Le moment du départ arriva. Elle venait de vivre le mois le plus éprouvant de toute sa vie. Elle n'avait pas beaucoup dormi, jonglant entre ses leçons et ses escapades aux pieds des murailles.
Aïla s'était transformée en une professeure terriblement exigeante. Quand elle n'arrivait pas à terminer ses exercices dans le temps imparti, elle devait les poursuivre quand elle partait rejoindre ses protégés. C'est ainsi qu'un matin, elle s'était retrouvée à traverser toute la ville avec une pile de livres sur la tête qu'elle ne devait surtout pas faire tomber par terre. L'objectif avait été de la forcer à marcher la tête droite. On s'était bien moqué d'elle, mais au moins maintenant, elle savait parfaitement bien se déplacer.
Ses pieds aussi avaient beaucoup souffert. Surtout quand elle avait dû apprendre à danser. C'était son père qui s'en était chargé et elle lui avait écrasé les orteils un nombre incalculable de fois. Cependant, tout comme pour la marche, elle dansait désormais avec beaucoup de grâce et de légèreté. Et heureusement pour eux, elle avait créé un remède efficace, à base de plantes, pour soulager les douleurs physiques et musculaires. Mais Aïla ne s'était pas arrêtée là, elle lui avait aussi enseigné comment s'exprimer de manière distinguée et pour chaque juron qu'elle avait lâché, elle avait dû faire deux heures de diction supplémentaires.
Oui, ce mois avait été un véritable enfer, mais elle était fière, aujourd'hui, d'avoir réussi à accomplir tout ce que son exigeante professeure avait jugé nécessaire qu'elle sache.
Elle monta dans le fiacre, qui devait la conduire jusqu'au palais royal, la boule au ventre. Laisser seuls ses amis l'inquiétait. Elle était leur médecin, leur institutrice, leur conseiller, leur architecte et tant d'autres choses encore. Elle s'était acharnée à former des personnes pour la remplacer durant son absence, qui était malheureusement d'une durée indéterminée, mais elle savait que cela ne pourrait pas durer.
Son apprenti médecin, Taher bin Habib Faqir, manquait de confiance en lui, et même si elle lui avait laissé tous ses livres de médecines et toutes ses notes, il aurait beaucoup de mal à soigner ses patients. Elle espérait que le stock de moisissures bleues, qu'elle avait transformées en médicament, soit suffisant pour au moins guérir les prostituées atteintes de la vérole. Quant à Fatima ibn Mariem Rajhab, l'institutrice, elle savait à peine lire et écrire et encore moins compter, mais saurait transmettre avec enjouement toutes ses maigres connaissances.
Zara ibn Ghanim Sayida la doyenne, une femme d'un grand âge et pleine de sagesse auprès de qui Leïla trouvait souvent réconfort dans ses paroles, lui avait ordonné de ne pas s'inquiéter pour eux. La mort ne leur faisait pas peur, et elle pouvait frapper n'importe qui et n'importe quand. Ils lui étaient déjà tous tellement reconnaissants pour tout ce qu'elle avait fait pour eux. Elle avait grandement amélioré leurs conditions de vie. Elle leur avait appris ce qu'était l'espoir et la joie avait commencé peu à peu à fleurir dans leur cœur. Mais voilà, Leïla se sentait frustrée car elle voyait tout ce qu'il restait encore à faire pour qu'ils puissent vivre décemment.
L'idée de rester, des mois durant, dans le luxe et l'opulence, mangeant des mets riches et variés alors que ses amis mouraient de faim au cœur de la ville, lui donnait la nausée. Et vivre dans cette arène de dinde en chaleur, comme l'avait si bien qualifié Aïla, la faisait enrager. Mais les paroles de sa chère gouvernante ne cessaient de la hanter « deviens notre reine et ainsi, tu auras le pouvoir nécessaire pour les sortir de la misère et plus aucune Beha ne devra se prostituer pour survivre, car plus rien ni personne ne t'empêchera d'agir comme tu le souhaites ... ». Et elle avait raison.
C'était pour eux qu'elle était désormais dans cette voiture qui la conduisait vers son nouveau destin. Et c'était pour eux qu'elle se battrait pour remporter la victoire et épouser le roi. Même si elle ne savait pas à quoi il ressemblait aujourd'hui, elle savait seulement qu'il était différent de son père qui avait plongé le pays dans la ruine. Et que c'était un bel homme. Mais elle savait pour ce dernier point que les rumeurs n'étaient, bien souvent, pas objectives. Elle n'avait jamais entendu parler d'un roi moche. Et pourtant, ils restaient humains, ils n'étaient donc pas parfaits.
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T01-L'intrépide
Fiksi SejarahLeila ibn Salim Khazar est une très belle jeune fille. Malgré son amour et son respect pour sa famille, son mépris des conventions l'éloigne des rôles dévolus aux jeunes filles de son rang. Dévouée envers son peuple, elle est remarquée par Jamal be...