. Nous n'avons plus échangé après ça. Il n'est pas l'heure de savoir pourquoi aucun de nous a tenté de garder le contact. Je suppose qu'on avait tous les deux mieux à faire. Peut-être que j'ai commencé à me voiler la face à ce moment-là. Pour avoir pu t'en vouloir à ce point, pour t'avoir repéré cette nuit-là, c'est bien que mon inconscient s'accrochait déjà à toi.

Le 27 mars 2018 signait la véritable descente aux enfers pour moi. Le début d'un cauchemar duquel je ne me suis toujours pas réveillé. Crois-moi, je ne pense pas en sortir un jour. Quelque part, peut-être, j'aime cette souffrance qui vit en moi. Je l'ai apprivoisé depuis le temps bien qu'elle reste encore parfaitement étrangère. Mais elle est là, dans les mauvais moments comme dans les meilleurs, me rappelant à elle. Elle n'oublie jamais de gâcher les belles choses en se signalant. Je suis l'âtre qui permet à son foyer de ne jamais s'éteindre.

Tu as déjà été le témoin de trop de mes excès et si tu connais la partie Aedan de mon passé, il n'est rien en comparaison à tout le reste. Ma vie d'escort n'est qu'une parenthèse, un moyen pour moi de côtoyer un monde différent. Je me moquais de l'argent. Tout ce que je recherchais, c'était de l'attention et, inconsciemment, du mal. Je m'attachais à chacun de mes clients qu'importe leurs lubies. Il n'y a qu'avec Aedan que j'ai franchi le pas. Mais après ça, j'ai compris que j'étais réellement différent. J'avais des goûts tangents, prononcés pour le risque et la douleur. A défaut de pouvoir la ressentir physiquement, j'ai l'impression de l'avoir recherché intérieurement. Je me suis brisé par ma seule volonté. Je suis l'unique responsable de ce que j'ai vécu.

Après avoir mis fin à cette période, j'ai enchainé les histoires sans lendemain. J'ai navigué d'un milieu à un autre, recherchant l'expérience pour mieux plaire à Aedan. Ou plutôt, pour lui prouver quelque chose. Quoi ? Je ne le sais toujours pas. J'ai malgré tout touché du doigt certains univers dont j'aurais préféré ne rien savoir.