Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)

CHAPITRE TREIZE

PDV ALASTAIR.

La semaine a filé comme une lettre à la poste. C'est une expression un peu veillotte, mais toujours mieux que de dire qu'elle a glissé comme ma bite dans ta chatte. Rex et moi avons décidé de boycotter ensemble le cours de ce con d'Aedan. Heureusement que Merrill suit cette matière pour nous envoyer les notes parce que sinon on serait drôlement dans la merde. C'est vraiment dommage qu'ils aient accordé le poste à ce type, parce que c'est mine de rien intéressant, ce qu'il aborde. Tout comme son approche pédagogique, mais hors de question de cautionner ce qu'il a fait en assistant à ses classes.

Rex n'est pas allé à l'université de toute la semaine, sauf pour les jours de clinique obligatoires. Et encore, ces jours-là, il ne s'est pas montré aussi dynamique qu'à l'ordinaire. Lui qui a toujours des propositions et des réponses à apporter, il est resté en retrait et silencieux. Lundi nous avons dormi ensemble mais ça été la seule nuit que l'on a passé tous les deux. Il a besoin de faire le point et de se retrouver en tête-à-tête avec lui-même. Ce qu'il s'est passé a été très éprouvant. Ressortir le passé, quand on sait à quel point Rex l'enfouit, est une expérience épineuse de laquelle on ne sort pas sans égratignure.

Je crois que je vais finir par me reconvertir en poète. Je n'arrête pas de faire des métaphores ou des phrases pleines de liaisons entre les mots. Je n'y avais jamais pensé avant, en tout cas pas avant que je commence à comparer Rex au soleil. J'abuse un peu avec ça, mais il m'a dit que ça lui plaisait et que je pouvais continuer. Autant vous dire que je ne vais pas m'en priver.

- Ala ?

Enzo se tient dans l'encadrement de la porte. Je délaisse mes pensées pour me tourner vers lui, avant de sauter sur mes pieds en distinguant Cole dans le couloir, derrière lui.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

- Je voudrais m'excuser.

- Ah bah tiens !

Je n'ai pas la force de l'écouter. En fait, je n'en ai juste pas envie. Je ne suis pas vraiment passé à autre chose, mais j'ai fait une croix sur notre amitié et je ne reviendrai pas là-dessus. Il m'a déçu, humilié et choqué. Ce qu'il a fait était bien plus violent que Rex lorsqu'il s'était emporté au printemps. Si je peux pardonner à l'un, l'autre ne m'a jamais apporté le nécessaire pour que je puisse passer outre. Avec Cole, j'ai ri, j'ai fait la fête, j'ai critiqué, j'ai dragué, j'ai bu. J'ai passé d'excellents moments en sa compagnie. Mais c'est un temps révolu. Sa pensée dépasse l'acceptation. Au-delà d'avoir critiqué mon orientation sexuelle, qui n'est pas un choix personnel mais celui de la vie, il a insulté une communauté et pas seulement celle à laquelle je fais indirectement partie. En parlant de l'histoire, c'est bien la mémoire de millions de personnes qu'il a profané. Je ne peux pas l'accepter.

- Je ne veux pas de tes excuses. Tu es allé trop loin. Pour moi tu n'es plus un ami mais un étranger avec lequel j'ai passé un bout de ma vie sans le connaître. Je pensais que tu avais des valeurs, que tu étais quelqu'un de bien et je me suis trompé. Je te souhaite un bon rétablissement, je vois que tu n'es pas très en point, mais je ne te pardonnerai pas. Et je te souhaite aussi une bonne continuation, en espérant que la vie se chargera de te montrer que les gens qui n'ont pas la même orientation sexuelle, la même couleur de peau ou la même religion restent des gens tout aussi honorables.

Cole soutient mon regard quelques instants avant de baisser la tête et de repartir, la queue entre les jambes. Enzo me regarde en hésitant avant de lever les pouces et de descendre à sa suite. Des brides de conversation me parviennent depuis le salon et je ne cherche pas à m'en mêler. Au contraire, j'attrape les clés de ma voiture et je m'en vais. Je conduis jusqu'au centre équestre. Le parking est plein et la carrière de sable est occupée par de nombreux couples cavalier-cheval. Je passe inaperçu entre les parents spectateurs et les élèves qui préparent leur monture.