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Nathaniel et moi nous étions un peu rapproché durant ces deux semaines. On passait la plupart de notre temps ensemble durant les cours, et il avait demandé à sa mettre à côté de moi dans presque toutes les classes. J'étais heureuse de l'avoir à la table d'à côté, il m'aidait énormément à comprendre les leçons qui me posaient problème. À chaque fois que mon attention se perdait sur autre chose que les cours, il me donnait un léger coup de pied pour que je me reconcentre. Alors, dans la plupart des cours, mon attention n'était orientée presque que vers les explications des professeurs, et je voyais déjà une amélioration dans ma compréhension et dans mes notes. Après les cours on allait souvent réviser ensemble au café ou au CDI. Il n'avait plus demandé ou insisté pour revenir chez moi après ce qu'il s'était passé, et ça m'arrangeait bien. Suite à sa venue la fois dernière, mon beau-père m'avait hurlé dessus et interdit de sortir le lendemain, quand bien même je devais me rendre au lycée. Je lui avais légèrement tenu tête, le trouvant idiot de me priver d'éducation, et il en était mécontent. Il avait alors relevé la main sur moi. Et d'un seul geste brusque qu'il avait abattu sur ma joue, il m'avait coupé la lèvre et fait mordre ma langue jusqu'au sang. Ma mère avait hurlé à la vue du filet de rougeâtre qui s'était mis à couler. C'était la première fois que je saignais sous les coups d'un autre. J'étais restée médusée face à cette violence et ce gout de fer qui emplissait ma bouche. J'avais levé mon regard vers lui, le fixant complètement déconcerté par la situation. Dans un battement de cils, la lueur d'animosité présente dans ses yeux laissèrent place à un sentiment de peur panique. Il s'était laissé tomber à genoux avant de m'entourer de la taille de ses bras. Il s'excusait en boucle, m'affirmant qu'il ne l'avait pas fait exprès, m'assurant qu'il n'avait jamais voulu me faire de mal. La sensation de son corps collait au mien me donnait la nausée. Il me dégoûtait. J'essayais de le pousser loin de moi, mais au plus je le refoulais, au plus il s'accrochait à moi. Mon t-shirt devenait humide sous ses pleures. Alors je lui avais hurlé dessus à en perdre haleine de me lâcher, tout en lui assénant des coups de genoux sur le torse. Des larmes de rage et de peur roulaient sur mes joues. Je voulais qu'il cesse son étreinte perverse. Ma mère l'avait pris par les épaules et décollé de moi, me pleurant que je ne devais pas le frapper, qu'il voulait juste s'excuser. Sa réaction m'avait laissé complètement ébahit. Comment pouvait-elle dire ça ? Était-elle si dépendante de lui que ça ? Au point de tout lui excuser ? Au point de pas protéger son propre enfant ? J'étais écœurée par leurs réactions. J'avais attrapé mon sac dans ma chambre avant de sortir de cet appartement qui me répugnait, passant la nuit à somnoler assise dans un parc, les écouteurs dans les oreilles.

Mes yeux étaient rivés sur la table et je griffonnais machinalement des petites cercles sur les feuilles de mon cahier quand Nathaniel vint heurter mon genoux à l'aide du sien. Il prenait des notes dans son calepin, surlignant tout ce qui lui paraissait important. Je soufflais, n'ayant pas la foi pour me concentrer sur quoique ce soit aujourd'hui. J'avais essayé d'être sobre ce matin, de ne prendre aucuns médicaments. Mais je regrettais amèrement. Mes idées s'égaraient beaucoup trop, allant dans tous les sens et ressassant souvent le souvenir de Vynce me frappant et m'insultant. Son comportement, ses mots, son visage, hantaient mon esprit. Je regrettais de ne pas avoir au moins avalé un comprimé.

Nathaniel me donna un léger coup de coude pour attirer mon attention avant de me regarder d'un air sévère. Je soupirai tout en m'éloignant un petit de lui pour m'appuyer contre le mur. Je voulais qu'il me laisse tranquille. Mon cerveau bouillonnait d'émotions, et ce n'était pas le moment de me déranger. Je me mordillais la lèvre inférieure, arrachant la peau près de l'ancienne coupure. Celle-ci avait du mal à cicatriser à force que j'y touche. Les premiers jours je l'avais beaucoup de fois réouverte à force de triturer mes lèvres avec mes dents, provoquant de nouveaux saignements. Je n'avais jamais ce toc de me mordre la lèvre, mais raviver cette douleur me faisait rester ancré dans la réalité des choses, et de ne pas craquer et d'excuser mon beau-père sous les supplications de ma mère. Il avait voulu me faire du mal, c'était son but, j'en étais persuadée.

Chut [Nathaniel]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant