Chut [Nathaniel]

6

Après être partie de chez Nathaniel, j'avais dû me rendre chez mes grands-parents. Ils m'avaient invité, ma famille et moi à prendre le dîner chez eux. J'étais arrivée plus tôt que le reste de ma famille. Ils étaient constamment en retard quand bien même ils ne faisaient rien de leurs journées. Ça leur importait peu de foutre la vie en l'air, ils aimaient ça. Ils détestaient travailler, ils s'en ventaient presque. Ils se ventaient de profiter du système et de toucher autant d'argent que quelqu'un qui travaillerait. Ils ne se rendaient pas compte de la chance qu'ils avaient d'avoir une famille là pour eux à toutes épreuves, et de l'argent qui tombait presque du ciel. Ils étaient vénales. Et je haïssais ça. Je haïssais leur chance d'avoir de l'argent sans rien donner, alors que des milliers de gens vivaient dans la pauvreté. Je ne pouvais m'empêcher de penser que si ils arrêtaient de profiter, l'argent qu'on leur donnait irait à des personnes et des familles dans le besoin, des gens qui aimeraient avoir leur chance eux aussi.

Je pouvais entendre leurs pas résonner dans le long couloir de mes grands-parents. Ils étaient là. J'avais envie de fuir rien qu'à l'idée de les voir. Je ne pouvais empêcher mon anxiété et ma peur ressortir, me grattant ainsi les mains. J'avais réussi à les éviter ce matin en partant tôt, très tôt. Il m'avait menacé la veille au soir pour que "je parte dans mon lycée de merde pour ne plus voir ma sale gueule".

Je les entendais parler et saluer mes grands-parents juste derrière moi. Je ne voulais pas me retourner et confronter leur regards. J'avais envie de fuir le plus loin possible. Je respirai doucement, essayant de calmer mes angoisses quand je sentis une main glisser de la naissance de mes omoplates jusqu'au creux de mes reins. Un frisson de dégoût parcourait mon corps entier, me donnant envie de vomir. Je fermai mes yeux, essayant de faire abstraction de cette main répugnante contre mon corps.

- Salut Elise ! J'ai pas eu le temps de te voir ce matin t'es partie trop vite ! s'exclama mon beau-père.

Je lui souris d'un sourire un peu trop faux quand il se pencha au dessus de moi pour me faire la bise. Sa main resserra sa poigne contre le bas de mon dos et devint plus dure et plus perverse qu'elle ne l'était déjà. Une vague de dégoût prit possession de moi et une envie de vomir me vint. Il me dégoûtait. Je ne comprenais pas à quoi il jouait en faisant ceci. Voulait-il paraître proche pour coller à son rôle de parfait beau-père devant les autres ? Pourtant il était, et resterait la pire des ordures. Que ce soit sous les lumière du monde ou derrière les rideaux fermés, toute son atrocité, sa cruauté, et sa brutalité se voyait. Le côté qu'il montrait aux autres était si pervers et malsain. Toute sa monstruosité transparaissait dans chaque geste qu'il pouvait faire et tout le monde fermait les yeux. Ça me rendait folle de rage que personne ne disent rien, que tout le monde jouait à qui sera le plus aveugle d'eux. Ils le savaient, ils le voyaient mais ils ne disaient rien. Je les détestais pour ça.

♦

J'étais assise entre mon grand frère et ma grand-mère. Ma mère et son compagnon face à moi, et mon grand-père en bout de table, comme à son habitude. Ma grand-mère, que j'avais toujours surnommé Nonna, avait donné de l'argent à mon beau-père pour qu'il aille acheter trois pizzas. Et comme toujours, il n'avait pas pris de pizza sans viande pour que je puisse en manger, donnant comme excuse que je ne faisais que faire un caprice d'adolescente avec mon végétarisme. Je me retrouvais donc forcé à trier une pizza remplie de lardons alors que je n'avais même pas faim. Et voir cette chaire animale dans mon assiette me donnait la nausée une fois de plus. J'étais beaucoup trop empathique envers les animaux.

- Eh mais tu peux manger un peu de cochon, ça te fera pas de mal ! T'es toute palote depuis que tu manges plus de viandes. On va croire qu'on te maltraite ! railla mon beau-père.