PARTIE 1 : LA SÉLECTION _Chapitre 1

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Quatorze ans plus tard ...

Salim bin Bassim Khazar observait sa fille devant lui. Du haut de ses dix-neuf ans, elle était devenue une magnifique jeune femme. Ses longs cheveux noirs, attachés en queue-de-cheval, virevoltaient au gré de ses mouvements. Elle affrontait Leith, son frère jumeau, dans un duel à l'épée.

Tous les deux vêtus d'une simple chemise blanche et d'un pantalon noir, ils se ressemblaient beaucoup, si ce n'est que Leïla était légèrement plus fine et plus petite que lui. Le combat semblait inégal, mais contre toute attente, c'était elle qui menait la danse. Elle usait de son agilité pour le battre, quand lui s'appuyait sur sa force pour gagner. Elle esquivait et attaquait avec souplesse et rapidité. Il évitait ses coups avec dextérité et abusait de sa force dans l'espoir de la faire lâcher son épée, ce qui mettrait un terme au duel. Mais elle tenait ferme, refusant de perdre contre lui.

Leur père savait que la plupart de leurs duels avaient pour origine soit un défi, soit un désaccord. C'était leur façon de se départager ou de se mettre d'accord. À vrai dire, tous sujets pouvaient être un prétexte pour engager un affrontement. Et il se demandait ce qu'ils avaient encore convenu pour que sa fille se démène avec autant de hargne. Malheureusement pour elle, son adversaire n'était pas le meilleur guerrier de tout Shamsen pour rien et elle perdait plus de combats qu'elle n'en remportait. Cette fois-ci encore, il détecta une ouverture dans sa parade et l'exploita immédiatement en frappant de toutes ses forces. Elle lâcha son épée sous la puissance du coup et celle-ci s'élança dans les airs pour retomber quelques mètres plus loin dans un bruit de tintement.

Vaincue, elle le fusilla de ses beaux yeux bruns, similaires à ceux de son adversaire, si rares pour le pays. Un héritage de leur défunte mère. Leïla lui ressemblait beaucoup, tant par sa beauté que pour son altruisme et sa générosité. Tandis que Leith avait plutôt hérité du tempérament paternel. Ce dernier était visiblement ravi de l'avoir encore une fois battue et lui lança une remarque que le père, trop loin, n'entendit pas. Elle lui tira la langue et partit chercher son épée échouée sur le sol, sa queue-de-cheval balançant à chacun de ses mouvements. Ils se dirigèrent ensemble vers un des bâtiments annexes, qui leur servait de vestiaire afin de s'y changer. Le bras du frère posé sur l'épaule de sa sœur qui avait posé le sien dans le bas de son dos, ils se regardaient en riant, témoignage de leur grande complicité, qui existait malgré leurs rivalités incessantes.

Le vieil homme relut encore une fois la missive qu'il tenait entre ses doigts et réfléchit à la proposition qui y était inscrite. Il passa une main dans ses cheveux châtains, grisonnants, qu'il aimait porter court. Sa longue barbe lui donnait l'allure d'un homme sage. Ses yeux verts étaient cachés derrière des lunettes rondes, car la vieillesse avait endommagé sa vue.

Il avait rencontré sa femme tardivement alors qu'il pensait quitter ce monde seul. Elle était beaucoup plus jeune que lui et leur rencontre avait été le coup de foudre immédiat pour chacun d'eux. Elle avait eu lieu lors d'une de ses campagnes militaires, dans son pays natal, établi plus au nord du royaume, dans les contrés lointaines, par-delà la mer et le désert d'orient. Il lui avait fait la cour et elle avait de suite accepté sa main. Orpheline, elle avait tout quitté sans regrets. Mais son épouse bien-aimée les avait quittés trop tôt, le laissant seul à nouveau avec les jumeaux âgés de huit ans seulement. Par simplicité, il les avait élevés de la même façon, renforçant de surcroît leurs similitudes.

Si Leith se démarquait par son habileté à l'épée, Leïla était dotée d'une intelligence remarquable. Elle retenait pratiquement tout ce qu'elle lisait et possédait une curiosité sans borne. Elle s'était intéressée aux sciences, à la médecine, à l'astrologie et bien d'autres choses encore, faisant d'elle une marginale pour son temps. Aïla ibn Fadi Alhukm, leur gouvernante et femme à tout faire, s'était quand même chargée de veiller à ce qu'elle sache tenir un foyer afin de pouvoir se trouver un mari facilement.

T01-L'intrépideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant