CHAPITRE SEPT

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PDV ALASTAIR.

Lorsque ses yeux sont secs, Rex appose ses lèvres sur ma joue et s'enferme dans la salle de bain. Je ne tarde pas en entendre l'eau de la douche couler. La pression retombe doucement alors que nous n'avons encore échangé aucun mot. Je m'étire en me laissant totalement absorber par le matelas avant de me redresser et de jeter un œil à la pièce. Rien n'a véritablement changé. Mon post-it est toujours là et il a même ajouté de l'adhésif tout autour pour être certain qu'il ne tombera pas.

Le placard entrouvert révèle un ordre olympien, ce qui n'est pas le cas sur le bureau. Cela ressemble davantage au désordre des enfers, en comparaison. Il y a des crayons et des stylos étalés sur toute la table, des boulettes de papier, ainsi qu'un bloc de feuilles toutes griffonnées. En m'y penchant de plus près je distingue des formes spécifiques. Ce ne sont pas des gribouillages mais de véritables dessins.

Rex n'a jamais dessiné en ma présence. Je ne doute pas qu'il continue à le faire, mais ça m'étonne qu'il n'ait pas rangé ses œuvres avant de m'ouvrir. Je ne sais pas exactement pourquoi il ne veut pas que je voie toute l'étendue de son talent. Il m'a répliqué un jour qu'il faisait toujours des « trucs moches » et qu'il serait d'accord de me montrer que les dessins aboutis. Cependant, je sais que ce n'est pas vrai. Il n'y a qu'à voir certains de ses tatouages.

Alors qu'il est encore sous la douche, la curiosité l'emporte et je me décide à jeter un œil au contenu de ces illustrations. Tout est en nuance de noir, dans un style particulier et pourtant ... absolument dingue et indescriptible. Ce ne sont pas des dessins à proprement parlé, car il n'y a aucun trait fixe. Les personnes sur ces feuilles sont comme des ombres ou des vapeurs. D'autres semblent sortir d'eaux sombres et profondes, errant dans l'inconnu.

Je me sens étranger face à ces personnages de papier. Seraient-ils la projection des pensées de Rex ? Une simple façon de se libérer de ses démons ? Une déconcertante sensation m'envahie et je décide alors de retourner sagement sur le lit. Ces dessins n'ont rien à voir avec les tatouages sur son corps. Ce n'est pas le même style et pourtant il ne fait aucun doute que cela vient bien de Rex. Je ressens une sorte de sombre angoisse m'emprisonner le corps et l'esprit.

Dans les films adulés par le public adolescent, les filles tombent toujours amoureuses des garçons ténébreux. Tout se finit toujours bien, évidemment, et le fameux bad boy devient un charmant compagnon de route. Si seulement tout ceci pouvait n'avoir ne serait-ce qu'un minimum de vérité. Je ne dis pas bien sûr que je me retrouve dans ce schéma. Pour autant, il est inévitable d'associer Rex à l'un de ces garçons. Il porte sur lui la marque de la douleur.

Je ne prétends pas pouvoir le faire changer. En revanche, je veux faire tout mon possible pour qu'il rayonne à nouveau. J'y croyais, cet été, en l'écoutant chantonner au téléphone, en le voyant sur les photos qu'il m'envoyait. Cette bulle de semblant bonheur a fini par exploser. Nous revoilà dans la grisaille propre à notre histoire. Malgré tout, je ne lâcherai rien. Un jour, il sourira de ce même air insouciant et léger que dans mon souvenir.

Lorsqu'il revient dans la chambre, j'ai du mal à cacher mon malaise et le fait que j'ai vu ses dessins. J'aimerais lui poser des questions, savoir ce qu'ils représentent. Est-ce lui sur chaque feuille ? Se sent-il autant en détresse que les traits de crayon le laissent apparaitre ? Je sais que je n'aurais aucune réponse, alors à quoi bon remuer le couteau dans la plaie ?

Certains me diront que Rex est une personne toxique. Qu'il est violent, manipulateur, menteur. Qu'il me fait sombrer et qu'il me fait du mal. Qu'il n'est pas quelqu'un de bien, que je devrais m'enfuir à toutes jambes. Je répondrai à tous ceux-là qu'ils ne savent pas qui est Rex. Ils ne connaissent pas son rire envoutant et ses caresses délicieuses. Ils n'ont pas senti son parfum dans la brise, ils n'ont pas effleuré ses lèvres douces. Jamais ils n'ont débattu avec lui. Ils ne savent pas à quel point je peux l'écouter parler pendant des heures sans le lasser. Ils n'apprécient pas la beauté de sa pensée, l'ouverture de son esprit. Et par-dessus tout, ils n'ont jamais pris le temps de gratter sous la surface, d'apercevoir le soleil brûlant qui brille là-dessous. Rex est une étoile sur le point de s'éteindre aux yeux du monde mais elle est l'astre principal de mon univers.

Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant