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Hors du temps


– Tu penses que tu es une bonne personne, mais tu ne l'es pas. Tu ne l'as jamais été. T'es dégoûtante.


Ses paroles frappaient mon cœur de plein fouet. Je savais que je ne devais pas écouter ses mots, ni les croire. Mais elle m'avait si peu adressé la parole durant mon adolescence que maintenant qu'elle le faisait, elle devait forcément avoir raison, non ?


- Tu es une horrible personne, vraiment.


Qu'étais-je sensée répondre ? « Oui maman, c'est vrai, tu as raison. J'ai honte de moi aussi. »


- Tout ça est de ta faute ! Si Vynce a pris cinq ans de prison et que moi, moi, on me retire la garde de mes enfants ! La chair de ma chair !


Je sentais mes paupières tressaillirent. Était-ce à cause de la colère ou de la peine ? Je n'en savais rien. Je me sentais à la fois débordante d'émotions et à la fois si vide. Tellement vide que ça m'effrayait. Je m'en voulais quand même un peu de les avoir dénoncés. Mais en même temps pas du tout. J'essayais de me convaincre que je méritais un peu de paix, loin d'eux mais ça ne marchait pas vraiment. La culpabilité me rongeait de l'intérieure. Elle grignotait chaque centimètre de mon être, elle m'étouffait. Je sentais les yeux de ma mère sur ma peau. J'étais mal. Je sentais les larmes s'agglomérer sous mes paupières. Je repliais instinctivement mes bras autour de moi, me protégeant de son regard meurtrier. J'avais l'impression de sentir leurs mains de partout, glissant sur mon corps, me menaçant. Respirer était devenu une tâche difficile. Étais-je quelqu'un d'horriblement égoïste pour avoir osé me défendre contre leur eux, contre leur maltraitance ? Étais-je mauvaise pour avoir voulu mettre un terme à ma souffrance ? Je n'en avais aucune idée. Toutes ces idées contraires, ces questions, ces peurs, ces doutes me tuaient à petit feu.


- Je suis humaine comme toi. Je fais des erreurs, j'ai des fautes moi aussi ! cracha-t-elle, enfoncée dans son siège, accompagnée de son air suffisant. Je t'ai toujours accepté pour qui tu étais, avec toutes tes fautes même quand toi, tu ne pouvais pas trouver une place dans ton cœur pour m'accepter moi, pour qui je suis.


Si seulement elle avait raison. Si seulement elle m'avait accepté. Si seulement je l'avais rejeté. Si seulement je ne l'avais jamais aimé. Si seulement je ne l'aimais plus. Mon corps se déchirait de douleur à chaque fois que je pensais à ce que j'éprouvais envers elle, envers ma mère. Elle ne le méritait pas. Elle ne méritait pas que je l'aime avec autant de pureté. J'avais voulu la détester. Je voulais la détester de toutes mes tripes. Je m'en étais même persuader. Passer un moment je pensais vraiment la haïr, la mépriser. Mais non. Je me voilais seulement la face. Je ne l'avais jamais haï. Je l'avais seulement aimé, malgré moi.

Pourquoi avais-je accepté de la voir ? Je savais très bien ce qu'elle allait faire et dire. J'avais mal.


- Tu aurais pu te mettre à ma place un peu.


La culpabilité grandissante en moi venait d'elle, et uniquement d'elle. Elle, était mauvaise, pas moi. J'avais essayé de me mettre à sa place, plusieurs fois. Et je n'avais jamais compris. Je n'avais jamais compris pourquoi elle m'avait fait ça. Pourquoi elle m'avait laissé endurer les mots, les coups de son compagnon. Pourquoi elle ne m'avait pas aidé et protégé. Je n'étais pas une mauvaise personne.

Chut [Nathaniel]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant